Il y a Emma, femme dans la jeune trentaine à la vie normale, partie sans laisser de traces. Il y a ses proches, aux prises avec les conséquences de son absence et ce besoin irrépressible de l’imaginer pour ne pas l’oublier. Il y a la fille qui grandit sans sa mère, la grand-mère jamais connue, la mère, le père, le conjoint, les amis et le bruit des gens qui cherchent à nous définir, nous dérobant à la fois de notre particularité et de notre mystère.
Qui n’a jamais rêvé de disparaitre, ne serait-ce qu’un instant ? De s’évaporer ? De s’échapper d’une identité et de ce que les autres y projettent ? Au Japon, ce sont quelques 100 000 personnes qui disparaissent chaque année au moyen d’agences spécialisées. S’inspirant de cette réalité troublante et tramant habilement différentes approches dramaturgiques, l’autrice Rébecca Déraspe explore les multiples visages de nos enfermements et la radicalité de certaines possibilités d’évasion.
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Julien VeronneauSalle principale :
Régulier 39,75 $
30 ans et moins 29,75 $
60 et plus 35,75 $
Jean-Claude-Germain :
Régulier 32,00 $
60 et plus 30,00 $
30 ans et moins 28,00 $
Billets à l'unité en vente dès août 2019
Rencontre avec l'équipe 11 mars
Une création du Centre du Théâtre d'Aujourd'hui
Frappée par sa lecture des Évaporés du Japon de Léna Mauger et Stéphane Remael et de Disparaître de soi de David Le Breton, l’autrice Rébecca Déraspe signe avec Ceux qui se sont évaporés une pièce portant sur la disparition subite et volontaire d’une femme de 35 ans.
Emma a tout pour elle : une famille soudée, un conjoint aimant, une fille enjouée, des collègues bienveillants, un emploi stimulant. Reconnue pour sa discrétion, sa gentillesse et son incapacité à prendre des décisions, elle incarne une femme on ne peut plus ordinaire. Pourtant, du jour au lendemain, celle-ci choisit de partir sans laisser de traces. S'il arrive souvent que ces disparitions aient quelque chose à voir avec une peur de l’échec, notamment dans les sociétés où règne une importante culture de la honte, le départ d’Emma restera pour sa part inexpliqué. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de la pièce, puisque Déraspe n’essaie pas de rationaliser une décision qui, quoique réfléchie mûrement par le personnage, reste inconcevable pour son entourage. En effet, l’autrice invite plutôt le public à réfléchir à un fantasme répandu, celui de fuir sa vie ne serait-ce que le temps de quelques heures. Bien que la pièce tourne autour de la vie d’Emma, son histoire est mise en parallèle avec de multiples autres récits de disparition, au Québec comme ailleurs.
Éléonore Loiselle complète cette distribution de haut calibre, alors qu’elle se glisse dans la peau de Nina, la fille d’Emma devenue adolescente, qui confrontera sa mère dans une scène finale époustouflante.
Mis en scène par Sylvain Bélanger, Ceux qui se sont évaporés rassemble une distribution intergénérationnelle de huit acteurs et actrices de 19 à 83 ans aux parcours théâtraux différents. La scénographie imaginée par Cédric Delorme-Bouchard (qui assure également les éclairages du spectacle) rappelle une salle multifonctionnelle (un sous-sol d’église?) dépouillée où une table, des chaises, un percolateur et des verres en papier font office de mobilier. Les spectateurs sont disposés en L autour de la scène, dans une très grande proximité avec les interprètes.
Vincent Graton et Josée Deschênes sont particulièrement crédibles dans le rôle des parents d’Emma, qui vivent comme un rejet insoutenable le fait de savoir que le départ de leur fille est délibéré. Reda Guerinik campe un conjoint rongé par la culpabilité de ne pas avoir vu venir le mal de vivre de sa femme. Élisabeth Chouvalidzé incarne une grand-mère ayant elle-même choisi de repartir à zéro à un moment charnière de son existence. Maxime Robin et Tatiana Zinga Botao se glissent dans la peau de plusieurs personnages secondaires parfois caricaturaux, mais souvent très drôles. Quant à Geneviève Boivin-Roussy dans le rôle d’Emma, elle arrive à rendre avec une grande justesse le vide qui la ronge tout en faisant ressortir l’amour sincère qu’elle éprouve pour les membres de son entourage. Éléonore Loiselle complète cette distribution de haut calibre, alors qu’elle se glisse dans la peau de Nina, la fille d’Emma devenue adolescente, qui confrontera sa mère dans une scène finale époustouflante. Grâce à son jeu tout en retenue et en nuances, la jeune comédienne donne lieu au moment le plus fort du spectacle.
Cependant, les premières minutes de la pièce ne sont pas tout à fait convaincantes, une ritournelle de mots clés un peu clichés sur le cycle de la vie : « goûter, toucher, pleurer, parler… » Or, cette scène assez longue laisse place ensuite à une forme théâtrale dynamique et efficace qui offre peu de temps morts. Les deux heures que dure la pièce passent en un coup de vent.