Ce que nous avons fait n’est pas une pièce, c’est une répétition. C’est un « théâtre-vérité » qui explore la relation entre des parents et leur fille schizophrène. C’est une boucle aliénante qui se referme lentement sur une famille traversée par la folie.
Le tandem Michel-Maxime Legault et Pascal Brullemans aborde les questions de la santé mentale selon une approche presque documentaire, alliant recherches et expériences vécues. Une adaptation très personnelle dans laquelle la vie devient objet artistique autour d’une réflexion sur l’amour et les liens éprouvés par la maladie.
Assistance à la mise en scène et régie Mariflore Véronneau
Scénographie et costumes Marilène Bastien
Éclairages Anne-Marie Rodrigue Lecours
Musique Gaël Lane Lépine
Direction technique Charles-Antoine Bertrand-Fontaine
les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
Rencontre avec l’équipe à l’issue de la représentation du 6 octobre
Création du Théâtre de la Marée Haute
Section vidéo
Des gens normaux : c’est ce que voudraient être ces parents dont la fille est atteinte de schizophrénie. Organiser un party de retraite, aller au resto en famille… Mais non, il y a Myrianne qui appelle quand elle fait une crise, n’importe quand, et les parents débarquent dans son appartement, enfoncent la porte, tentent de lui enlever le couteau qu’elle tient fermement à la main - symbole de sa folie. Comme s’ils pouvaient lui retirer sa maladie en un geste.
Ce que nous avons fait est une pièce qui parle justement de la maladie, qu’on ne peut pas choisir de ne pas voir, mais avec laquelle il faut apprendre à vivre au quotidien. Et plus on veut lutter contre la folie, plus la folie se transmet dans le couple, dans la famille au complet. « C’est chimique, tente d’expliquer à son mari la mère (magnifique Sylvie Drapeau). L’amour est inutile. » À aimer tellement, ils se rendent fous, mutuellement.
L’intérêt de la pièce est notamment de sortir de l’univers du malade pour montrer la cellule familiale au sens large. Alors que les parents tentent de prendre de la distance par rapport à la maladie - surtout la mère, qui narre l’histoire de loin tel un conteur pour ne pas se laisser emporter -, la fille, quant à elle, enchaîne les répliques rapides, stressées, se répondant à elle-même, se répétant.
Elle semble au bord d’exploser à chaque dialogue, et on observe les parents désemparés autour d’elle, qui tentent de trouver la bonne combinaison de fermeté, d’empathie et de douceur pour désamorcer la bombe. L’angoisse interne de la jeune schizophrène, brillamment jouée par Marie-Pier Labrecque, est bien palpable dans ce texte - auquel l’auteur Pascal Brullemans a réfléchi lors d'une résidence d’artistes dans un hôpital psychiatrique.
Aussi difficile à décrire qu’à épeler, la schizophrénie n’est jamais nommée dans la pièce, tout en étant au coeur de Ce que nous avons fait. Le texte est très inspiré de la propre expérience du metteur en scène, dont la soeur est schizophrène - c’est d’ailleurs la voix enregistrée de cette même soeur qu’on entend à un moment sur le répondeur. Michel-Maxime Legault s’invite également sur scène vers la fin de la pièce, dans le rôle du frère un peu absent.
Ponctuée d’éclairages contrastés, la mise en scène très minimaliste est renforcée par l’étroitesse de la salle Jean-Claude Germain, et portée par l’excellent jeu des trois comédiens (le grand Robert Lalonde interprétant le père). Le texte lourd se répète au fil des personnages de la famille, mimant la spirale infinie de la folie. Les quelques touches plus légères d’humour du début disparaissent dans la boucle… tandis que la tension et l’angoisse montent.
La pièce dure une heure, une heure efficace. Ce qu’ils ont fait ? Une fille belle, non, magnifique, mais malade, tout simplement. Alors ces parents vivent dans l’attente, le stress, les souvenirs d’avant, quand elle était petite et que « tout était encore possible ». Parce qu’ils ne peuvent rien faire. À part peut-être lâcher prise ?