Christian Lapointe rend hommage à la parole d’Yves Sauvageau, artiste de la démesure, génie tourmenté et homme de théâtre avant-gardiste. Mettant de l’avant le rapport complexe qu’un artiste entretient avec lui-même et la société qui l’entoure, il nous propulse dans un dialogue entre un Sauvageau de 24 ans à la veille de se donner la mort dans les années 70 et un Sauvageau tel qu’imaginé s’il était toujours vivant aujourd’hui.
Par un univers musical signé David Giguère, le discours de l’artiste, tel un cri lucide et lumineux, d’une pureté déchirante, nous permet de mesurer toute l’ampleur d’un Québec « inachevé ».
Dramaturgie Marie-Claude Verdier
Assistance à la mise en scène Alexandra Sutto
Musique David Giguère
Direction artistique Sylvain Bélanger
Jean Hazel Christian Lapointe
Vidéo Lionel Arnould
Décor Jeau-François Labbé
Costumes Virginie Leclerc
Lumières Sonoyo Nishikawa
Archiviste de Sauvageau Raymond-Louis Laquerre
les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
le dimanche 4 octobre à 15 h
Rencontre avec l’équipe à l’issue de la représentation du 30 septembre
Sera aussi présenté au Théâtre Périscope de Québec du 10 au 28 novembre 2015
Coproduction Centre du Théâtre d'Aujourd'hui et Théâtre Blanc
Section vidéo
Yves Hébert Sauvageau est né à Waterloo en 1946. À l’âge de 19 ans, il remporte le premier et le troisième prix du concours des jeunes auteurs de Radio-Canada. Il termine sa formation à l’École Nationale de théâtre en 1968. On dit de lui qu’il est un acteur brillant, généreux et vif d’esprit, en plus d’être un auteur sensible, avant-gardiste et prometteur et qu’il avait le don d’emballer ses professeurs, de susciter admiration et fascination. Certains allaient même jusqu’à présager qu’il révolutionnerait carrément le théâtre québécois. Il est pourtant actuellement à peu près inconnu du grand public. C’est qu’il « n'a pas eu le temps d'acquérir ni le métier, ni le talent du génie dramatique qui l'habitaient et dont on retrouve un peu partout dans ses œuvres la trace, l'empreinte et le souffle », disait Jean-Claude Germain. Il est mort à 24 ans, en pleine crise d’Octobre, le jour même où les chars d’assaut sont entrés à Montréal. Il aurait consommé 36 capsules d’acide.
Sauvageau Sauvageau est un hommage à cet homme de théâtre parti trop tôt. C’est un collage de sept pièces et poèmes de l’auteur, assemblées de manière à former un dialogue entre le jeune Sauvageau de 24 ans, à l’aube de s’enlever la vie, et le Sauvageau qui aurait aujourd’hui 69 ans. C’est Christian Lapointe, le metteur en scène, qui, suite à un mandat du CEAD d’organiser une lecture publique sur l’œuvre du jeune prodige, aurait eu l’idée de mettre en relation ces deux Sauvageau. Il s’est donc affairé à relever les passages où il avait l’impression que l’auteur s’exprimait lui-même à travers ses personnages, puis il a fait, comme il le dit si bien, « un travail de petits points pour trouver les traces de son désir de mort et de son besoin d’être en vie ». Il en résulte un dialogue extrêmement touchant, quoique parfois difficile à suivre, où le jeune Sauvageau s’adresse à son aîné qui incarne son double, mais qui pourrait aussi représenter la figure paternelle ou même celle d’un amant.
La pièce débute en toute simplicité avec des extraits d’entrevues où d’anciens collègues et professeurs d’Yves Hébert, de grands noms du théâtre tous décédés aujourd’hui, racontent Sauvageau, alors que des diapositives du jeune homme défilent. Cette simplicité demeure d’ailleurs tout au long de la pièce alors que les deux protagonistes débattent, discutent ou s’emportent sur la vie, la mort, l’amour ou la société. À l’image de l’œuvre du principal concerné, la pièce ne repose pas sur une trame narrative classique. Il s’agit de tableaux morcelés, tournants autour de thématiques récurrentes, qui s’enchaînent avec fluidité. L’accent est mis sur les mots du poète, des mots aux images fortes et qui sont terriblement d’actualité. Cette longue logorrhée force l’attention du spectateur, bombardé par l’émotion et l’urgence de vivre de l’auteur. Le texte est porté avec force et passion par les deux comédiens, Paul Savoie et Gabriel Szabo, qui ont une présence incroyable sur scène. La musique originale de David Giguère plonge l’assistance dans un univers à la fois nostalgique et lumineux. Émanant d’un piano ouvert dont les notes s’enfoncent toutes seules, image poétique forte, elle rythme la pièce durant une bonne partie du spectacle.
Il est étonnant de voir cette dualité récurrente dans l’œuvre du jeune homme, entre le désir de mourir et le besoin de vivre, mise en lumière dans Sauvageau Sauvageau. C’est un peu comme si, déjà, à travers ses textes, il apprivoisait l’idée de son destin tragique.