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Du 23 février au 19 mars 2016
SauvageauAprès
Texte Serge Boucher
Mise en scène René Richard Cyr
Avec Maude Guérin et Étienne Pilon

Véritable autopsie de la nature humaine, Après raconte le séjour à l’hôpital d’un ingénieur accusé du meurtre de ses deux jeunes enfants. L’attente de son procès se fait dans un isolement presque total, interrompu uniquement par les visites de son infirmière.

À la suite de ses deux grands succès télévisuels, Aveux et Apparences, Serge Boucher fait un retour au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui avec Après. Dans cette pièce aux questionnements délicats et douloureux, il demande au spectateur de revenir sur une décision déjà prise, de remettre en question ses a priori, d’écouter la parole de celui qu’il rejette.


Assistance à la mise en scène et régie Marie-Hélène Dufort
Scénographie Jean Bard
Costumes Cynthia Saint-Gelais
Éclairages Erwann Bernard
Musique Alain Dauphinais
Accessoires Loïc Lacroix Hoy
Photo Ulysse Del Drago

les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
le dimanche 6 mars à 15 h

Rencontre avec l’équipe à l’issue de la représentation du 2 mars

Création du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui


Centre du Théâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900 - billetterie.theatredaujourdhui.qc.ca

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Critique

Un homme a commis l’irréparable en tuant ses deux enfants avant de tenter de se suicider. Mais voilà, il n’est pas mort et se retrouve isolé à l’hôpital avec pour seul contact une infirmière qui, elle, évite tout dialogue et s’en tient au strict minimum pour le soigner. Six ans après être passé du théâtre à la télévision, Serge Boucher revient à la scène ces jours-ci avec Après, une pièce où son écriture, toujours aussi chirurgicale, laisse cette fois encore plus de place aux silences.


Crédit photo : Valérie Remise

D’abord imaginée pour la télé, l’histoire d’Après explore la relation qui lentement s’établit entre le père meurtrier, un ingénieur amoureux de sa routine et qui rejette la responsabilité de ses actes sur les autres, et l'infirmière qui doit le soigner. L'auteur, qu'on connaît surtout pour son hyperréalisme, propose ici de se pencher sur les jours qui suivent un crime atroce et la tempête médiatique qu’il génère. Comment une infirmière, dont le devoir est de soulager ses patients va traiter cet homme que les médias et le public ont déjà condamné, voire déchu de son humanité? Il se passe quoi après ce geste impardonnable, quand la vie ne s’arrête pas, que le cœur bat toujours et que le sang continue de circuler dans les veines?

Explorateur des non-dits, des secrets qui se tapissent sous les mots banals, Serge Boucher signe avec cette pièce une histoire où l’indicible a déjà été commis, où le crime s’étale en première page de tous les journaux. Reste alors le silence entre le meurtrier et son infirmière. Un silence d’abord rempli de bruit blanc, l’envahissant grésillement des néons et des machines, qui remplit tout et enterre les premières tentatives de communication du meurtrier.

En scène, Étienne Pilon, physiquement transformé, et Maude Guérin, dans un rôle de femme qui s’efface constamment pour son métier et sa famille, offrent des moments crus, proches du théâtre documentaire, où, comme dans un vrai hôpital, la froideur clinique côtoie la chaleur organique. Particulièrement remarquable, Pilon trouve le ton juste pour ce père infanticide qui, en contrôle comme en pleine crise, ne nous fait jamais totalement oublier le geste qu’il a commis.

Pendant une heure trente, Serge Boucher et René Richard Cyr parviennent à se maintenir sur la très fine ligne entre faire du meurtrier la victime et en faire uniquement un monstre. Flotte constamment dans l'air une certaine répugnance envers le personnage, mais aussi envers notre propre fascination, reflétée par la curiosité de l’infirmière, à décortiquer l'individu et ses motivations. Boucher manie le malaise d’une main de maître et crée l’inconfort autant entre les deux personnages que parmi les spectateurs. Un malaise qui se ressent d’ailleurs jusqu’au salut final, alors que plusieurs spectateurs au soir de la première ont mis quelques instants avant d’applaudir.

Quoique troublante, Après n’est ni un brûlot, ni une pièce choquante au sens où elle ne bouleverse pas notre vision du personnage et ne s’appesantit pas vraiment sur la notion de culpabilité. Elle a toutefois le grand mérite de nous confronter, par la relation qui se développe entre l’infirmière et le meurtrier, à cette pulsion très humaine qui nous pousse vers l’autre afin de chercher à mieux le comprendre. Après dépose en nous ce soupçon de malaise, et c’est déjà beaucoup.

28-02-2016