Texte de Normand Chaurette
Mise en scène de Carole Nadeau
Avec Martin Bélanger, Christian Brisson-Dargis, Benoît Drouin-Germain, Éric Forget et Xavier Malo
Charles Charles 38, interné dans un asile de Chicago, joue et rejoue les scènes tragiques de la nuit du 19 juillet 1919, soir de l’unique représentation du Théâtre de l’immolation de la beauté au Provincetown Playhouse. Un enfant y a été tué de 19 coups de couteau. Un thrilleur théâtral où miroirs et vidéo fragmentent et «distorsionnent» le récit pour livrer un cauchemar ludique et éclaté, un dérapage à la David Lynch.
Cette production de Provincetown Playhouse, juillet 1919, j'avais 19 ans a été créée et présentée au Hors-bord en avril 2003 puis a été reprise au Mois Multi en février 2004 et au 1er Festival International de théâtre de Montevideo en Uruguay en 2005. Lors de cet événement, ce spectacle a été finaliste dans la catégorie meilleur spectacle étranger pour le Prix Florencio Sanchez décernés par l’Asociacion de Criticos Teatrales del Uruguay.
Dans une scénographie en fragments de miroirs, se révèlent peu à peu les morceaux d’une œuvre magnifiquement ficelée par l’écriture de Normand Chaurette. Fidèle à son approche multidisciplinaire, Carole Nadeau, pour ce Provincetown Playhouse, joue avec les codes du thrilleur, s’en amuse, en proposant un jeu de réalités et de reflets avec, en fond de toile, une américanité dans le rythme et les images.
Mise en espace et vidéo : Carole Nadeau
Assistance à la Mise en Scène : Annie-Claude Beaudry
Éclairages : Louis-Philippe St-Arnault
Son : Jean-Sébastien Durocher
Direction technique : Éric Belley
Régie : Jean-Sébastien Durocher et Marie Larocque
Collaborateurs dans les présentations antérieures : Julie Anne, Olga Claing, Baya Design, Steeve Dumais, Thomas Godefroid, Marie Larocque, François Marquis, Stéphanie Morissette, Louis-Philippe St-Arnault
Une production le Pont Bridge en codiffusion avec le Théâtre d’Aujourd’hui
Théâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900
par Aurélie Olivier
Présentée pour la première fois à Montréal en 2003, la mise en scène faite par Carole Nadeau de la pièce de Normand Chaurette, Provincetown Playhouse, juillet 1919, j'avais 19 ans, suscitait les éloges de la critique. Il est donc heureux que le spectacle de la compagnie du Pont Bridge reprenne l’affiche sur une grande scène montréalaise.
Dérangeant, le premier texte de Normand Chaurette nous transporte dans un asile de Chicago, en 1938. Charles Charles, désormais âgé de 38 ans (Martin Bélanger), y revit le soir de ses 19 ans, le 19 juillet 1919, alors qu’était créée dans le grenier d’une poissonnerie son unique pièce, Le théâtre de l’immolation de la beauté. Au cours de la représentation, les comédiens – son amant Winslow (Benoît Drouin-Germain) et son ami Alvan (Xavier Malo) – avaient tué de 19 coups de couteau un enfant dissimulé dans un sac.
Savaient-ils que le sac contenait un enfant au lieu d’ouate et de sang de cochon? Telle est la question que Carole Nadeau met au centre de la représentation, faisant de la pièce de Chaurette un spectacle à suspense. La créatrice n’hésite pas à morceler le texte, au départ savamment construit en 19 tableaux, et se permet d’ajouter un personnage (Éric Forget), qui représente la part de mal présente en Charles Charles. Son visage diabolique apparaît déformé derrière un astucieux jeu de miroir et sa voix, transformée par le système de son, est susurrante et saccadée, ce qui pourrait peut-être en agacer certains.
L’espace scénique est magistralement occupé et les images se bousculent. Reflets, jeux d’ombres, effets de transparence, superpositions, projections… la réalité est distordue et nous plonge au cœur de la folie qui habite Charles Charles. À cela s’ajoutent nombre d’effets sonores propres à nous glacer le sang, très évocateurs de l’idée que nous nous faisons de ce qui se passe dans un esprit dérangé. S’y mêlent des bruits ambiants typiques d’un hôpital (appels au micro entre autres), entre deux apparitions du personnel soignant.
Malgré quelques scènes plus ou moins convaincantes, l’ensemble est une grande réussite, alliant savamment l’exigence du texte et la recherche visuelle et sonore. Un spectacle à ne pas manquer.