Avec Le brasier, David Paquet nous arrache le rire comme on nous arracherait une dent. Dans cette pièce magnifiquement construite, l’auteur s’attaque à notre conscience collective défaillante et l’immobilisme qui en résulte, mélangeant humanité et franchise avec le superbe sens de la formule qu’on lui connait.
À la fois féroce comédie noire et drame héréditaire, Le brasier est un cycle, une ronde de trois où nous suivons différents personnages, tous sujets au poids d’une histoire familiale qui les hante. Ici, chacun s’aménage des refuges pour surmonter l’enfance traumatique. Il y a notre vie et celle que nous nous inventons pour y survivre.
Scénographie Odile Gamache
Éclairages Cédric Delorme-Bouchard
Environnement sonore Mykalle Bielinski
Crédit photo Ulysse Del Drago
Durée 1h10
SUPPLÉMENTAIRES
Mardi 18 octobre à 19h
Mercredi 19 octobre à 20h
Jeudi 20 octobre à 20h
Vendredi 21 octobre à 20h
Création de l’Homme allumette
Les histoires de famille, personnellement, j’aime ça. Les liens, les secrets, les gestes d’amour, les phrases de haine… Le Brasier, c’est un peu de tout ça. L’auteur David Paquet raconte l’histoire d’une famille sur trois générations, dans une trilogie de saynètes bien menées. On y suit une tribu où se croisent enfant abandonné, triplettes non voulues et bambin psychopathe, avec soeur mythomane, geek antisocial ou frustrée sexuelle. Bref, une famille (presque) comme une autre.
Dans cette saga familiale façon Rougon-Macquart des temps modernes, la vie n’est pas rose. Chacun souffre, plus ou moins en silence, dans des monologues ou des dialogues où on ne s’écoute pas. L’ambiance est morose, un peu glauque même, dans cette famille sans éducation ni ambition où ça crie et ça ne va nulle part. Des personnages blasés et névrosés, et conscients d’être dans un cul-de-sac.
Une famille maudite, où la mort, le regret ou l’inceste coulent dans les veines à chaque génération. Chaque réplique vient poser la question du libre arbitre des enfants, du pouvoir de l’ascendance, du déterminisme familial - et social. Mais tout ça est une comédie noire, bien comme on les aime, car on y rit aussi beaucoup.
Le très bon David Paquet insuffle un humour persistant dans ses textes, où ses personnages un peu simplets sont à la fois attachants, émouvants ou hilarants dans leur folie. On reconnaît l’humour noir qui caractérisait déjà ses Papiers mâchés, présentés au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en novembre 2015. Paquet montre un réel blafard sous des mots colorés.
Zola en 2016
Pour soutenir ces textes, trois comédiens de haute voltige. Kathleen Fortin, Dominique Quesnel et Paul Ahmarani sont littéralement bluffants. Ils changent d’âge, de caractère, voire de sexe entre les différents tableaux du triptyque, glissant d’un personnage à l’autre avec brio et modifiant leur voix et gestuelle à l’envi. Un beau tour de force en moins de deux heures pour ce trio bien trouvé.
Si on doit mettre un peu d’eau sur ces flammes réjouissantes, ça sera sur la mise en scène signée Philippe Cyr, qui convoque le comble du kitsch. Rideau de guirlandes dorées ondoyantes figurant le feu - et un peu trop éblouissantes -, faux bosquet de papier, nuages cotonneux pendus au plafond, costumes d’un beige façon années 70… On a du mal à savoir ce qui est communiqué ici.
En attendant, on signe sans hésiter pour David Paquet, artiste en résidence au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, et on redemande après ce texte façon Zola en 2016. Ce Brasier en forme de cercle vicieux est lumineux : une famille qui s’éteint à petit feu, portée par des comédiens incandescents et un texte qui brûle les doigts.