Texte d'Anne-Marie Olivier
Mise en scène de Véronika Makdissi-Warren
Avec Hélène Florent, Paul-Patrick Charbonneau, Érika Gagnon, Éric Leblanc, Édith Paquet
Derrière le comptoir d’un dépanneur, Josée s’étonne du besoin d’aide criant que vivent les gens de son quartier. Avec le concours de Polo, elle invente une machine qui dépannera littéralement le moral des gens. La machine aux allures de photomaton régurgite un judicieux (!?) conseil, une solution à chaque problème émis lors de la consultation. L’appareil endosse plusieurs fonctions selon les humeurs des clients : refuge, cachette, confessionnal, oreille attentive et fine psychologue pour les uns… ou objet de convoitise, outil d’exploitation… pour les autres. Mais Josée est persuadée du bien qu’elle peut accomplir et susciter : « Ma théorie d’la vie, c’est pas compliqué, c’est qu’on fait partie d’une grande chaîne d’amour sauf qu’on le sait pu! ».
Avec une écriture sensible et décapante, Anne-Marie Olivier nous fait découvrir une galerie de personnages qui, tous plus au moins paumés, sont à la recherche d’un peu de bonté, en quête de réponses, de réconfort ou de miracle. Elle donne une voix à ces solitudes qui ne cherchent qu’à se raconter. L’auteure s’intéresse d’un côté à ceux qui attisent nos préjugés et de l’autre, à ceux qui les véhiculent aussi. Elle creuse pour trouver les racines d’une pensée nombriliste, où montent la droite et l’intolérance. Une chronique, le panorama d’un quartier populaire.
Assistance à la mise en scène et régie : Christian Garon
Scénographie : Élise Dubé
Costumes : Julie Morel
Éclairages et Direction technique : Christian Fontaine
Environnement sonore : Jean-Sébastien Côté
Conception Vidéo et Graphisme : Mario Villeneuve
Une production le groupe Ad Hoc en codiffusion avec le Théâtre d’Aujourd’hui
Théâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900
par Magali Paquin (2007 - Québec)
« Le psychomaton », machine automatisée offrant ses services d’écoute pour un modique 2$, offre la possibilité aux quidams des rues d’ouvrir leur cœur et de confier ouvertement leurs craintes et leurs joies. Cette dernière création d’Anne-Marie Olivier, à qui l’on doit également « Gros et détail », une pièce marquante des saisons 2004 et 2005, met à nouveau le quartier St-Roch sous les feux de la rampe.
Josée (Hélène Florent), commis de dépanneur, se donne corps et âme dans le service à la clientèle, persuadée qu’elle est de l’impact positif qu’a un sourire sur les gens. Avec l’aide de son ami Polo (Hugues Frenette), elle élabore une machine offrant des services de psychologie automatisés. Peu à peu, les gens du quartier (Érika Gagnon, Éric Leblanc, Édith Paquet) font de l’engin leur confident, tandis que Josée se turlupine l’esprit sur l’essence du bonheur, au grand dam de Polo… À la fois conte naïf et critique, la pièce risque de trouver un public enthousiaste, malgré ses importantes lacunes. Car la subtilité n’est pas du jeu… ni du texte.
Alors que « Gros et détail » exposait avec finesse et profondeur un intense quartier St-Roch tout en laideurs et beautés, « Le psychomaton » déçoit par ses considérations superficielles sur la basse-ville de Québec et ses habitants. Le dépanneur et le psychomaton deviennent des prétextes à l’insertion de critiques éparses sur CHOI FM, la fréquentation du théâtre, la solitude des personnes âgées et autres sujets susceptibles d’avoir marqué l’actualité et l’esprit de l’auteure. Mais est-il vraiment nécessaire de souligner en gros, en gras et au fluo jaune des réflexions qui ne vont pas au-delà d’une lecture des choses convenue et mille fois entendue ? Cette surdose de commentaires très faiblement approfondis et disséminés de-ci delà n’est malheureusement pas à la hauteur de la maturité du texte qui avait valu les honneurs à Anne-Marie Olivier en 2004-2005.
D’autre part, ni les personnages mis en scène, ni leur interprétation ne permettent à la pièce de s'extraire de la figure caricaturale dans laquelle elle tend à s’enfoncer. De la jeune artiste naïve à la femme battue, en passant par la voisine écornifleuse et la marginale arnaqueuse, les personnalités demeurent majoritairement grossières, peu crédibles et présentent une figure des quartiers défavorisés que le sens commun se plaît à concevoir. Certes, le grand nombre de personnages impliqués peut rendre la tâche difficile aux cinq comédiens, qui doivent constamment endosser une nouvelle personnalité. Peut-être est-ce le scénario, tout comme un choix de mise en scène de Véronika Makdissi-Warren, qui produisent cette facture caricaturale. Cet effet est peut-être volontaire, mais tout porte à croire que l’on se prend bien au sérieux.
Ces sombres paragraphes ne visent cependant pas à tout détruire du « psychomaton ». Beaucoup trouveront certainement leur compte dans la candeur qui s’en dégage et dans les critiques dont elle est truffée. Mais qui s’attend à y trouver l’acuité et la sensibilité que sait démontrer Anne-Marie Olivier dans les portraits qu’elle brosse de la vie urbaine sera certainement déçu.