À quelle heure on meurt? C’est l’histoire de Mille Milles, 16 ans, et de Chateaugué, 14 ans. Enfermés dans un appartement minuscule de Montréal, les adolescents font un pacte de suicide. Ils font le pacte de s’enlever la vie comme acte ultime de refus à ce qui fait tourner le monde, à ce qui caractérise les adultes qui, avec le temps, abdiquent et ternissent. En attendant le jour fatidique, ils se réinventent un monde, un langage, un quotidien. Cependant, la vie les rattrape. Leur amour puéril sera anéanti par la découverte du monde adulte qui corrompt les âmes pures.
THÉÂTRE À DEUX
Le Théâtre À Deux est un regroupement d’artistes qui souhaite engager un dialogue privilégié avec les hommes et les femmes qu’il côtoie. Plus précisément, il souhaite une interaction entre spectacle et spectateur dans un cadre intègre, libre et mené par le plaisir. Il cherche un dialogue loin de la langue de bois où l’individu ne se cache plus derrière le spectateur et où le citoyen peut réagir et répondre en toute liberté. Les productions du Théâtre À Deux placent le spectacle et le spectateur sur un même pied d’égalité. Chacun y trouve sont compte dans un échange vivant.
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Costumes Patricia Dufour
Décors Jeanne Ménard-Leblanc
Assistance mise en scène Alexandra B. Lefebvre
Direction de production, éclairage et régisseur Mathieu C. Bernard
Graphisme Joël Desmarais
Photo Denys Bélanger
Durée : 1h15 (sans entracte)
La création d’origine de ce spectacle a été faite à L’École de théâtre du Cégep de Saint-Hyacinthe
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 13 au 19 mars
Régulier : 29,.95$
Carte premières : 16,45$
Une production du Théâtre À Deux (page Facebook) en codiffusion avec le Théâtre Denise-Pelletier
Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974
par Daphné Bathalon
« J’ai seize ans et je suis un enfant de huit ans. C’est difficile à comprendre. Personne ne le comprend excepté moi. »
Dans un appartement vide de toute décoration et de tout meuble, deux âmes sœurs vivent intensément le moment présent : elles savent qu’elles n’auront pas d’avenir. Mille Milles et Chateaugué ont fait le pacte de quitter ce monde avant de « finir finis »... Ils se sont donc retirés dans ce lieu coupé du monde. Leur insouciance est contagieuse et entraînante, mais cet état de grâce est fragile. La réalité les rattrape en même temps que surgissent ce qu’ils voulaient fuir : pensées parasites et désirs d’adultes.
Frédéric Dubois reprend ces jours-ci pour le Théâtre Denise-Pelletier la mise en scène qu’il avait faite en adaptant À quelle heure on meurt? en 2011 pour les étudiants en théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe. Ce collage de textes de Réjean Ducharme, signé par Martin Faucher en 1988, est une excellente entrée en matière pour qui ne connaît pas encore l’univers ducharmien. À quelle heure on meurt? trouve ses mots dans plusieurs œuvres connues de l’auteur québécois, de L’océanthume à L’avalée des avalés, en passant par Le nez qui voque (dont il reprend les deux personnages principaux) et Le Cid maghané. Émile Nelligan, Avec pas d’casque, Louis-Jean Cormier et d’autres artistes s’invitent également à cette fête de mots.
Ils sont dix en scène, dix jeunes comédiens pour la plupart inconnus du public, car tout juste diplômés en théâtre. Ils incarnent deux êtres encore purs, deux adolescents à l’aube de l’âge adulte : les cinq garçons sont Mille Milles et les cinq filles Chateaugué. Dubois a eu l’ingénieuse idée de superposer les actions de ces personnages démultipliés, comme si les scènes jouées s’imprimaient les unes sur les autres dans un même espace-temps. À chaque entrée en scène, les personnages transportent avec eux de nouveaux objets, les ajoutant au chaos qui s’installe peu à peu dans le repaire auparavant vide, blanc, pur, de Mille Milles et Chateaugué. L’appartement des deux adolescents paraît vibrer de toute l’énergie émanant du groupe.
Dans l’espace décloisonné, les « pairs » de Mille Milles et Chateaugué se font et se défont. Leurs déplacements, si bien orchestrés, ressemblent à un ballet. Les comédiens se partagent les mots de Ducharme, souvent en duo, parfois en chœur. Ils ont tantôt des mots durs l’un envers l’autre, tantôt se consolent comme deux enfants; si bien que, dans le public, notre cœur balance en même temps que leurs humeurs d’enfants en train de grandir malgré eux. Ils passent de l’amitié fraternelle au désir amoureux, de la colère à la tristesse, de l’envie au rejet, aussi facilement qu’on tourne les pages d’un bon livre, sans presque s’en rendre compte.
La multiplication des Mille Milles et des Chateaugué entraîne inévitablement la comparaison entre les différentes interprétations, pas toutes égales en force et en constance, mais dans l’ensemble, le ton demeure assez juste. Se mettre en bouche les mots de Ducharme n’a rien de facile. Emprunter son langage réinventé relève du funambulisme. Si l’équilibre n’est pas encore parfait dans la production présentée à la salle Fred-Barry jusqu’au 30 mars, À quelle heure on meurt? revisite néanmoins avec un indéniable plaisir ce très beau collage de Faucher.
La prose excentrique de Réjean Ducharme n’a pas fini de se faire entendre sur les scènes du Québec. Quant à ses personnages, ils n’ont pas pris une ride. Inclassables, ils nous charment non seulement par leur langage ingénu et poétique, mais aussi par leur caractère éphémère. Ce sont de magnifiques papillons de nuit qui s’apprêtent à se brûler cruellement les ailes...