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Du 25 avril au 13 mai 2017
Nuits frauduleuses
Textes Mathieu Arsenault, Daphné B., Marjolaine Beauchamp, Laurie Bédard, Alexandre Dostie, Benoit Jutras, Marc-Antoine K. Phaneuf, Daniel Leblanc-Poirier, Samuel Mercier, Steve Savage, Stéphane Surprenant
Mise en scène Alix Dufresne
Avec Philippe Boutin, Jérémie Francoeur, Maxim Paré-Fortin, Marilyn Perreault

« Je veux faire entendre la parole des auteurs d’une génération dont la pensée s’est développée en même temps que l’arrivée de l’Internet dans leur quotidien, une génération dont l’écriture est influencée par la logique des moteurs de recherche, la cybernétique et le microformat. »

Alix Dufresne nous promet avec Nuits frauduleuses un spectacle hors normes qui flirte avec la performance autour des écrits des poètes québécois de la Génération Y. En lien avec tout le monde, mais séparée de lui par un écran, cette génération connait la guerre sans jamais y avoir été confrontée, expérimente les douleurs de l’amour dans le réel et le virtuel et maitrise l’art du GIF, du MEME et de l’ÉMOJI à un niveau virtuose. Quelle est alors la place de la poésie dans cette frénésie? Quelle est la place du verbe gratuit, de la parole-mystère, de la jouissance du mot? Nulle part. À moins que la poésie ne s’ajuste à cette nouvelle réalité?


Section vidéo


Scénographie Odile Gamache
Vidéo et éclairages Gonzalo Soldi
Collaboration à la mise en scène et musique originale Jérémie Francoeur
Direction de production Catherine Vallée-Grégoire
Crédit photo Ulysse Del Drago

Durée 1h

Production Productions J’le dis là!


 
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Critique

Le plaisir de (se) dire

Avec Nuits frauduleuses, la metteure en scène et chorégraphe Alix Dufresne amorce une résidence de création de deux ans au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Sensible au mandat de ce théâtre de promouvoir la création contemporaine québécoise, elle fait entendre la voix d’une douzaine de poètes de la génération Y à travers autant de mondes poétiques hétérogènes.


Crédit photo : Antonin Gougeon


Crédit photo : Dario Ayala

En feuilletant des recueils de poésie des éditions de l’Écrou, du Quartanier, ou encore des Herbes rouges, Alix Dufresne et son complice Jérémie Francoeur ont ciblé leurs coups de cœur et les ont réorganisés pour former une parole à plusieurs voix. Tous les poètes choisis – Mathieu Arsenault, Daphné B., Marjolaine Beauchamp, Laurie Bédard, Alexandre Dostie, Benoit Jutras, Marc-Antoine K. Phaneuf, Daniel Leblanc-Poirier, Samuel Mercier, Steve Savage, Stéphane Surprenant et Maude Veilleux – entretiennent un rapport très fort à la langue commune et représentent bien un pan de la poésie québécoise contemporaine.

Dans le sillage du travail d’Étienne Lepage et de Frédérick Gravel (Ainsi parlait, La logique du pire), Alix Dufresne propose un spectacle ludique à mi-chemin entre la danse, le théâtre et la performance. Le décor conçu par Odile Gamache reproduit un gymnase bleu aux murs capitonnés au centre duquel se trouve une plateforme et une montagne de cubes en mousse qui servent de principal accessoire de jeu pour les interprètes, habillés en shorts fluo et en t-shirt kitsch pour l’occasion.

Ceux qui connaissent l’esthétique d’Alix Dufresne (Chutes, Les paroles, Hidden Paradise)retrouveront dans Nuits frauduleuses le travail du mouvement caractéristique de la metteure en scène, pour qui le texte et le corps doivent s’exprimer de manière égale. Les comédiens Marilyn Perreault, Jérémie Francoeur, Philippe Boutin et Maxim Paré-Fortin démontrent une grande maîtrise de leur corps qui leur permet de livrer avec éloquence les textes poétiques. La chorégraphie élaborée par la metteure en scène évoque à la fois la chute, l’érotisme et le combat. Le jeu physique – et parfois même acrobatique – des acteurs devient le fil conducteur d’une pièce qui aurait pu souffrir d’un trop grand morcellement. Au contraire, le mélange se fait à merveille entre les listes poétiques de Marc-Antoine K. Phaneuf, la poésie googleisante de Steve Savage, le cynisme de Mathieu Arsenault et les fragments amoureux de Daphné B.

Avec Nuits frauduleuses, Alix Dufresne rafraichit l’idée selon laquelle la poésie serait hermétique, indigeste et dépassée. Elle sort la poésie de la marge pour en faire résonner toute la pertinence et l’actualité. Les mots des auteurs se répondent et s’entrechoquent dans un spectacle à sketchs au rythme très rapide qui montre que la prose peut servir à dresser un portrait à la fois sensible et lucide du monde auquel on appartient.

Saluons pour finir l’initiative de Dufresne de faire écho aux poètes qu’elle met en valeur en s’entourant d’une équipe de créateurs 100% Y. Nuits frauduleuses donnent donc un bon aperçu de la créativité de cette génération d’artistes qui ont vécu la transformation du monde par les nouvelles technologies et qui sont à même de percevoir comment la poésie a été influencée par ces bouleversements affectant toutes les sphères du quotidien.

30-04-2017