Du 26 février au 15 mars 2008

Comme vous avez changé

Collectif de création des finissants de l’Option-Théâtre du collège Lionel-Groulx
Idée originale et mise en scène Ghyslain Filion
Avec Sarah Berthiaume, Simon Boulerice, Larissa Corriveau, Maxime Dansereau, Maxime Desjardins, Sophie Desmarais, Alexandre Dubois, Anissa Lahyane, Maxime Laurin, Émilie Marchand, Joëlle Paré-Beaulieu, Marie- Pascale Picard, Étienne Pilon

Au RIP, une taverne-delicatessen-resto-bar-karaoké qui aurait besoin d’être rafraîchie, Charles Lauzon, le jeune héritier d’une entreprise de design au bord de la faillite, tente de conclure une alliance avec la Chine. Entre deux danses en ligne, Rita, la propriétaire, raconte l’histoire de treize destins entremêlés qui convergent un soir dans cette taverne de fond de ruelle, alors que Jean Ferrat chante C’est beau la vie, et que la boule miroir tourne pour la dernière fois. Librement inspirée des contes d’Andersen, Comme vous avez changé dresse le portrait d’une société foisonnante et perdue, où les gens se retrouvent pour mieux se perdre sans jamais étancher l’insatiable soif d’amour qui les anime tous.

Conception et collaboration : Sarah Berthiaume, Simon Boulerice, Maxime Clermont, Maxime Dansereau, Maxime Desjardins, Sophie Desmarais, Danielle Hotte, Anissa Lahyanne, Émilie Marchand, Andréanne Simard.

Une création du Théâtre Inédit

Salle Fred-Barry
4533, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974

 

par David Lefebvre

Nous avons rendez-vous au RIP, genre de bar bistro défraîchi, fantasmatique, où les destinées de 12 personnages, un soir d’il était une fois, se rejoignent. Nous faisons la connaissance d’un couple improbable et déchiré, composé d’un homme d’affaires et d’une ancienne comédienne, tous les deux décédés. Leur fils, héritier de l’entreprise familiale de design de vêtements, sous les menaces d’une faillite imminente, tente de vendre la compagnie à un homme d’affaires chinois. Celui-ci, à la signature du contrat, impose comme condition, le mariage de sa sœur, une chanteuse pop sous l’emprise de son frangin. Gravitent aussi, dans ce bar, un chirurgien plastique dérangé, connu grâce à son émission de télé-réalité et sa copine productrice, malade de jalousie et animatrice d’une émission du style Surprise sur prise sur l’acide. Il y a aussi ce DJ naïf, amoureux de la belle Hondurienne immigrée illégalement, vendeuse de fleurs qui connaît la signification de chacune d’elles, la sœur du DJ, photographe, qui cherche le modèle parfait, l’Image, et son meilleur ami, amoureux de son patron, qui n’est nul autre que le jeune entrepreneur.  

Comme vous avez changé est un conte résolument contemporain, issu du travail du metteur en scène Ghyslain Filion, de trois jeunes comédiens-auteurs et de séances d’improvisation, librement et largement inspirées de sept histoires de Hans Christian Andersen. Nous devons saluer, d’une certaine manière, l’énergie et l’audace de cette création originale par une jeune troupe. Mais, même si le spectacle démontre un côté rafraîchissant, on sent encore un certain niveau « pédagogique » : on tente d’utiliser un maximum d’effets théâtraux, autant dans la mise en scène que dans le texte, pour tout expérimenter ; différents accents, une narration directe au public versus des personnages qui ne nous voient pas, l’éclatement de l’espace de jeu… Le tout provoque une densité souvent inutile, ardue, autant dans le nombre de personnages que dans celui des situations. Ça foisonne tellement qu’on se rend jusqu’au point d’effritement, de parasite, malgré le dynamisme des comédiens. La mise en scène touche intentionnellement à tout, autant au drame de pouvoir, aux illusions, à la folie Jeckyll/Hyde, aux médias, à la déchéance, à l’homosexualité, qu' à l’amour dans tous ses atours, à la comédie et à la tragédie, le tout dans un endroit respirant le kitsch, avec danses en ligne et karaoké. Quelques clins d’œil sont intéressants, comme l’utilisation de la lumière pour octroyer au lieu une certaine magie et un effet stroboscopique, avec le flash d’une caméra, lors d’une réflexion de la jeune photographe. Mais à trop vouloir faire, à trop vouloir dire, on noie l’histoire.

Certains comédiens se débrouillent bien, notamment Joëlle Paré-Beaulieu (en vendeuse de fleurs), Étienne Pilon (le vieil entrepreneur décédé), Maxime Desjardins et Marie-Pascale Picard (qui incarnent les Chinois) ; d’autres arrivent difficilement à nous toucher, massacrant un accent, forçant l’interprétation. Les liens aux contes d’Andersen, dépoussiérés, modernisés, se répercutent sur une grande partie des personnages et sont parfois difficiles à saisir, si nous ne sommes pas familiers avec ceux-ci. C’est plutôt dommage, même si on a voulu, au départ, qu’ils occupent une place « invisible » dans la création. Peut-être qu’il aurait été plus sage de se concentrer sur deux ou trois contes, pour bien faire ressortir leur intemporalité et leur universalité, ce qui aurait permis d’éclaircir et de purifier les nombreuses trames de l’histoire.

Même si Comme vous avez changé offre quelques bons moments, dont un happy ending à rendre verte de jalousie la grande Hollywood, le tout reste trop dru, causant longueurs, répétitions superflues et éparpillement des propos.

01-03-2008