Texte de Lise Vaillancourt
Mise en scène de Daniel Meilleur
Avec Widemir Normil, Louise Bombardier, Émile Proulx-Cloutier
Quatre personnages : une femme blanche, un homme noir, un jeune homme bleu, un policier mauve. Quatre lieux : un dispensaire dans la jungle, un cabinet de psychanalyste, un hall d’hôtel, un poste de police. Chaque personnage se présente avec une histoire absolument impossible à croire. En toile de fond, la mère, les peines d’amour et l’Afrique. Cette série de récits architecturés sous forme de pièce trouve son point culminant entre un homme noir et sa psychanalyste que seule l’écriture peut inventer.
Cette création explore un genre rarement transposé au théâtre. Courant dans la littérature, le récit fantastique demeure marginal dans la dramaturgie québécoise. Les Deux Mondes propose une œuvre contemporaine qui mêle humour et angoisses dans un univers surdimensionné et hors du commun.
les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
le dimanche 15 novembre à 15 h
Rencontre avec l’équipe de production
à l’issue de la représentation du mercredi 11 novembre
Conception visuelle : Guy Fortin, Daniel Meilleur, Yves Dubé
Costumes : Michèle Hamel
Éclairages : Lucie Bazzo
Musique originale et son : Michel Robidoux
Accessoires : Guy Fortin
Création Les Deux Mondes,
en codiffusion avec le Théâtre d’Aujourd’hui
Théâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900
par Olivier Dumas
Toujours méconnue du grand public malgré de brillantes réussites, Lise Vaillancourt fait l’affiche du Théâtre d’Aujourd’hui pour la toute première fois comme auteure et actrice. Avec sa nouvelle création Tout est encore possible, elle explore avec tendresse et sensibilité le surnaturel, un genre littéraire encore peu prisé sur nos scènes de théâtre.
Polyvalente par ses thèmes, Lise Vaillancourt poursuit une démarche peuplée de personnages en quête de vérité et de sensations fortes, que ce soit dans un récit troublant (Journal d’une obsédée), une pièce baroque (Billy Strauss), ou encore les failles d’une famille contemporaine (L’affaire Dumouchon). Elle met toujours le public k-o en l’interrogeant sur son présent plus fugace que les apparences ne le laissent croire.
La pièce raconte une succession d’histoires à priori invraisemblables, mais interrogatrices, comme les affectionne la dramaturge. En mission au Congo, une femme blanche (Louise Bombardier) se découvre une bosse au sein. Un écrivain noir (Widemir Normil) fait une psychanalyse à Montréal. Un jeune médecin québécois, en poste dans la jungle africaine (Émile Proulx-Cloutier), qui avait juré de ne jamais céder à la passion, tombe amoureux fou d’un jeune singe qu’il a sauvé de la mort. Sa mère, une sexagénaire hospitalisée à La Prairie (Lise Vaillancourt), veut se réconcilier avec son fils parti, selon elle, sans raison valable. Toute cette succession de récits trouvera son point culminant dans la rencontre entre une femme blanche et un homme noir que seule l’écriture peut inventer.
Ode à l’imagination, Tout est encore possible peut sembler une expérience déroutante pour les esprits logiques. Pour apprécier l’œuvre dans toute sa beauté et sa poésie, il ne faut surtout pas chercher à tout comprendre et à tout analyser. L’écriture de Lise Vaillancourt possède cette force indéniable de remuer profondément les spectateurs par une langue toujours en mouvement, toujours sur les abords du bouleversement et de l’effondrement des certitudes. Depuis Marie-Antoine opus 1, pièce présentée au début des années 1980 jusqu’aux Exilés de la lumière à l’Espace libre la saison dernière, elle réussit chaque fois à pénétrer dans nos cœurs et nos âmes.
Pour la compagnie Le Théâtre les Deux Mondes, il s’agissait d’une occasion rêvée de renouer avec le succès après deux récentes productions qui en avaient déçu plusieurs (2191 nuits et Carnets de voyages). Son metteur en scène Daniel Meilleur est parvenu, ici, à un résultat heureux. Le dépouillement du plateau, avec seulement quelques accessoires, vient appuyer les temps forts du texte. Les éclairages, souvent tamisés, confèrent au spectacle un aspect de songe éveillé, comme si les péripéties des personnages voguaient entre la dure réalité et les échos du climat plus réconfortant du rêve : en témoignent les ombres des acteurs en lever de rideau et la musique, composée par Michel Robidoux, qui s’accorde superbement avec le déroulement de l’action. Jusqu’à ce tango réinventé, qui nous épargne des fréquents emprunts avec la musique populaire américaine.
Inspiré, le quatuor de comédiens porte avec force une parole qui ne se dévoile jamais entièrement. Toujours en perpétuel mouvement entre la confidence et le bouleversement, les monologues donnent lieux à des émotions puissantes. Soulignons au passage les réparties teintées d’humour de Louise Bombardier en femme volontaire découvrant les affres de la maladie, la force tranquille de Wildemir Normil et le mélange d’aplomb et de vulnérabilité d’Émile Proulx-Cloutier. De retour sur les planches après quelques décennies d’absence, Lise Vaillancourt émeut en révélant la fragilité d’une mère seule devant la mort privée de la présence son fils. Le bref, mais sensuel corps-à-corps entre Bombardier et Normil à la fin du spectacle nous laisse sur une note d’espoir, où la tendresse triomphe enfin de la solitude.