Une femme disparait. Comment? Pourquoi? La vague d’incompréhension suscitée devient un appel lancé. Mais qui est-elle? Son absence rassemble un petit groupe d’individus écorchés et résilients qui ne se seraient peut-être jamais rencontrés autrement et les témoignages livrés créent une fresque des identités possibles de la disparue.
À travers des fragments documentaires et fictifs, Guérilla de l’ordinaire s’attaque aux manifestations visibles et invisibles des violences sexistes ordinaires, alliant humour, colère et poésie. Plus les histoires se démêlent, plus elles prennent des allures de manifeste. Après le succès de Chienne(s) en 17/18, les deux autrices en résidence du Théâtre de l’Affamée réaffirment leur engagement féministe avec ce spectacle sensible et militant.
Crédits supplémentaires et autres informations
Musique sur scène Mathilde Laurier
Assistance à la mise en scène et régie Josianne Dulong-Savignac
Scénographie Marie-Pier Fortier
Costumes Cynthia St-Gelais
Éclairages Martin Sirois
Durée 1h45
Salle JCG :
30 ans et moins - 23$
régulier - 27$
60 ans + - 25$
Mardi 19h
Mercredi au vendredi 20h
Samedi 16h
Une création du Théâtre de l'Affamée
Après avoir présenté Chienne(s) au printemps 2018, Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent terminent leur résidence de deux ans au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui avec Guérilla de l’ordinaire, une pièce résolument féministe aux airs de manifeste.
La plus récente pièce du Théâtre de l’Affamée tire à bout portant sur les violences ordinaires auxquelles les femmes font face au quotidien, en abordant des sujets aussi divers que les standards de beauté, la cyberviolence, les stéréotypes de genres, les pressions sociales et la culture du viol. Les autrices cherchent à mettre en relief le fait que la militance est parfois imposée aux femmes sans que celles-ci n’aient consciemment décidé d’agir contre les remarques sexistes et autres rudesses dirigées à leur égard. Certains épisodes sont d’ailleurs tirés d’événements réels de l’actualité, comme l’intimidation à laquelle est confrontée la chroniqueuse sportive Chantal Machabée, qui investit un milieu professionnel traditionnellement occupé par des hommes.
Guérilla de l’ordinaire met en scène neuf personnages (la sœur, l’ex-conjoint, la coloc, l’amie) qui participent à une vigile en hommage à une femme disparue depuis plus d’un an. Le décor consiste d’ailleurs en un immense miroir devant lequel sont disposés une multitude de lampions. À cette trame narrative se greffent ce que Milot et St-Laurent appellent des « fractures » et qui se manifestent par des prises de parole revendicatrices contre les fléaux de la vie en société, allant de la grossophobie à la xénophobie, et de la transphobie au capacitisme.
Guérilla de l’ordinaire s’inscrit dans un renouvellement du féminisme au théâtre, auquel participent des autrices comme Catherine Chabot, Annick Lefebvre ou Catherine Léger. Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent confrontent le public à ses propres contradictions en mettant en relief des situations qui finissent par devenir dangereusement banales tant elles se présentent fréquemment.
Comme dans plusieurs œuvres féministes, l’humour occupe une grande place dans la pièce, comme si le rire contrebalançait (excusait?) la radicalité des prises de position des autrices. À ce titre, la force du parallèle établi entre le hit-and-run et la culpabilisation que l’on fait subir aux victimes de viol fait sourire tout en provoquant un malaise palpable dans la salle. De même, la scène où Myriam De Verger échoue à trouver un soutien-gorge brun pour s’agencer à la couleur de sa peau sensibilise les spectateurs et spectatrices à des questions qui leur sont pour la plupart étrangères.
La musique de Mathilde Laurier participe également au caractère insidieux de la lutte féministe quotidienne. Assise sur une plateforme qui surplombe la scène, elle interprète avec une extrême douceur un medley de chansons connues pour leurs propos sexistes comme Candyshop ou Sweat (A La La La La Long). Le contraste entre la violence du texte, l’immense succès des airs choisis et le timbre feutré de la voix de la chanteuse représente bien le ton du spectacle.
En plus des prises de position féministes qui ressortent du texte, tout le processus de création de Guérilla de l’ordinaire témoigne d’une sensibilité pour les personnes invisibilisées dans la société. En témoigne la distribution qui rassemble des interprètes d’origines ethniques et d’orientations sexuelles diverses. Par ailleurs, c’est Maxime D. Pomerleau – actrice et danseuse qui vit avec un handicap physique – qui tient la tête d’affiche de la pièce. En effet, tous les acteurs et les actrices qui participent au spectacle ont contribué à l’écriture de plateau. Parmi ceux-ci, mentionnons Sarah Laurendeau, qui brille par son jeu nuancé et son sens du punch. Le rap qu’elle chante sur le tabou entourant les menstruations est particulièrement réussi.
Guérilla de l’ordinaire s’inscrit dans un renouvellement du féminisme au théâtre, auquel participent des autrices comme Catherine Chabot, Annick Lefebvre ou Catherine Léger. Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent confrontent le public à ses propres contradictions en mettant en relief des situations qui finissent par devenir dangereusement banales tant elles se présentent fréquemment. À ceux et celles qui trouveront que le discours sur le féministe et sur la représentativité est trop appuyé, il devient peut-être nécessaire, vu la lenteur avec laquelle les changements se font sentir dans la société, de revendiquer plus fort le droit à la liberté et à l’égalité.