Collage et mise en scène : André Perrier
Collage et interprétation : Marcel Pomerlo
Avec Marie-Josée Gauthier, Paul-Antoine Taillefer
Le texte, une partition théâtrale de poèmes puisés à même l’œuvre complète de Jean-Paul Daoust, est une mosaïque textuelle fluide et cohérente. Notre figure centrale, Jean-Paul, personnage coloré, flamboyant et par moments vulnérable et tragique, se retrouve un soir seul chez lui à Montréal en rentrant de voyage. Dès que la porte se referme derrière lui, le marasme du quotidien qu’il fuit avec effroi l’assaille et il en est prisonnier dans l’attente de l’appel, du coup de fil de l’être aimé, cet objet de tous les désirs et de toutes les folies, vivant à New York, cette cité mythique, emblème plus grand que nature de L’AMÉRIQUE fantasmée, clinquante et souvent cruelle. C’est ainsi que notre protagoniste se voit visité par ses propres “démons”, ses fantômes mythologiques qui viennent s’amuser à lui rappeler l’absurdité précaire de son existence. Ils passeront la nuit ensemble, où chansons, pas de danse, ironie, vérités, sarcasmes et parfois cruauté cohabiteront.
De cette dramaturgie épurée naît la démesure d’un personnage en quête d’un absolu où le bonheur et l’amour se projettent sur un écran en cinémascope. Le drame du personnage vient de la confrontation entre ce mirage idéaliste qu’il croit être son dû et cette méfiance innée de l’ordinaire qu’il rejette. Difficile de ne pas lui donner raison alors que nous voudrions tous briser les chaînes qui nous lient et avoir le courage de vivre à cent milles à l’heure comme tente de le faire notre héros. Pourquoi avons-nous cessé de rêver ? Pourquoi l’absolu est-il devenu un mot juvénile ? My name is Jean-Paul est un texte lumineux ouvert sur toutes les possibilités. Ça fait du bien.
assistance à la mise en scène et régie : Julie-Anne Parenteau-Comfort
décor : Julie Deslauriers
costumes : Vivianne Lacombe
éclairages : Lucie Bazzo
environnement sonore : André Perrier, Marcel Pomerlo
Les mardis à 19h
Du mercredi au samedi à 20h
Rencontre avec l’équipe de production
à l’issue de la représentation du mardi 28 avril 200
Carte Prem1ère
Régulier : 25$
Abonnés : 12,50$
Dates Prem1ères : 16 au 24 avril 2009
Une production du Théâtre Debout
Théâtre d'Aujourd'hui - Salle Jean-Claude Germain
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900
par Daphné Bathalon
Rencontre d’un soir
Dès les premières mesures, impossible de retenir un sourire. Le medley est entraînant. La poésie de Jean-Paul Daoust et l’énergie - le « shine » - de son interprète nous emportent dans un tourbillon musical. Pour sa septième création, le Théâtre Triangle vital a opté pour la folie libératrice d’un poète québécois, une belle manière de refuser de s’enliser dans l’actuel marasme ambiant.
Depuis 1976, Daoust a publié une trentaine de recueils de poésie. De Oui, cher à Élégie nocturne, sa poésie est marquée par l’autodérision, la fureur, l’amour et la quête d’une certaine forme de liberté. My name is Jean-Paul nous place face à un homme qui se débat entre les envies de mort (violente) et les doutes qui l’assaillent. Plantée au milieu d’un décor de cabaret (rideau rouge, lustre et lampes chics) : une unique porte. Le personnage de Jean-Paul est placé là, aux aguets, tandis que le public s’installe dans la salle. Au sol, trois corps sont étendus : ils ne s’éveilleront que lorsque l’espoir de Jean-Paul tremblera sur ses assises.
Parures et clinquant se côtoient au milieu des rires en boîte. Comme si une grande soirée venait d’avoir lieu, les comédiens, à l’exception de Jean-Paul, sont vêtus de costumes glamour, mais robes et vestons sont en mauvais état, sales et poussiéreux.
My name is Jean-Paul, c’est d’abord un spectacle de performance, celle de Marcel Pomerlo au « smile » si large qu’on en oublie la mort qui rôde. Sur cette scène de cabaret, il chante et surtout s’égosille pour chasser les pensées morbides. Personnifiées par trois comédiens, ces pensées s’accrochent telles des chancres à Jean-Paul pour lui susurrer que ce serait l’un de ces soirs idéaux pour se tuer : soir d’opéra, soir terrible, soir neutre, les énumèrent-ils. Ce sont « ces soirs où on calfeutre sa folie [...] en essayant de dompter son cerveau ». Couteau, poison, fusil, corde, médicaments, tous les éléments nécessaires pour mettre fin à ses jours sont là.
Littéralement accroché au cadre de porte, Jean-Paul n’a pas d’autre choix que de faire front; et la sarabande des petites morts continue de le tourmenter avec ses doutes et ses remises en question : le téléphone qu’il tient à la main ne sonne pas. C’est un objet sourd-muet, indifférent : celui qui doit l’appeler est sûrement avec un autre homme. Le spectateur assiste à un duel, véritable bras de fer entre la volonté de vivre et la volonté de mourir, le tout sur des airs joyeux, où le français et l’anglais s’entremêlent. Brazil de Frank Sinatra sert de conjuration à Jean-Paul, il tient ainsi les idées noires à distance. Marcel Pomerlo brille autant que son sourire : son incarnation du poète est un feu roulant à peine marqué par quelques accalmies. Exalté, il bondit d’un sujet à un autre et passe sans transition d’une chanson connue à la suivante.
Colorée et excentrique, à l’instar de son auteur, la pièce My name is Jean-Paul investit la petite salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 9 mai en nous invitant à aspirer, plutôt qu’à la mort, à vivre comme un feu d’artifice.