Une femme se voit confier par sa mère mourante la difficile mission de ramener auprès d’elle le fils qu’on lui a arraché vingt ans plus tôt. Affrontant la tempête un soir de février, elle se réfugie dans la lumière apaisante d’une église pour trouver le courage de remonter le fil de la brisure.
La délivrance est la troisième partie d’un triptyque théâtral entamé avec La liste, poursuivi avec Le caroussel et réunissant l’auteure Jennifer Tremblay et la comédienne Sylvie Drapeau. Cette pièce fulgurante se parcourt comme un grand livre qu’on dévore jusqu’à la fin, cherchant désespérément la réconciliation ou le choc final.
Assistance à la mise en scène et régie Stéphanie Capistran-Lalonde
Scénographie Pierre-Étienne Locas
Costumes Cynthia St-Gelais
Éclairages Claude Cournoyer
Musique originale Ludovic Bonnier
Coiffures et maquillages Sylvie Rolland-Provost
Régie Alexandra Sutto
Crédit photo Ulysse Del Drago
les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
Production CTD'A
Le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, fidèle compagnon du duo Jennifer Tremblay / Sylvie Drapeau, entame la saison avec le plus récent opus du triptyque de la série «familiale» de Jennifer Tremblay, La Délivrance.
Une mère se meurt et réclame son fils qui lui a été enlevé par le père de nombreuses années auparavant. L’une de ses filles part donc à la recherche de son frère, pour que leur mère puisse mourir en paix. Au cours de son périple, la femme mettra en doute sa foi, et replongera dans l’histoire de sa vie, de ses souvenirs, de ses blessures et de ses joies, en tentant de convaincre son frère de se rendre au chevet de leur mère.
Le texte de Jennifer Tremblay, comme tous les autres, est magnifique, poignant, touchant, déchirant. Cette longue saga familiale aura vu souffrir ce personnage de mère qu’on soupçonne être la même au cours des trois pièces de la trilogie, d’abord d’isolement et de déchirement dans La liste (2010), puis dans son rapport aux hommes (Le Carrousel, 2015), et enfin dans sa relation avec sa mère au bord de la mort dans La délivrance (l’une de ces pièces, par contre, n’est pas essentielle à la compréhension des autres). Sylvie Drapeau semble prendre très au sérieux la responsabilité de porter la parole de Tremblay sur scène, et y excelle. Drapeau possède ce pouvoir extraordinaire de tout engloutir dans son intensité dès qu’elle entre sur scène, dès qu’elle ouvre la bouche. Seule chaque fois, elle va, avec La Délivrance, encore plus loin en interprétant de nombreux personnages, parties prenantes de l’histoire. Un exploit qu’elle réussit à relever avec brio, le spectateur n’ayant aucune difficulté à suivre les différents personnages à travers une seule femme.
Après une mise en scène de Marie-Thérèse Fortin pour La liste, c’est Patrice Dubois qui a repris le flambeau pour Le carrousel et La délivrance. Si les trois opus ont toujours présenté des mises en scène très épurée (très peu de décors, à peine quelques accessoires sur la scène, dont une chaise et quelques projections ici et là), La délivrance l’est certainement davantage que les autres, notamment à cause d’une scène très étroite. Un banc, un écran à une extrémité, très peu utilisé et faisant plutôt office de miroir, et, à l’autre, une cage transparente abritant un immense Jésus de plâtre... qui glace un peu le sang. Si Sylvie Drapeau, toujours aussi intense et impeccable dans son jeu, a certes été très bien dirigée pour la pièce, la scénographie laisse une étrange impression. On a tenté, peut-être, de jouer d’originalité avec une configuration «bifrontale» de la salle, le public se faisant face, séparé par la scène faite sur le long. Alors que la comédienne s’y déplace de long en large, on se demande pourquoi le choix de ce type de configuration et à quel point il est approprié pour mettre en valeur la magnifique écriture de Jennifer Tremblay.
La délivrance boucle plutôt bien la trilogie de Tremblay, dont on attend impatiemment la prochaine œuvre, qu’on espère différente, mais dont on ne doute pas de la qualité, de la pertinence et de la sensibilité, à l’image de ce qu’elle nous présente depuis 2010 sur la scène et dans ses romans.