Un 5 à 7 entre amis s’est étiré jusqu’à la tombée de la nuit. Leur fin de soirée crée une expérience théâtrale tout en saccages et en reconstructions. Les conceptions du monde se confrontent, s’effritent et se fortifient tour à tour. Les partis pris politiques sont dévoilés au grand jour, les visions de l’avenir, de la maternité et surtout de l’amitié sont brouillées à jamais. Les masques tombent dans ce groupe qui n’en a jamais été vraiment un.
À travers le prisme de sa ggénération et avec une démarche d’une extrême précision où l’hyperréalisme devient esthétisme, Catherine Chabot dresse un portrait incisif du Québec d’aujourd’hui, de ses orientations politiques et de l’idéal d’avenir prescrit par la société.
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène et régie Julien VeronneauPrix des billets / salle principale sauf Chansons… :
30 ans et moins - 26$
régulier - 36$
60 ans + - 32$
Mardi 19h
Mercredi au vendredi 20h
Samedi 16h
Une création du Centre du Théâtre d'Aujourd'hui et de Corrida
Troisième texte de l’auteure et comédienne Catherine Chabot, Ligne de fuite se présente comme la conclusion de son triptyque hyperréaliste. À l’affiche dans la salle principale du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, cette comédie dramatique mise en scène par Sylvain Bélanger prend place dans la nouvelle maison d’un couple de lesbiennes ayant réuni deux couples d’amis du secondaire afin de pendre la crémaillère. Toutes relatées avec une pointe d’ironie grinçante, d’anciennes histoires jamais réglées et certaines rivalités referont surface envenimant la soirée peu à peu.
Dès l’entrée en salle, les six comédiens s’affairent déjà à plonger les spectateurs dans l’ambiance de fête qui règne. Un simple regard vers l’espace de jeu suffit pour constater la puissance d’une esthétique dont le réalisme est criant. Le design du lieu conçu par des professionnels de l’Atelier Zébulon Perron s’avère une représentation assez convaincante de l’image populaire d’un domicile où l’argent ne manque pas. La présence d’accessoires et de mobilier superflus en abondance sur scène ne fait qu’accentuer brillamment l’aisance financière des hôtes. Dans ce rôle de riche hôtesse, Lamia Benhacine semble des plus à l’aise. Jonglant entre une empathie forcée et un désir assumé de se faire valoir auprès des autres, la comédienne réussit à se faire autant aimer que détester sans jamais tomber dans la caricature. Même si elle offre un jeu émotif très nuancé, celle-ci paraît en plein contrôle. Sa complicité avec Victoria Diamond qui personnifie sa conjointe anglophone est d’une belle fraîcheur. Dommage que cela n’ait pas empêché de remarquer un léger manque de rigueur de la part de Diamond quant à son accent anglais par moment. Les deux femmes sont tout de même à féliciter pour avoir fait croire à l’épanouissement d’un amour passionné entre elles, ce qui provoquait, au soir de la première, d’agréables malaises.
Un simple regard vers l’espace de jeu suffit pour constater la puissance d’une esthétique dont le réalisme est criant.
À l’inverse, l’interprétation de Léane Labrèche-Dor et Catherine Chabot semblait plus proche de la parodie. Leur remarquable intensité en a fait rire plus d’un. Bien que cette initiative ait assurément allégé la tension parfois un peu lourde, un jeu aussi extravagant nuit quelque peu au réalisme pourtant si bien transposé par l’équipe de conception. Même le travail de Robin Brazill aux costumes et celui de Sylvie Rolland-Provost, responsable des coiffures et du maquillage, allaient en ce sens. Chaque personnage avait son style bien à lui sans que cela trahisse un trait de caractère précis. À l’instar du personnage de Labrèche-Dor qui détonne un peu, les deux conceptrices y sont allées assez sombrement en particulier pour les deux hommes qui complètent la distribution. Personnifiant les conjoints respectifs des deux femmes mentionnées plus haut, Benoît Drouin-Germain et Maxime Mailloux se montrent assez galants à l’égard de leurs partenaires de jeu alors qu’ils offrent une performance plus effacée. La douce sensibilité que ceux-ci prodiguent à leur personnage reste à souligner. Cela permet un équilibre apprécié lorsque la situation dérape et que l’action devient un peu trop chaotique. Avec une trame sonore aux styles de musiques assez diversifiées, Mykalle Bielinski s’assure de conserver une certaine ambiance de fête ajoutant un degré absurde aux scènes de confrontation, mais qui ne peut que renforcer la réalité d’une célébration entre amis tournant au vinaigre.
Après un peu plus de 90 minutes de spectacle, les personnages de Catherine Chabot se révèlent un reflet assez plausible de la complexité des rapports humains dans le Québec actuel. Attachants de par leur singularité, ceux-ci font rires et émeuvent le temps d’une soirée grâce à des comédiens investis. Si la critique sociale et l’ironie du texte traduit sur scène empiètent parfois sur le réalisme magnifiquement bien amené par les concepteurs, Lignes de fuite demeure une excellente occasion de pratiquer l’art de l’autodérision.