De Moisés Kaufman et le Tectonic Theatre Project
Traduction d’Emmanuel Schwartz
Mise en scène de Bernard Lavoie
Avec Marc-Antoine Béliveau, Marc-André Brunet, Gabriel De Santis-Caron, Sarah Desjeunes, Isabelle Duchesneau, Marianne Lavallée-Gagnon, Mickael Lamoureux, Milva Ménard, Sylviane Rivest-Beauséjour, Émilie St-Germain, Chad Vincent
En octobre 1998, dans la petite ville de Laramie, Wyoming, un jeune homme de 21 ans, Matthew Sheppard, est découvert attaché à une clôture de barbelés. Après l’avoir sauvagement battu, ses tortionnaires l’ont abandonné à une mort lente. Son crime : il était homosexuel. Partant de plus de 200 entrevues menées à Laramie, l’auteur et metteur en scène new-yorkais Moisés Kaufman et les membres du Tectonic Theatre Project ont créé une partition dramatique hors du commun (aussi adaptée au cinéma en 2002) qui nous interpelle avec force. Sous la direction de Bernard Lavoie, les jeunes comédiens du Théâtre Agitato relève le défi avec brio.
Assistance à la mise en scène et éclairage Joannie Campagna
Scénographie
Camille Hébert-Boisclair
Conception sonore
Chad Vincent
Costumes
Christelle Deforceville
Date Premières : du 21 au 28 octobre 2009
Régulier 26$
Abonné 13$
Une production du Théâtre Agitato
en codiffusion avec le TDP
Crédit photo : Ian Vallée
Fred-Barry
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974
par Mélanie Thibault
Onze voix comme tribune.
Laramie est une petite ville de l’état du Wyoming couvrant une partie des terres américaines. Vaste paysage, vieille mentalité : un jeune homosexuel meurt des suites de blessures, ayant passé plus de 48 heures attaché à une clôture. Les coupables : deux citoyens de la ville ayant tabassé le jeune homme, en désaccord avec son orientation sexuelle. Ce fait réel s’est produit en… 1998.
Le fait documentaire auquel se confronte la jeune compagnie Théâtre Agitato comporte déjà un film réalisé par son auteur, une version théâtrale jouée en 2006 à Paris et une couverture journalistique étoffée. Qu’apporter de plus audacieux, de plus frais, alors que tant de professionnels aguerris se sont penchés sur la question ?
La théâtralisation proposée par Théâtre Agitato présente onze comédiens, onze chaises de bois, des accessoires costumes pour incarner les différents intervenants et de longs bouts de tissus blancs pour évoquer les ailes de l’ange dans un passage de la pièce. Cette épuration formelle fait en sorte que le jeu est valorisé pour rendre honneur au sujet. L’esprit de rassemblement est fort et donne à voir un groupe articulé et dévoué.
Néanmoins demeure la trace d’un académisme respirant l’école de théâtre dont le groupe devrait se débarrasser au plus vite : la mise en scène de Bernard Lavoie consiste à découper l’espace par les chaises tantôt rassemblées, tantôt disposées en lignes, rideau ouvert ou fermé. Le tout donne l’impression que le spectateur assiste à un cours de jeu. Les voix accentuant certains passages dramatiques alourdissent le propos plutôt que d’apporter un point de vue différent sur les faits racontés.
Le Théâtre Agitato prêche devant un public déjà ouvert sur l’homosexualité. Pour preuve, Montréal possède un quartier gai qui regorge d’activités où se côtoient hétérosexuels et homosexuels avec pacifisme. Là où l’écho se fera entendre réellement, ce sera devant un public moins conquis ou durant les représentations scolaires – un milieu touché de plein fouet pour l’homophobie.
Le point de vue est somme toute touchant, car la réalité du thème est traitée sur plusieurs plans : intime, social, politique, médical… Les créateurs ajoutent une touche d’humanité supplémentaire dans le discours. Les comédiens à fleur de peau ne manquent pas de passion pour théâtraliser le sujet : leur engagement est entier dans chaque mot prononcé.
Par ailleurs, la salle Fred Barry rénovée présente un espace intime avec une acoustique améliorée. Un bel endroit pour les formes théâtrales épurées comme celle que propose le théâtre Agitato et son Projet Laramie. La compagnie interagit avec le spectateur et le pose comme témoin du drame, au même titre qu’il le ferait comme citoyen en ouvrant les journaux. Cette reconsidération de l’espace théâtral est la trouvaille qu’il fallait pour maintenir l’attention du public deux heures durant (avec entracte), le sensibiliser tout en lui laissant l’espace nécessaire à une réflexion qui porte.