Un cheminot québécois, un banquier américain et un auteur à succès britannique portent le même nom : Thomas Harding. En apparence, ils n'ont rien d'autre en commun. Jusqu’au 6 juillet 2013. Cette nuit-là, un train qui déraille fait exploser une ville. Apparaitront alors au grand jour les rails invisibles qui relient leurs existences et les attachent les unes aux autres.
Les Harding est la deuxième création d’Alexia Bürger dans le cadre de son programme d’artiste associée au CTD’A. Inspirée par la matière documentaire d'existences marginales ou ordinaires bien réelles, elle élabore des actions qui questionnent le conformisme et la part de responsabilité des individus face au dérèglement du monde.
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène et régie Stéphanie Capistran-Lalonde
Décor Simon Guilbault
Costumes Elen Ewing
Éclairages et vidéo Mathieu Roy
Musique originale Nicolas Basque, Philippe Brault
Photo Christian Blais, Design Gauthier
Mardi 19h
Mercredi au vendredi 20h
Samedi 16h
Rencontre avec l'équipe 18 avril
Une création du Centre du Théâtre d'Aujourd'hui
À mi-chemin entre théâtre documentaire et fiction, la pièce Les Hardings déverse l’opinion de son auteure quant à la responsabilité de tout un chacun dans la tragédie qui a touché Lac-Mégantic en juillet 2013. Sur la scène du Théâtre d’Aujourd’hui, Alexia Bürger n’a pas peur de faire exploser son point de vue en plein visage. S’inspirant d’individus bien vivants, cette dernière qui, jusqu’alors, était une collaboratrice d’expérience pour des créateurs comme Olivier Choinière, signe sa première mise en scène avec son propre texte. Invitant le public à assister à l’échange fictif entre trois hommes de nom homonyme, tous victimes de remords, la dramaturge se permet de semer tranquillement un doute raisonnable dans la tête de tous : « Aurais-je pu agir de la même façon à leur place ? » Voilà une question qui continue d’obséder, bien après la fin du spectacle !
Dès l’entrée en salle, les talents du scénographe, Simon Guilbeault, saute aux yeux. Convergeant tous au centre de la scène, des rails suspendus autour de l’espace de jeu offrent un effet assez impressionnant. Des panneaux rectangulaires de gris métallique lient certains rails et permettent quelques projections plutôt simples, mais qui reflète bien l’aspect imaginaire du spectacle. De toute évidence, le concepteur semble avoir tenté de donner l’impression qu’il s’agit d’un tunnel menant à une collision assurée. À l’arrivée des trois comédiens, c’est d’abord le silence qui règne avant que Martin Drainville, vêtu d’un complet, s’attire quelques rires en vidant sa chaussure étrangement pleine de sable. Bien que banal, ce geste donne le ton à un spectacle où l’absurdité de la vie et l’erreur humaine en seront les vedettes. Interprétant un vendeur d’assurance américain, le comédien accuse étonnamment ses racines québécoises en conservant l’accent d’ici et se faisant un point d’honneur à dire quelques jurons. Il en est de même pour Patrice Dubois qui incarne un écrivain britannique, aussi père d’un jeune garçon tragiquement décédé, avec une profonde authenticité particulièrement touchante. Malgré ce petit écart de langage qui peut en déranger certains, il est intéressant de voir à quel point le point de vue de l’auteure transparaît à travers cette convention. Une façon efficace de se distancier des faits réels tout en laissant place à une ambiguïté bien réelle.
Les costumes conçus par Elen Ewing servent magnifiquement bien la distribution. Sans être aussi spectaculaires que la scénographie, ils contribuent au réaliste de l’action dramatique. Parfaitement crédible dans son habit de chauffeur, Bruno Marcil s’épanouit graduellement sous le regard de tous. Sans chercher à émouvoir plus qu’il ne le faut, celui-ci effectue une montée dramatique significative alors que l’impuissance habite de plus en plus ses traits au fur et à mesure que le temps avance. Le travail de Mathieu Roy à l’éclairage s’avère également une belle réussite. Simplement en changeant les teintes de lumières, le concepteur relève avec brio le défi de créer un univers pour chaque personnage dans un même espace. En ce qui a trait à la conception sonore, le public a droit à une surprise totale. Nicolas Basque et Philippe Brault se sont évertués à trouver une trame qui puisse s’accorder aux voix du trio afin de permettre de petites harmonies vocales à l’occasion. Bien sûr, les interprètes ne sont pas de fabuleux chanteurs, mais c’est une initiative de plus qui s’inscrit dans une belle théâtralité.
Au terme de la représentation, Alexia Bürger ne cherche pas à nous convaincre. Néanmoins, un doute persiste. Les Hardings, ce sont finalement trois hommes bien réels que seule la fiction pouvait réunir. Devant une telle audace, comment résister à l’envie curieusement tenace d’aller voir ce spectacle ?