Pauline Julien, Gérald Godin, une révolution (tranquille), un mois d’octobre (historique) et des promesses (avortées). ColoniséEs, c’est l’histoire qui se parle à elle-même, ce sont des personnages incarnant nos préoccupations d’hier, d’aujourd’hui et de demain. C’est aussi la parole d’un Québec actuel, inquiet, hésitant mais résilient, incarné par le personnage d’une jeune serveuse.
Quatre ans après le succès de J’accuse, l’auteure Annick Lefebvre nous revient avec son style inimitable et sans concessions pour livrer un vibrant hommage à deux artistes marquants et un questionnement rare et lucide sur le Québec. Son théâtre relève le défi d'être aussi intime que collectif, dénonciateur que rédempteur.
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène et régie Marie-Hélène DufortPrix des billets / salle principale sauf Chansons… :
30 ans et moins - 26$
régulier - 36$
60 ans + - 32$
Mardi 19h
Mercredi au vendredi 20h
Samedi 16h
Une création du Centre du Théâtre d'Aujourd'hui
Quatre ans après le succès que lui avait prodigué son texte J’accuse, la dramaturge Annick Lefebvre revient au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui avec ColoniséEs, pièce où les discours énoncés sont aussi affligeants que poétiques. L'auteure, juxtaposant bon nombre de soulèvements québécois ayant eu lieu dans les cinquante dernières années avec l’épanouissement du couple Julien-Godin, offre à entendre des monologues empreints d’une sensibilité qui, défendus par une troupe multigénérationnelle, va droit au cœur.
Entourée des comédiens d’expérience que sont Benoît McGinnis et Macha Limonchik, la jeune diplômée de l’UQAM Maude Demers-Rivard ne s’en laisse pas intimider alors qu’elle ouvre le spectacle avec assurance. Elle qui personnifie le Québec en serveuse étudiante ayant manifesté lors du printemps érable paraît si authentique que les mots de Lefebvre ne peuvent que frapper fort. Les nouveaux visages Charles-Aubey Houde et Zoé Tremblay-Bianco sont également à surveiller, eux qui incarnent, entre autres, Pauline Julien et Gérald Godin dans leurs premières années, une sincère passion dans les yeux. Même si la vérité derrière le jeu de la relève artistique semble davantage attirer l’empathie du public, toute l’équipe peut se féliciter d’avoir réussi à conjuguer sensibilité et brutalité.
Assistés par l’éclairage essentiellement chaleureux d’Erwann Bernard ainsi que la musique originale de Guido Del Fabbro, tou.te.s les comédien.ne.s contribuent à l’intensité dramatique du spectacle avec simplicité, mais de manière assez efficace. La réserve dont font preuve McGinnis et Limonchik, la touchante innocence présente dans le regard aimant de Sébastien Rajotte et la subtile souffrance de Julien habitant peu à peu les traits de Myriam Fournier tout au long de la pièce témoignent de la maturité de chacun et permet un beau contraste avec la fougue de la jeunesse. La rigueur perceptible derrière la mise en scène de René Richard Cyr pardonne les minimes écarts vocaux de certains au soir de la première. La vitesse à laquelle le texte est livré est tout de même soutenue pendant près de deux heures et donne à voir à l’occasion de magnifiques scènes collectives. Les voix des interprètes qui raisonnent à l’unisson confirment leur réelle complicité sur scène.
Même si la vérité derrière le jeu de la relève artistique semble davantage attirer l’empathie du public, toute l’équipe peut se féliciter d’avoir réussi à conjuguer sensibilité et brutalité.
S’il est possible grâce aux costumes de Cynthia St-Gelais et aux accessoires choisis par Robin Brazill de voyager dans le temps avec réalisme, la scénographie épurée imaginée par Jean Bard, qui compte principalement des pieds de micros de différentes longueurs et un écran géant, au centre, projetant des phrases lourdes de sens, permet une forte image poétique considérant que les mots dominent dans ce spectacle. Accompagnées par la musique de Pauline Julien, certaines scènes s’avèrent chargées en émotions. Outre la chanteuse et son compagnon, l'auteure ne manque pas de souligner l'apport d'artistes comme Dédé Fortin dans l'histoire du Québec et de tant d'autres vivants encore ou partis depuis peu. Sans être exclusivement une rétrospective de moments marquants, la pièce ne manque pas de références. Davantage axés sur ce qui a été dit ou fait, les propos du texte peuvent sembler plutôt lourds. Par chance, l’auteure ne manque pas d'alléger la tension avec quelques comparaisons cocasses.
Pour certains, ColoniséEs sera assurément une œuvre « coup de poing » relatant de durs moments historiques. Pour d'autres, ce sera une bonne façon de comprendre en toute simplicité quelques événements importants qui continuent de faire jaser. Tous n'en seront peut-être pas émerveillés, mais, chose sûre, le spectacle mérite une certaine curiosité, ne serait-ce que pour découvrir de nouveaux talents ou se laisser porter par un texte qui ne peut laisser indifférent.