Alors qu’elle prend la route pour aller au chevet de sa mère mourante, la narratrice interpelle l’âme de Marie, sa grand-mère morte, et lui pose la question qui l’obsède : “Pourquoi cette grille qui se refermait sur ma mère se referme-t-elle encore sur moi?” S’amorce une quête, dans un dédale de souvenirs, tissés dans sa mémoire par les exigences d’Éros et de Thanatos. Ainsi se construisent et se déconstruisent les certitudes d’une femme marquée par un paysage impitoyable. La joie l’emporte pourtant, envers et contre tout, dans un dernier tour de carrousel.
Interprétation musicale Jasmin Cloutier
Assistance à la mise en scène et régie Marie-Hélène Dufort
Scénographie Guillaume Lord
Costumes Elen Ewing
Éclairages Alexandre Pilon-Guay
Musique originale Pascal Robitaille
Accessoires Julie Measroch
Direction technique Louis Héon, Francis Laporte
Mouvements de foule
à l’issue de la représentation du 21 janvier
Rencontre avec l’équipe
à l’issue de la représentation du 29 janvier
Création du Théâtre d'Aujourd'hui
par Daphné Bathalon
« Pourquoi cette grille qui se refermait sur ma mère se referme-t-elle encore sur moi? » Voilà la question obsédante que ne cesse de poser la narratrice à l’âme de sa grand-mère morte, tandis qu’elle fait route sur la 138 pour aller au chevet de sa mère mourante. Par cette interrogation, c’est toute la question de l’héritage et du legs maternel que soulève la femme incarnée par Sylvie Drapeau, encore une fois magistrale dans ce registre dramatique.
Après le succès critique et populaire de La liste, présentée aux quatre coins du Québec et ailleurs dans le monde, et traduite depuis en cinq langues, l’auteure, Jennifer Tremblay, pressée de questions sur son personnage par le public, a eu l’idée d’un nouveau spectacle solo pour Sylvie Drapeau, Le carrousel, qui sera bientôt suivi de La délivrance. L’auteure, lauréate d’un prix du Gouverneur général pour La liste, s’attaque cette fois à une tout autre période de la vie de son personnage central. Dans un moment hors du temps, celle-ci s’interroge sur le passé de sa mère et les actes de sa grand-mère, tout en exprimant son propre amour pour ses enfants.
« Je suis la mère et la fille, la suite et l’origine. » Avec Le carrousel, le metteur en scène Patrice Dubois a voulu se rapprocher du réel, de ce que la pensée humaine a de décousu, de spontané, de brut lorsqu’on l’expose sans intermédiaire. Dubois a donc misé sur le souffle du texte en lui laissant toute la place, et n’évoquant qu’à l’occasion la route sur laquelle voyage le personnage, et le paysage de conifères noirs qui le bordent. Aussi, la parole de Drapeau se rapproche-t-elle du tourbillon incessant tandis que la narratrice, projetée dans l’espace en mouvement sur la 138, s’offre un temps d’arrêt mental pour exhumer le lourd legs des deux femmes, des deux mères, qui l’ont précédée.
Parce que notre esprit fait constamment revenir les mêmes éléments et les retourne dans tous les sens pour mieux les examiner, la pièce se construit dans un mouvement perpétuel entre le passé évoqué, le présent, les bribes de souvenirs, les sensations et les questions. À sa manière unique, Tremblay cisèle cette pensée et nous fait voyager à travers elle dans le temps et l’espace pour nous amener à mieux comprendre la force, mais aussi la fragilité de cette femme. Un texte déconstruit qui creuse son passé pour mieux dégager la route devant elle et lui permettre d’avancer. Mais il vient un moment où ce carrousel de pensées et de souvenirs, même porté par l’intensité dramatique et amoureuse de Drapeau, tourne un peu à vide, en nous laissant sur les bas-côtés de la route. Malgré le rythme imposé par les mots, qui forment une solide partition, on peine par moments à s’accrocher au fil de la pensée, très vive, de la narratrice.
Heureusement, Sylvie Drapeau réussit à nouveau à nous éblouir avec son talent rayonnant. Elle donne corps et voix à une femme pleine de passion, d’amour et de colère, au cœur rouge et palpitant, et incarne à elle seule tous les personnages évoqués par ses souvenirs. Elle vit totalement chacun des états d’esprit et des sentiments créés par ces évocations. Outre la performance d’actrice de Sylvie Drapeau, il faut mentionner la scénographie légère de Guillaume Lord, qui découpe l’espace scénique avec des rideaux de dentelle dans lesquels les éclairages d’Alexandre Pilon Guay font merveille. Et puis, il y a bien sûr la très belle musique de Pascal Robitaille, jouée sur scène par le musicien Jasmin Cloutier : elle berce tout le spectacle.