Bashir Lazhar retrace le parcours d’un immigrant nouvellement arrivé au Québec, qui remplace au pied levé une institutrice qui s'est suicidée dans l’enceinte de l’école. La personnalité de Bashir et ses initiatives pédagogiques se heurtent à la frilosité et à l’incompréhension de ses pairs et des parents d’élèves. Les préjugés latents font surface et révèlent le choc provoqué par la rencontre des cultures.
La recréation de ce texte d’Evelyne de la Chenelière, 10 ans après sa création et une adaptation cinématographique couronnée de succès, met en lumière un répertoire québécois vivant qui, au cœur de la crise migratoire et du repli identitaire des pays de l’Occident, se révèle d’une vibrante actualité
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène et régie Julien Veronneau
Décor Julie Vallée-Léger
Conception lumière Cédric Delorme-Bouchard
Costumes Marc Senécal
Musique originale Guido Del Fabbro
Maquillages Angelo Barsetti
Photo Christian Blais, Design Gauthier
Mardi 19h
Mercredi au vendredi 20h
Samedi 16h
Rencontre avec l'équipe 27 septembre
Une production du CTD'A
La pièce Bashir Lazhar, écrite par Évelyne de la Chenelière et jouée pour la première fois en 2002 au Théâtre d’Aujourd’hui, jouit déjà d’une grande reconnaissance, notamment grâce au film réalisé en 2011 par Philippe Falardeau et mettant en vedette Mohamed Fellag. Le long-métrage a représenté le Canada à la cérémonie des Oscars en 2012, en plus de connaître un grand succès critique et commercial.
Alors pourquoi décider de rejouer cette pièce sur les planches près de 15 ans plus tard? Parce que, malgré le temps qui a passé, la pièce est toujours criante d’actualité.
Le récit de ce réfugié politique qui remplace au pied levé dans la classe de Madame Lachance, qui s’est suicidée et a été retrouvée pendue dans son local par ses élèves, permet de toucher à des sujets qui ont toujours leur place dans nos discussions collectives. Alors que la question de l’identité québécoise est au coeur du débat public et que l’on voit l’apparition des groupes d’extrême-droite tels que La Meute ou Strom Alliance au Québec, il est plus important que jamais d’aborder des thématiques telles que l’accueil de l’immigrant, son intégration et le choc des cultures, mais aussi l’éducation, la violence et la mort. Bashir Lazhar, qui est de culture arabe, doit composer avec la méfiance et le racisme de ses collègues, des parents de ses élèves et de ses supérieurs. Au fil de la pièce, on en vient à en apprendre davantage sur le drame immense qu’il a vécu et on le voit plaider pour obtenir le statut de réfugié afin de pouvoir rester au pays, alors qu’il se heurte à la rigidité d’un système froid et manquant d’empathie.
Cette nouvelle mouture de la pièce, cette fois-ci réalisée par le metteur en scène Sylvain Bélanger, a su, par sa forme épurée, mettre en valeur toute la sensibilité de l’écriture d’Évelyne de la Chenelière. Une chaise, plantée au milieu de la scène, tient pour seul accessoire de décor. Les jeux de lumière et les effets sonores servent bien le récit et permettent aux spectateurs de se situer dans l’espace et le temps. Cette mise en scène très sobre permet de se concentrer sur la force du texte, magnifiquement interprété par Raba Aït Ouyahia, qu’on connaît aussi pour sa carrière de rappeur. La performance émouvante et juste de l’acteur, qui monte pour la première fois sur les planches, permet de mettre un visage humain sur ces demandeurs d’asile dont on a tant parlé dernièrement dans les médias. Comme rapporté dans cet article du Devoir, Raba Aït Ouyahia a su puiser dans son propre parcours d’immigrant pour jouer le personnage : « Bashir Lazhar, comme pratiquement tous les projets que j’ai eu la chance d’obtenir, [raconte] le combat qu’a mené mon père en venant ici. Avec toute une mallette de diplômes, jamais reconnus, il n’a jamais eu l’emploi qu’il méritait. » Il arrive tout à fait à nous faire oublier le Monsieur Lazhar de Falardeau en s’appropriant totalement le personnage. En portant entièrement la pièce sur ses épaules, il parvient à rendre le monologue de façon magistrale et ressentie. Il livre ainsi une grande performance qui bouleverse l’assistance. Celle-ci lui a d’ailleurs offert, lors de cette première, une ovation bien méritée.