Michel Cousin, statisticien dans une grande ville, cherche désespérément à combler le vide de son existence. À défaut de trouver l'amour chez ses contemporains, il s'éprend de Gros-Câlin, un python capable de l'enlacer d'une puissante étreinte. Mais la co-habitation avec un reptile de 2 mètres dans un deux et demi ne se fait pas sans problèmes…
Un spectacle ludique qui explore avec compassion la peur de la solitude et le désir universel d’être aimé.
Ass. m.e.s. : Lise Lenne
Direction de production : Suzanne Richard
Direction technique/Régie : Martin Clément
Scénographie-Costumes : Lanyi Fruszina
Éclairage : Suzanne Richard
Environnement sonore : Jean-Sébastien Roux
Conception vidéo : Frédéric Saint-Hilaire
Cartes Prem1ères
Date Premières : 21 au 27 mars 2012
Régulier : 32,50$
Carte premières : 16,25$
Une production du CIRAAM
en codiffusion avec le TDP
Salle Fred-Barry
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974
Dates antérieures (entre autres)
Du 24 mars au 5 avril 2009, MainLine
par Daphné Bathalon
La survie affective en milieu urbain
« La tendresse a des secondes qui battent plus longtemps que les autres. »
Gros-câlin, d’après l’œuvre de Romain Gary, est d’abord et avant tout l’histoire d’une solitude immense, noyée dans la jungle des villes. M. Voisin, un statisticien de 37 ans, vit seul. Ou presque. Son grand besoin d’affection et de tendresse l’a poussé à adopter un python pour animal de compagnie, à prendre chez lui cet animal froid, effrayant pour la majorité des gens, et à se laisser enlacer par lui, dans ses deux mètres d’anneaux, jusqu’à l’étouffement. Ce python affectueux a pour nom Gros-Câlin…
Transformé en conférence sur la vie des pythons dans les centres urbains, le roman de Romain Gary se transpose très bien sur la scène de la salle Fred-Barry. Dans un décor imaginatif où les deux lieux de vie de M. Voisin se fondent en un seul, moitié bureau, moitié appartement, l’excentrique conférencier use de quelques diapositives colorées qui vont se superposer à des graphiques gris et mornes, comme il l’est lui-même. L’effet qui s’en dégage est néanmoins un peu lourd, y avait-il vraiment besoin de représenter les deux lieux? Un jeu d’éclairage figure, plus simplement, l’ascenseur qu’emprunte M. Voisin, un procédé plus efficace et moins encombrant.
De son propre aveu, M. Voisin suit une « démarche par contorsion », empruntant, au fil de son récit, de nombreux détours, toujours en revenant à son point de départ pour reprendre l’histoire là où il l’a laissée. Cette manière de faire souligne bien les ressemblances entre l’homme et son animal de compagnie. Par moments, il est cependant difficile de ne pas s’égarer dans les différents « nœuds » de l’histoire. C’est une faiblesse de l’adaptation. On n’a pas, en tant que spectateur, le loisir de revenir en arrière comme le ferait un lecteur ou de prendre le temps de bien déguster les succulentes comparaisons et réflexions de M. Voisin, lequel semble souffrir du syndrome d’Asperger.
Pratiquement incapable d’entrer en communication avec les autres, il analyse erronément chacun de leurs gestes ou paroles. Ses erreurs d’analyse suscitent d’ailleurs de nombreux rires. Il faut dire que M. Voisin va jusqu’à s’imaginer une relation amoureuse et un mariage avec Mlle Dreyfus, une collègue de travail, en voyageant simplement avec elle tous les matins dans le même ascenseur. Voyager est bien le mot : il attribue un nom de pays à chaque étage! Pascal Contamine a su insuffler la juste dose d’humour à ce personnage étrange. On rit, bien sûr, de ses tics tant physiques que verbaux, de sa manière étrange de s’exprimer et de penser, ou de sa mauvaise compréhension des autres, mais on ressent aussi un attachement pour lui. On pose sur lui un regard attendri, sans pitié, mais avec humanité.
Malgré quelques cafouillages, certains mieux récupérés que d’autres, Contamine incarne à merveille ce monstre de solitude et son immense besoin d’affection. Tout au long du spectacle s’opère une lente mais irrévocable mue, très bien mise en scène. La transformation finale de M. Voisin est aussi fascinante que son cheminement psychologique.
Une conférence comme on en voit rarement ; loin des chiffres orphelins et des sentiments artificiels, Gros-Câlin nous ramène à l’essentiel besoin d’aimer et d’être aimé en retour. Quand il y a un manque, on devient un tout petit peu moins humain, un tout petit peu plus reptile…