Du 16 février au 6 mars 2010
Supplémentaires 20-27 fév. 6 mars 15h, 24 fév. + 3 mars 16h
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Les Essais, d'après Montaigne

Texte de Michel Tanner et Loup Bleu
Mise en scène de Jacques Laroche
Avec Béatrix Ferauge, Annie Darisse, Antoine Laprise, Guy-Daniel Tremblay

Un loup bleu tient la vedette d’un film de marionnettes sans son de 90 minutes, doublé et narré par les acteurs sur scène. Il partage l’écran avec Michel de Montaigne, philosophe français, qui signe lui-même l’adaptation cinématographique de ses Essais et en tire un portrait satirique du 16e siècle, si souvent proche du nôtre.

les mardis à 19 h
du mercredi au vendredi à 20 h
les samedis à 15 h et 20 h
le dimanche 28 février à 15 h
Rencontre avec l’équipe de production
à l’issue de la représentation du mercredi 24 février

Décor : Christian Fontaine
Marionnettes : Isabelle Larivière
Costumes : Isabelle Chevalier
Éclairages : Christian Peuckert
Musique : Éloi Baudimont
Caméra et tournage : Marco Dubé
Direction artistique : Frédéric Blin
Régie : Catherine Desjardins-Jolin

Une création du Théâtre du Sous-marin jaune, en coproduction avec la Fabrique de Théâtre (Province du Hainaut), le Théâtre de l’Éveil (Bruxelles), le TJP Strasbourg (CDN Alsace) et le Théâtre de la Bordée (Québec), en codiffusion avec le Théâtre d’Aujourd’hui

En tournée en Belgique à l’automne 2008, à Strasbourg et Frouard en mars 2009, à Québec en avril 2009 et à Charleville-Mézière en septembre 2009.

Théâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900

par David Lefebvre

Après Voltaire, l’Ancien Testament et Descartes, le directeur artistique et philosophique du Théâtre du Sous-Marin Jaune, le magistral et irrésistible Loup Bleu, s’attaque à une autre œuvre importante de l’histoire de l’humanité : les Essais d’après Michel Eyquem, seigneur de Montaigne. Philosophe, moraliste, écrivain, humaniste, Michel de Montaigne est issu d’une famille riche et s’immisce dans la vie politique en tant que maire de Bordeaux. Ses relations l’entraînent à côtoyer plusieurs figures emblématiques du 16e siècle, dont Catherine de Médicis. Respecté de toutes parts, il agit comme modérateur entre Henri de Navarre, protestant, et Henri III, catholique. Textes passionnants, ses essais sont assurément les premières pierres de notre société moderne, et le fameux «Que sais-je?», le point de départ de nombreuses réflexions philosophiques. Admirateur des grands penseurs grecs et romains, ses travaux inspireront et influenceront multitudes d’écrivains, dont Descartes, Pascal, Zweig.

Le Loup Bleu ne fait jamais les choses de la même manière : par exemple, côté espace, après le castelet (Candide),  la scène meublée de tables (La Bible) ou l’utilisation de la totalité de l'espace avec des boîtes, des coussins et des accessoires (Le discours de la méthode), l’équipe du Sous-Marin Jaune se lance dans une nouvelle aventure : le cinéma! Paria? Transfuge? Nenni! Quoique la forme soit audacieuse, car le mariage «projection d’images et théâtre» est encore un sujet délicat, l’idée sert à tout point de vue le propos. Les images ont été tournées en un seul mois, à plusieurs endroits de la ville de Québec et sur la Rive-Sud, ainsi qu’en studio de répétition. Sous la gouverne du kinoïte Marco Dubé, qui s’occupe aussi du montage avec Antoine Laprise, la facture cinématographique, mais très «ho-loup-woodienne», respecte ce côté bric-à-brac qui a fait la renommée du Sous-Marin Jaune depuis ses débuts. Manipulons les médias! clame le Loup d’entrée de jeu ; la caméra devient alors un objet manipulé, un autre type de marionnette. On remarque quelques influences, dont Chaplin, Bergman ou Kurosawa, selon Antoine Laprise. Mais le style de l’auteur en vedette, allègre, virevoltant, se fait sentir tout au long du spectacle, conjugué à  l’humour irrévérencieux, parfois grivois, mais toujours perspicace de notre ami le Loup, qui est ici amadoué par l’homme de qui il apprend l’amitié.

Après le mythique prologue de notre ami bleu, les comédiens prennent place sur la scène vide, mis à part une batterie, quelques guitares et des micros. Ils s’occupent ainsi de la bande-son du film, qui est à priori muet ; les bouches des marionnettes et les voix ne sont pas toujours synchro (rappelant la blague de Goscinny dans Astérix et Cléopâtre), ce qui procure d’excellents gags. Notons le travail de Guy Daniel Tremblay qui joue avec prestance le rôle de Michel de Montaigne, et de Béatrix Ferauge en Catherine de Médicis. La crise de la reine après la mort de son époux, très rock n’ roll, est mémorable.  La musique en direct accompagne les doubleurs, grâce à Antoine Laprise aux percussions et Jacques Laroche (qui signe aussi la mise en scène) aux guitares. L’influence des Clash n’est pas démentie, surtout grâce au t-shirt jaune à l’effigie du band que le Loup Bleu arbore fièrement. Félix Leclerc, Joe Dassin et même Minuit Chrétien se font entendre lors de la prestation.

La mise en scène, qui fige plus ou moins les acteurs pour permettre aux spectateurs de se concentrer sur l’écran géant, permet tout de même quelques incartades.

Les concepteurs (Christian Fontaine, Isabelle et Marie-France Larivière, entre autres) ont minutieusement créé des décors et des personnages principalement en carton, de dimensions diverses, ainsi que des marionnettes plus traditionnelles, pour permettre un grand nombre de possibilités de plans – rapproché, large, grand déploiement. Le seul bémol réside dans l’utilisation de plusieurs représentations-marionnettes pour le même personnage : malgré quelques indices visuels, une certaine confusion peut s’installer au sein du public. D’autant plus que le propos est d’une densité remarquable, tant la matière est riche et considérable. Mais, par une écriture originale et intelligente, les coauteurs Michel Tanner et Loup Bleu parviennent à rendre accessibles tout autant les Essais que la vie tumultueuse de la France du 16e siècle : guerres civiles, réformés et catholiques, massacres, grands penseurs, vie quotidienne, humanisme. Mais la Mort rôde et hante le spectacle, s’imposant comme un thème central et récurrent : qu’est-ce que la mort? Pourquoi la donne-t-on si facilement? Qu’y a-t-il après?

Coproduction belgo-franco-québécoise, Les essais d’après Montaigne est un spectacle osé, ludique, hybride, où les remises en question et les citations sont légion. Et la rigolade, omniprésente!

19-02-2010

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