Salle d'exécution d'une prison, État de New York. Une chaise électrique attend le prochain « client ». Louis Joseph Renatus Todd s'avance, vieux garçon d'origine allemande, bricoleur et arriviste, devenu le « technicien électrificateur » le plus célèbre du pays… Il s'adresse au public comme s'il s'agissait de témoins. À 9 h 59, il doit exécuter, pour la première fois, une jeune femme : Joanna Brown. D'ordinaire impassible, Todd est la proie d'une agitation inhabituelle. Lors d'une banale querelle entre employés, il transforme ce qui devait être une exécution solennelle en une authentique et formidable bavure… Il accumule les réactions absurdes et incohérentes, il va jusqu'à s'enfermer avec le public, sans même savoir ce qui le pousse à agir ainsi. Comment diable la belle mécanique de sa vie a-t-elle pu dérailler de la sorte? Le temps presse ! Le directeur du pénitencier a entamé une procédure dont l'issue est inéluctable. Le récit s'accélère, entrecoupé de plongées dans le monde intérieur de Todd, où s'agitent souvenirs et fantômes entourant l'histoire de la chaise électrique. Notamment, un certain Thomas Edison, qui n'a pas hésité, jadis, à brader quelques principes pour défendre ses propres intérêts. Louis Joseph, le bourreau humaniste arrivera-t-il à recoller les morceaux de son existence?
Bien que La chaise ne soit pas une pièce rigoureusement historique, elle lève néanmoins le voile sur certains détails de l’histoire de la chaise électrique. Une histoire tissée à même l'ambition, les demi-vérités et l'opportunisme. Créée dans le cadre d'une collaboration entre l'auteur dramatique Claude Paiement et le comédien Frédéric Desager, La chaise est une comédie noire qui nous plonge dans l'univers surprenant d'un réparateur de chaise électrique.
Section vidéo
trois vidéos disponibles
Décor et accessoires Geneviève Lizotte
Éclairages André Rioux
les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
Rencontre avec l'équipe de production
à l'issue de la représentation du 25 octobre
Une création de Théâtre Harpagon et du Théâtre les gens d'en bas
par David Lefebvre
Monsieur Todd occupe une fonction très particulière dans le milieu carcéral, soit celle de réparateur et opérateur de la chaise électrique d'un pénitencier de l'état de New York. Le soir d'une exécution, l'homme explique aux témoins légaux, spectateurs et autres invités, le déroulement de la soirée. Plus agité qu'à l'habitude, le pauvre homme s'énerve contre le gardien en chef et fait une bourde monumentale, qui provoque son enfermement temporaire, avec le public, dans la chambre où se situe la fameuse chaise.
Écrite par Claude Paiement à partir d'une centaine d'heures d'improvisation de Frédéric Desager, mise en scène par Eudore Belzile, La chaise est une pièce qui aborde, sans avoir la prétention de respecter à la lettre les faits historiques, la petite histoire de la chaise électrique. Inventé par Thomas Edison en pleine guerre de l'électrification, ce procédé moderne allait humaniser la mise à mort de prisonniers et bannir à jamais la pendaison. Il faudrait en reparler au premier cobaye, William Kemmler, qui dut sentir sa chair fondre, et souffrir atrocement sous les chocs mal calculés de ses geôliers et bourreaux. Le protagoniste de cette création du Théâtre Harpagon et du Théâtre les gens d'en bas, Louis Joseph Renatus Todd, est largement inspiré de Fred A. Leuchter, réel bricoleur ingénieur et réparateur de chaises électrifiées des années 80, qui modifia singulièrement cet engin funèbre, une invention qui n'avait subi que très peu de changements depuis sa conception et adoption.
En plus d'interpréter une pléiade de personnages, allant d'un Edison caractériel à un directeur de prison plutôt sympathique, en passant par le paternel et le prisonnier condamné, Frédéric Desager incarne Todd, ce vieux garçon allemand amateur de Liszt, un brin chétif, sans grande ambition, qui pourtant passera de concierge à réparateur expert. Soudain pris de crises de larmes inexpliquées, le médecin lui diagnostique un coeur qui s'assèche. Attachement? Remords?
Ce long huis clos propose, certes, quelques moments accrocheurs, mais manque de substance et reste en surface, malgré les possibilités qu'offre ce sujet extraordinaire. La pièce a cette qualité de ne pas prendre position, mais de se concentrer sur plusieurs faits historiques remaniés et la soudaine humanité qui nait chez Todd, sans qu'il en comprenne les signes. Le texte tombe alors entre la comédie noire et de situation, sans réellement toucher de corde sensible ou nous horrifier par ses thèmes sérieux, politiques et sociaux. L'humour subversif fait malheureusement défaut, et le récit s'embourbe dans ses propres rouages. Quoi qu'il en soit, Frédéric Desager démontre encore une fois son grand talent de comédien : le public peut apprécier à sa juste valeur son jeu comique, nuancé et précis lors des flashbacks, ou projections psychiques personnelles, aux transitions fluides et ingénieuses très bien amenées grâce à la mise en scène, aux éclairages d'André Rioux et à la parfois surprenante scénographie de Geneviève Lizotte, qui cache une ou deux surprises.
Dès l'ouverture de la porte de la salle, difficile de ne pas penser à La Ligne verte, de Frank Darabond et Stephen King, quand on aperçoit la chaise - magnifiquement conçue - qui trône au milieu du décor, ou lorsque Todd raconte les anecdotes de certaines exécutions « ratées » dans le pays. Mais là s'arrête les possibles comparaisons : La chaise est un récit sur une amitié prohibée, un attachement secret, qui pousse un homme pourtant méthodique à commettre inconsciemment des impairs et à vaciller sous une pression invisible. Dommage qu'il y manque quelques étincelles pour réellement électrifier l'assistance.