À neuf ans, deux jeunes garçons ont forcé Sarah à avaler du chlore, la laissant lourdement handicapée pour le reste de ses jours. Dix ans plus tard, alors qu’elle vit recluse dans le sous-sol de sa maison familiale, un jeune voisin se met à la visiter chaque semaine. De ces tête-à-tête nait une amitié tissée de liens à la fois forts et fragiles, à l’image des deux jeunes êtres. La pièce, inspirée d’un fait réel survenu il y a plusieurs années dans la ville de Mascouche, questionne l’ascendant que nous avons sur la vie des autres.
Théâtre du Grand Cheval
Le Théâtre du Grand Cheval est une compagnie théâtrale fondée et constituée par des professionnels du milieu artistique, ayant pour principal mandat d’explorer et d’exprimer les questionnements actuels, passés et futurs. Issue d’une génération curieuse et affectée par les réalités de sa société et du monde, elle se donne comme point d’honneur de promouvoir le divertissement, le rire, la sincérité, les idées et l’explosion des tabous.
Assistance à la mise en scène, directrice de production et directrice de tournée Marjorie Lefebvre
Décor, costumes et accessoires Benoit Grégoire
Éclairages Raphaël Bussières
Musique Gabriel Lavoie Viau
Rencontre avec l’équipe
à l’issue de la représentation du 4 février
Une production du Théâtre du Grand Cheval
Dates antérieures
Du 8 au 26 octobre 2012, La Petite Licorne (création)
par Pascale St-Onge
Prison de chair
Parfois, nous avons l'impression que tout le malheur du monde s'acharne sur une même personne. Sarah, « Gros-Tas », pourrait en faire partie. Victime d'une mauvaise blague qui tourne en crime juvénile tragique, elle est aujourd'hui complètement paralysée et ne peut plus parler. La trouvant trop grosse, trop heureuse, trop collante et n'importe quelle autre raison pour lui rendre la vie impossible, des camarades de classe lui ont fait avaler du chlore, brûlant ses cordes vocales et bien plus.
Richard, un jeune de son âge, représente tout l'inverse de la réalité de Sarah, depuis ce que ses parents appellent « l'accident ». Il a la vie devant lui, est beau et attirant, se débrouille bien avec les autres et à l'école. Il est finalement comme la grande majorité des enfants de son âge et entend parler de « Gros-Tas » comme d'une infirme monstrueuse, une histoire pour effrayer les enfants trop tannants. Malgré tout ce qui les sépare, ils devront passer tout un été côte à côte.
Première production du Théâtre du Grand Cheval, c'est une pièce qui s'annonce riche en émotions. Sans cesse déchirée entre la vie et l'envie de se laisser partir, Sarah n'est qu'une enveloppe de chair d'où peut sembler jaillir bien peu de vie, puisque prise dans son silence. Les personnages qui l'entourent le prouvent bien, discutant par moment en étant conscients de sa présence et à d'autres où ils parlent d'elle comme si elle était déjà partie. Les rapports humains, noyau de la fable, sont particulièrement intéressants bien que la direction d'acteurs de l'auteure et metteure en scène Florence Longpré, assistée à cette dernière tâche par Nicolas Michon, ne soit pas toujours à la hauteur et présente quelques faiblesses, notamment le niveau de langage qui est souvent instable et les passages maladroits de la narration au dialogue.
Sur un fond de vieille tapisserie fleurie, un quatuor de ballerines assure les transitions et image les passions de la jeune Sarah, alors qu'elle pouvait encore danser et chanter les airs de la Mélodie du bonheur. Il est presque dérangeant de voir ces corps plein de vie à côté de Sarah, immobile dans son siège et muette, mais ce début de réflexion fort pertinent sur le corps est freiné par l'aspect purement pratique de leur présence : le déplacement de meubles et accessoires entre deux scènes. Rapidement, leur présence monopolisant cette scène presque trop petite pour elles dérange, tant leur routine semble répétée.
La distribution est remarquable en tous points ; Samuël Côté se débrouille fort bien avec ce texte presque uniquement narratif, contrairement à celui octroyé aux autres comédiens, et convainc dans sa maladresse face à sa nouvelle amie. Malgré le peu de moyens qu'elle a à sa disposition, Debbie Lynch-White nous offre un jeu excellent et sensible dans la peau de Sarah. Annette Garand et Claude Poissant, quant à eux, crient la détresse parentale avec une complexité et une justesse étonnante.
La production aborde la thématique de la vie aux côtés d'un handicapé différemment, laissant de côté les complications médicales techniques dont la pièce aurait pu s'encombrer et traitant davantage de la pertinence de la vie et des rapports humains dans le quotidien d'un individu handicapé, le tout en empruntant des pistes pertinentes et intéressantes, mais sans vraiment aller au bout de celles-ci. Le spectacle se déploie comme une montagne russe, de façon inégale, passant de moments très forts et réfléchis à des longueurs aux impressions de déjà-vu. La compagnie a-t-elle voulu en mettre tellement plein la vue qu'elle en aurait trop mis? Heureusement, l'émotion nous prend tout de même et la finale est particulièrement touchante : on voudrait y entendre Sarah « Gros-Tas » chanter, mais sa réalité nous ramène sur terre bien rapidement. Cruel destin.