Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 8 au 26 novembre 2016
Dimanche napalm
Texte et mise en scène Sébastien David
Avec Alex Bergeron, Henri Chassé, Louison Danis, Sylvie Léonard, Geneviève Schmidt, Cynthia Wu-Maheux

Sébastien David signe un texte électrochoc qui pose la question de la désillusion de la jeunesse et de ce qui se cache dans le fossé des générations.

Cette pièce se décline comme une série de tableaux. Le silence mystérieux d’un fils conduit tour à tour le Père, la Mère, la Sœur et Kim, son ancienne amoureuse, à se confronter à leurs espoirs perdus, leurs rêves inachevés et leurs fantasmes enfouis alors qu’autour d’eux rôde en fauteuil roulant le fantôme de la Grand-mère. Le silence du Fils devient révélateur d’inconforts et catalyseur de vérités jusqu’à transformer peu à peu la chimie familiale en un inflammable napalm.


Assistance à la mise en scène et régie Catherine Comeau
Scénographie, costumes, accessoires Odile Gamache
Éclairages Julie Basse
Conception sonore Larsen Lupin
Crédit photo Ulysse Del Drago

les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h

Création de La Bataille en coproduction avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui


Section vidéo


Centre du Théâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900 - billetterie.theatredaujourdhui.qc.ca

Youtube Facebook Twitter
 
______________________________________
            
Critique

Les êtres en quête de vérité occupent une place de prédilection dans le répertoire de Sébastien David. Sur la scène principale du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, son Dimanche napalm possède bien des atouts dans sa manche, mais manque encore de dureté et de révolte pour remplir toutes ses promesses ardentes. 






Crédit photos : Valérie Remise

Puisant dans des événements survenus au Québec et ailleurs, la pièce aborde avec habileté l’incommunicabilité d’une famille de banlieue de la classe moyenne. Traitant des rapports intergénérationnels, elle focalise sur un fils qui ne prononce aucun son et aucun mot durant toute l’heure et quarante-cinq minutes de la représentation. Le jeune adulte revient habiter dans la maison de ses parents après avoir vécu en appartement à Montréal. Prisonnier d’un fauteuil roulant, il regagne la chambre de sa vie d’avant. Autour de lui, son père, sa mère et sa sœur de seize ans s’agitent pour tenter de le sortir de sa torpeur et de son mutisme. De plus, son ancienne copine Kim revient dans le décor et s’installe même au sous-sol. Sa mère valorise la réussite matérielle, son père trompe sa mère avec une nouvelle flamme rencontrée lors de ses nouvelles séances de natation. Sa sœur souffre, quant à elle, de l’incompréhension de ses proches et d’un environnement académique peu stimulant avec ses «bitchs anorexiques». En parallèle, nous croisons une grand-mère de plus en plus délaissée et confuse dans ses interventions. Par son silence, ce fils confronte chacun d’eux à leurs espoirs dissipés. Et c’est sans compter que cette mascarade ne saurait se dérouler sans les fameux dimanches de poutine.  

Construite comme des petits tableaux, l’œuvre se décline par une succession de scènes parfois trop courtes. Le titre de chacune d’elle est reproduit sur une sorte de tulle. La scénographie conçue avec ingéniosité par Odile Comeau, également responsable des costumes et des accessoires, est assez saisissante avec son plateau dégagé et sa vitre brisée dont des morceaux sont répandus sur le sol. À l’avant-scène, nous voyons la partie supérieure de trois rampes d’escalier. Excluant le fils et l’aïeule, les autres personnages montent et descendent l’une ou l’autre du début à la fin comme dans une course effrénée. Derrière cet espace de jeu, à un niveau légèrement surélevé, la grand-mère à l’allure presque fantomatique se déplace en véhicule motorisé lors de ses saynètes. 

Les allusions aux enjeux sociaux s’insèrent avec une grande justesse de ton dans l’écriture de David. Le témoignage où la copine exprime son engagement lors du printemps érable de 2012 (où, «pour une fois, je ne me sentais pas comme la minorité de service») démontre une belle sensibilité qui ne tombe pas dans la complaisance. Par ailleurs à l’inverse, la mère fustige presque «la cause perdue et inutile des étudiants en grève», accentuant ainsi la causticité à l’égard d’un microcosme satisfait dans son confort illusoire. Cette femme hygiéniste dentaire se permet pourtant un élan de compassion assez comique pour la jeune fille brûlée au napalm de la célèbre photographie. L’acuité de la plume du dramaturge se reflète aussi dans ses descriptions crues de l’adolescence alors que la sœur cadette subit les railleries. Par exemple, la réplique («Pis je viens de faire un tas qui me parle») qu’elle aimerait lancer à la suite d’une insulte d’une camarade de classe («Coudonc t’es-tu fait mettre dans le pet/Tu marches comme une envie de chier»), provoque spontanément des fous rires.

Par contre, le résultat donne encore une impression d’inachèvement, comme si l’écriture du dramaturge n’allait pas encore au bout de sa violence ou de sa férocité comme lors de ses pièces antérieures (T’es où Gaudreault ou Ta yeule Kathleen). Un peu plus de force incisive et de mordant permettrait au texte d’atteindre son plein potentiel, comme dans le bouleversant monologue ultime de la grand-mère. Autre faiblesse, la conception sonore de Larsen Lupin gagnerait également à être mieux travaillée. Les séquences d’orgue pourraient mieux accentuer le malaise causé par les paroles vides de sens des proches et rendre encore plus percutant le silence du fils. Les deux extraits musicaux retenus, Stayin Alive des Bee Gees et Living On My Own de Freddie Mercury n’apportent aucune tension supplémentaire à l’ensemble.

La distribution demeure la plus grande réussite de Dimanche napalm. Avec seulement son corps estropié, Alex Bergeron parvient à transmettre de nombreuses émotions. Méconnaissable en vieille femme, Louison Danis s’abandonne dans son jeu avec une fragilité magnifique. Sylvie Léonard expose parfaitement les dilemmes de la figure maternelle. Henri Chassé rend avec finesse les ambivalences de son époux. La sœur un peu collante et l’ancienne flamme, Geneviève Schmidt et Cynthia Wu-Maheux, se démarquent toutes deux par leur aplomb, la première avec une fougue imparable et la seconde avec une ferveur tangible.   

Si la nouvelle création de Sébastien David ne nous déverse pas au visage tout le napalm espéré, elle nous donne, en revanche, bien des secousses frissonnantes.                  

14-11-2016