Avant Gars / il y a eu des histoires d’amour / oui / oui / je sais / rien de neuf / non / des histoires d’amour en forme de chansons tristes / le coeur à sang / la chair-flesh vivante à vif / amoureuse vaillante / mon carnet à dessins dans les mains / une phrase à te donner / «regarde cette maison qui pourrait être la nôtre» / mais rien / non / te chercher dans un froid de Sibérie / toi / lui / l’autre / en tout cas / l’élu-fait-pour-soi-serti-de-la-couronne-bonheur-garanti-et-durable / celui-là / dont ils parlent / eux / quand ils disent / « c’était lui » / « c’était elle » / et / petit à petit / s’écoeurer / oui / de la marche-marathon pas de ligne d’arrivée / des corps-modernes-encodés à qui ça dit rien une discussion autour d’un thé / s’écoeurer / du vide / du non-engagement / des prises de tête / des phrases toutes faites / des idées préconçues / de toi, de lui, de l’autre-je-m’y-perds / s’arracher le corps, les cheveux, les yeux / vouloir poser des cadenas pas de clé / mais / parce qu’un jour le docteur-sorcier a dit « de l’insatisfaction on crée » / ouvrir son ordi / ou / c’était un crayon / et / te faire exister / toi, lui, l’autre / n’importe / t’appeler / GARS / écrire / – je t’aime – / et / voir jusqu’où ça peut aller / quand on dit ça / fenêtres grandes ouvertes / ça / – je t’aime – / le dire pour vrai / pour de vrai comme / cette fois-là.
- Marie-Ève Perron
Regard extérieur Valérie Puech
Dramaturgie Charlotte Farcet
Décors et costumes Geneviève Lizotte
Éclairages Éric Champoux
Son Olivier Renet
Chorégraphie Sophie Mayer
Direction technique Éric Le Bre'ch
les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
Rencontre avec l’équipe
à l’issue de la représentation du 26 mars
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 19 au 23 mars
Régulier : 26$
Carte premières : 13$
une création de Fille/de/Personne,
en coproduction avec l’Espace Malraux scène nationale de Chambéry et de la Savoie,
la Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale
et le soutien de la ville de Saint-Hyacinthe et Vic-Le-Comte
par Pascale St-Onge
Au milieu des restants d'une fête, des chapeaux pointus, des confettis et des ballons, Fille est seule. Délaissée par Gars. Le Gars, le seul et l'unique. Gars, qui est parti. Fille se questionne, Fille veut savoir pourquoi, Fille se demande comment se relever. Marie-Ève Perron nous présente ce solo qu'elle a écrit, mis en scène et qu'elle nous interprète à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui.
Pour traverser cette rupture, le personnage flamboyant qu'interprète fort bien la créatrice du spectacle nous fait traverser plusieurs comportements classiques. Le public partagera certainement des impressions de déjà-vu tant certains réflexes de la jeune femme sont universels. Ce qui ne manquera pas d'ailleurs de nous faire rire. Elle se remémore tout, nous racontant la première rencontre avec Gars dans ses moindres détails. On assiste ensuite à des crises de jalousie, au déni, à ses premières sorties de célibataires. Dans une langue adroite, la détresse la plus intime de Fille nous est offerte sans détour, sans aucune censure.
La mise en scène est fluide et chaque détail est une métaphore bien pensée. Sur scène, les restants abandonnés de cette fête qui aurait pu avoir lieu dans son appartement sont à l'image de ce qu'elle vit : les dégâts à ramasser de ce qui était un moment vif, joyeux, voire même parfait. Mais voilà qu'elle s'accroche, qu'elle ne veut rien remettre en place, surtout pas ce divan qui tient à la verticale contre toute logique gravitationnelle. Il ne faut rien effacer de cette relation au cas où tout redeviendrait comme avant. Elle ne dort plus, ne mange plus et pleure jusqu'à en déranger les voisins. Elle meuble sa vie maintenant terne d'accessoires colorés, les apparences seront alors peut-être sauvées : souliers, perruque brillante, vêtements, etc.
Marie-Ève Perron analyse dans cette pièce très actuelle le détail de cette « célébration » qu'on fait de l'amour et ramène le problème à sa génération. Pourquoi est-ce aujourd'hui si compliqué de s'aimer? Depuis la disparition des conventions autour du mariage et du foyer familial, les dernières générations n'ont plus de modèle relationnel sur lequel se baser et les humains ont toute la misère du monde à se comprendre, à se toucher et à bâtir ensemble quelque chose de plus durable. Avec des attentes toujours trop grandes, l'essentiel, l'amour, est complètement oublié et devient un pur étranger. Poétiquement, les questions les plus simples sont posées au public, celles qu'on a eu tendance à oublier, dont les réponses ont été considérées comme acquises.
Il n'est pas question de se laisser abattre, l'amour demeure une quête possible dans Gars. Seulement, Marie-Ève Perron demande la vérité : qu'arriverait-il à Roméo et Juliette s'ils étaient restés vivants? Bien que cette question soit surexploitée, tels que le sont de la même manière les contes de fées avec lesquels nous avons grandi, l'artiste nous présente toutes les conséquences concrètes que ces questions sans réponses peuvent avoir sur une vie. Fille se relèvera sans doute, la fête pourra recommencer, car la célébration lumineuse qu'est l'amour n'est pas éteinte.