« Parlez-lui d’une voix naturelle. Siri comprend non seulement ce que vous dites, mais aussi ce que vous voulez dire, et vous répond. Parlez-lui comme à une vraie personne. » Siri est l’assistante personnelle créée par Apple et intégrée à chacun des iPhone. Quelle relation de pouvoir nous lie à cette technologie? Quelles sont les réelles différences entre l’homme moderne et la machine? Suffit-il d’avoir un corps pour être humain?
Dans une mise en scène de Maxime Carbonneau, la comédienne Laurence Dauphinais entre en dialogue avec Siri. Car si l’application est à notre service et connait tout de nous, nous n’apprenons rien d’elle. Petit à petit, par une séance de questions-réponses méthodiques, la comédienne repousse les limites de la machine pour qu’elle se trahisse, jusqu’à ce que leurs deux identités se confondent et révèlent le mystère qui les relie.
Assistance à la mise en scène et direction de production Jérémie Boucher
Regard extérieur et conseil dramaturgique Dany Boudreault, Tiphaine Raffier
Scénographie Geneviève Lizotte
Éclairages Julie Basse
Musique originale Olivier Girouard
Conception vidéo Félix Fradet-Faguy
Crédit photo Ulysse Del Drago
Durée 1h20
Un spectacle de La Messe Basse
en coproduction avec le Festival TransAmériques avec le soutien du Phénix – scène nationale Valenciennes
Section vidéo
Dates antérieures (entre autres)
2015 - OFFTA
Du 1er au 3 juin 2016 - FTA
Après y avoir présenté Descendance (2014), Maxime Carbonneau retrouve en ce début d’année le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui avec sa deuxième mise en scène, baptisée Siri. Présentée dans une première version à l’OFFTA 2015 puis créée l’été dernier lors du Festival TransAmérique, la pièce, qui a encore évolué depuis, se présente comme un dialogue inédit entre deux interprètes : Laurence Dauphinais et l’intelligence artificielle d’Apple.
« Siri, comment vas-tu aujourd’hui ? » « Siri, qui es-tu ? » « Et quel est le sens de la vie ? » Tout utilisateur d’iPhone (ou presque) a un jour testé les limites de Siri, « l’assistant personnel intelligent » intégré depuis 2011 à tous les iPhone. C’est précisément cette tentative de dialogue entre l’homme et la machine qui est au cœur du nouveau spectacle de la compagnie La messe basse. Lorsque Laurence Dauphinais, dans l’intimiste Salle Jean-Claude Germain, apparaît à l’avant d’un plateau plongé dans la pénombre et commence à dérouler son CV (« je suis née en 1983, j’aime le vert…»), on pense à un seule-en-scène. Très vite pourtant, se munissant d’un iPhone dont l’activité est projetée simultanément sur un écran vertical à ses côtés, la comédienne nous présente sa partenaire et met en garde son public : l’échange auquel nous allons assister est en direct, avec tous les aléas que cela comporte. C’est parti pour 1h20 d’un interrogatoire parfois musclé.
Tantôt taquine (« Siri, chante du Céline Dion »), tantôt provocatrice (« Dis-moi ce que tu aimes ! ») à l’égard de l’application, Laurence Dauphinais crie et chuchote, ordonne et supplie au fil des réponses qui donnent à voir l’humour dont a été pourvue Siri, notamment dans un mémorable épisode de beat-box – on imagine alors tout le travail préliminaire qui a été nécessaire pour mettre au point une telle conversation. Mais la pièce, c’est là l’intelligence de Maxime Carbonneau, ne s’arrête pas à cet artifice scénique et multiplie habilement les ruptures de rythme. Régulièrement, l’interprète en chair et en os retrouve l’avant du plateau pour des apartés sur sa vie personnelle. C’est dans ces instants où elle évoque ses souvenirs d’enfance, où elle raconte la quête de ses origines que Laurence Dauphinais, également co-auteure de la pièce, est la plus touchante. Dans ces instants aussi que les jeux de lumière de Julie Basse, projetés sur un second écran en arrière de la scène et s’accordant comme les battements d’un cœur à la musique d’Olivier Girouard, donnent une ampleur supplémentaire à Siri.
Au grès des expérimentations visuelles (lorsque la comédienne tourne l’iPhone façon selfie, son beau visage, coupé par une ombre et montré en gros plan sur l’écran, devient presque effrayant) et des questions toujours plus poussées, la conversation se fait plus dramatique. Car Laurence Dauphinais aura beau tenter de créer un lien avec Siri, en lui demandant comme à une amie de se « souvenir » de certains épisodes de son existence, l’échec de l’échange saute aux yeux lorsque la machine, évidemment dépourvue d’émotions, se borne à lister les différents « rappels » qu’elle a enregistrés. Exploitant toutes les potentialités artistiques d’une technologie intégrée à notre vie quotidienne, tout en pointant, au passage, l’ensemble des informations collectées sur les utilisateurs, Siri est un joli moment de théâtre qui nous laisse avec nos réflexions sur la définition de l’humanité.