Paris, 1832. Évariste vient de terminer une peine d’emprisonnement et se consacre avec urgence à son traité d’algèbre. Sa mère accourt pour le retrouver, mais un curieux personnage lui interdit l’accès à l’immeuble. En cette nuit exceptionnelle, les souvenirs d’Évariste se bousculent alors que sa mère découvre qu’Évariste n’est peut-être pas le seul responsable de ses difficultés. Une plongée inédite au cœur de l’univers mathématique, où l’algèbre de Galois, la portée de son regard, sont les farouches adversaires d’un conservatisme qui n’a d’appétit que pour le profit immédiat. Contre le temps s’inspire de la figure d’Évariste Galois, jeune génie mathématicien et ardent militant politique, à qui l’on doit la théorie des groupes, annonciatrice de l’algèbre moderne.
Section vidéo
deux vidéos disponibles
Assistance à la mise en scène Marie-Hélène Dufort
Scénographie Jean Bard
Costumes Marie-Chantale Vaillancourt
Éclairages Erwann Bernard
Musique Alain Dauphinais
Maquillages et coiffures Florence Cornet
les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
Les Curiosités de Geneviève Billette
à l’issue de la représentation du 15 novembre
Rencontre avec l’équipe de production
à l’issue de la représentation du 16 novembre
une création du Théâtre d'Aujourd'hui
par Olivier Dumas
Contre le temps, la nouvelle création de Geneviève Billette présentée au Théâtre d’Aujourd’hui, se révèle un spectacle magistral qui confirme à nouveau l’intelligence, la profondeur et la sensibilité de l’une des plus remarquables plumes du théâtre québécois contemporain.
Après des pièces significatives comme Le goûteur et Crimes contre l’humanité, la dramaturge se penche ici sur le sort tragique d’une figure méconnue, mais néanmoins importante de l’histoire du 19e siècle. Il s’agit de la vie romancée d’Évariste Galois, un jeune prodige des mathématiques et un ardent militant politique. La pièce s’amorce par sa sortie de prison en 1832, alors que ce Rimbaud des chiffres se consacre à un traité d’algèbre qui révolutionnera après son décès la conception des sciences. Dans une France rigidifiée par ses idéologies conservatrices et monarchistes après le règne de Napoléon Bonaparte, les velléités républicaines de Galois scandalisent les puristes de son temps. De son impétueux souffle, il lance même cette affirmation d’un ton révolté: «les scientifiques construisent des routes, les hommes politiques tiennent boutique, l’université enseigne comment cuire le pain». Son meilleur ami le provoque en duel. Il le tue d’un coup de fusil. Évariste Galois s’éteint à l’âge de vingt ans.
Dès les premières secondes de la production, la mise en scène de René-Richard Cyr évoque la tristesse des longs hivers blancs de certaines toiles de Jean-Paul Lemieux. La troublante ressemblance avec de célèbres tableaux comme Le visiteur du soir et L’Adieu se répercute également dans cette atmosphère mélancolique qui imprègne toute l’heure quarante-cinq que dure Contre le temps. Toujours présent sur le plateau, l’octuor d’interprètes demeure sagement assis sur des chaises réparties sur les deux côtés de la scène lorsqu’ils ne sont pas sollicités par l’action. Le fantastique s’imbrique harmonieusement à la trame réaliste des événements par la présence des fantômes, dont celui du mathématicien Fourier, incarné par Benoit Gouin.
René Richard Cyr signe ici l’une de ses meilleures mises en scène des dernières années. Sans ostentation ou excès de préciosité, il réussit à mettre à l’avant-plan avec discernement, vigueur et raffinement le jeu des acteurs et la musicalité du verbe de Geneviève Billette. Et c’est la qualité de cette écriture, justement, qui constitue la pierre d’assise de cette remarquable partition qu’est Contre le temps. Comme dansses œuvres précédentes, dont Le pays des genoux, la dramaturge puise dans un vocabulaire qui frappe l’oreille par sa portée lyrique envoûtante et ses réparties vives toujours ciselées comme un diamant brut.
Le défi était colossal. Car en fusionnant dans un texte dramatique un sujet aussi cérébral que l’algèbre à une trame historique aussi riche que l’époque romantique après la Révolution française de 1789, il y avait un risque de perdre le public. Pourtant, toutes ces couches se fondent harmonieusement pour créer une œuvre flamboyante sur la liberté de parole et de pensée dans une société sclérosée par la rectitude politique et culturelle. La portée intemporelle du propos donne l’impression que la pièce parle, avec les images du passé, des brûlantes préoccupations de notre époque.
Dans le rôle principal, Benoit Drouin-Germain se révèle tour à tour impétueux et torturé en Évariste Galois, toujours prompt à se battre pour ses idéaux humanistes. Monique Spaziani livre également une vibrante prestation sous les traits de sa mère, d’une infaillible fidélité, tout comme la soupirante éconduite de Kim Despatis ou encore le meilleur ami, que Benoit McGinnis rend avec de surprenantes nuances. Les autres comédiens de la distribution complètent avec passion et recueillement ce vibrant tableau d’époque.
Geneviève Billette a longtemps peaufiné son sujet avant sa transposition sur scène. Elle bénéficie heureusement d’un metteur en scène et d’acteurs inspirés. Contre le temps s’inscrit assurément parmi les œuvres magistrales récentes du théâtre québécois par son exigence à préserver la beauté de la langue et du monde qu’il faut chercher et réclamer comme un dû, comme le chante magnifiquement Sylvie Tremblay.