Poète, amoureux des mots, Christian Vézina réinvente l'art de dire. Depuis près de vingt ans, il monte sur scène pour nous faire découvrir les trésors de la littérature et démythifier la poésie. Sa passion, son enthousiasme, sa persévérance et sa démarche artistique originale font de lui un acteur incontournable de la vie culturelle du Québec.
Dix courtes pièces, aussi appelées poèmes, qui racontent des histoires, se payent la gueule des grands et prennent le parti des humbles. C'est tout Prévert, c'est le Grand Prévert …
Concepteurs et collaborateurs : Simon Bélanger, Christian Fontaine, Maude Guérin, Jean Soucy, Diane Bastin
Une production du Théâtre Barbare
en codiffusion avec le TDP
Salle Fred-Barry
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974
par Olivier Dumas
Lorsque Christian Vézina a lancé vers le milieu de la représentation théâtrale de Tout Prévert les mots «Rappelle-toi »… le public, suspendu à ses lèvres, attendait la suite, connu par presque tout le monde. « Rappelle-toi Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là. » Barbara, le plus célèbre poème du grand Jacques Prévert n’a pas été entendu ce soir-là. Ni la chanson Les feuilles mortes, son classique parmi les classiques du répertoire français. Mais ne boudons surtout pas notre plaisir, car il s’agit de l’un des spectacles où la beauté des mots résonne à la fois avec grandeur, émotion et sobriété.
Après des incursions remarquées dans les univers de Jacques Ferron, Michel Garneau, Gérard Godin et Gaston Miron, le Théâtre Barbare se délecte une fois de plus de Jacques Prévert. La petite compagnie n’en est pas à sa première incursion dans les allitérations, calembours et néologismes rendus célèbres surtout par Paroles, le livre le plus connu de son créateur. Pendant une heure, dix de ses poèmes revivent avec la prestance et la voix déclamatoire de Christian Vézina.
Treize chaises, quelques fruits (pommes et oranges), deux robes (une pour adulte, l’autre pour fillette) et un chapeau rond de prestidigitateur suffisent à recréer l’atmosphère mélancolique de la France durant l’époque entourant la Seconde Guerre mondiale. Le scénariste des films de Marcel Carmé (Quai des brumes, Les enfants du paradis) y dévoile son amour profond pour les gens du peuple dans leur profonde humanité même par la description des gestes les plus anodins. Sans jamais prêcher dans les lieux communs, le vocabulaire s’amuse également dans l’univers du surréalisme où surgissent des allusions aux réputés peintres Pablo Pacasso ou René Magritte.
Seul en scène et sans aucune rupture entre les différents poèmes, Christian Vézina ne nous laisse aucune seconde de répit, parfait dans son rôle de maître de cérémonie. Jamais le spectacle ne tombe dans la récitation statique. Toujours en mouvement, l’acteur monte et se déplace sur les chaises, prend les traits d’un magicien aux traits cabotins, chante de sa douce voix grave quelques-uns des vers les plus romantiques. Les différentes parties de la représentation (prologue, première partie, un faux entracte, deuxième partie, épilogue) y sont soulignées avec de grandes affiches en carton.
Il est important de souligner la présence, à plusieurs moments, de musique classique, un choix judicieux puisque l’auteur de Barbara affectionnait particulièrement les grands compositeurs. Alors qu’un spectacle précédent de la compagnie du Théâtre Barbare (l’intense Il ne demandait qu’à brûler, d’après l’œuvre de Gérald Godin) avait recours à la vidéo et aux effets plus acrobatiques, Tout Prévert se démarque par sa sobriété et sa simplicité. Une démarche artistique dans l’esprit d’un homme pacifiste qui rejetait la violence et les idéologies pour embrasser toute la tendresse du monde.
Il ne reste que quelques représentations de Tout Prévert pour tomber ou retomber amoureux de la poésie vibrante, simple et imagée du célèbre poète. Par leur pouvoir évocateur, les mots seuls et la grâce d’un interprète passionné parviennent à recréer toute la magie et l’essence même de l’art théâtral.