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Du 12 mars au 9 avril 2014
Dates public (en soirée) : 15, 18, 20, 28 mars, 5 avril 2014
Marie TudorCommedia
Texte Pierre-Yves Lemieux, inspiré de la vie et de l'oeuvre de Goldoni
Mise en scène Luce Pelletier
Avec Luc Bourgeois, Martin Héroux, Steve Gagnon, Catherine Paquin Béchard, Marie-Eve Pelletier, Carl Poliquin  

Qui était vraiment Goldoni? Farceur, noceur, portant un « tendre amour pour le peuple »? Ou un écrivain torturé, à qui l'écriture a tout donné, puis tout enlevé?

Commedia, malgré son titre, est une plongée dans les eaux troubles de l’écriture. La pièce propose de faire tomber le masque de Goldoni - comme lui-même a voulu l'éliminer du paysage théâtral.

Contre vents et marées, au-delà des trahisons, des difficultés et des humiliations, Goldoni survit grâce à son imagination, protégé par ses personnages innombrables et son univers inépuisable.

Commedia est une leçon de rigueur et de courage, mais surtout un hommage à la puissance du théâtre, aux forces de l’émerveillement.


Assistance à la mise en scène : Claire L’Heureux
Décor : Olivier Landreville
Éclairages : Jocelyn Proulx
Costumes : Julie Breton
Direction de production : Maryline Gagnon

Samedi 15 mars à 15h: Rendez-vous de Pierre
Samedi 5 avril après le spectacle: Rencontre avec les artistes

Durée : 2h

Une production du Théâtre de l'Opsis en partenariat avec le Théâtre Denise-Pelletier


Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Marie-Claude Hamel

Est-ce possible de sortir déçu de Commedia, le morceau de clôture du cycle italien du Théâtre de l’Opsis et de la saison du Théâtre Denise-Pelletier? Oui, surtout que les qualités indéniables du spectacle sur Carlo Goldoni ne l’empêchent pas de s’élever à la hauteur de ses ambitions artistiques.

Dans la préface de ses mémoires, le célèbre dramaturge italien du 18e siècle prétend que sa vie n’est pas intéressante, donc qu’elle constitue une matière peu susceptible pour témoigner des efforts d’un créateur réformateur de la commedia dell’arte (dont il a dépouillé des masques, en plus des canevas ringards et limités) et auteur de plus d’une centaine de comédies, de livrets d’opéra (dont le féérique Monde de la lune composé par Joseph Haydn) et d’une quinzaine de tragi-comédies. La reconstruction d’une fiction où s’enchevêtrent des faits historiques et des instants inventés aurait pu permettre d’éclairer le parcours et les aléas d’une figure marquante de l’histoire du théâtre, et ce, encore à notre époque. Plusieurs de ses œuvres ont connu de brillantes relectures ces dernières années à Montréal par des artistes québécois ou étranger. Songeons à l’inoubliable Arlequin, serviteur des deux maîtres du Piccolo Teatro de Milan par le maître goldonien Giorgio Strehler, à L’Imprésario de Smyrne orchestré habilement par Carl Béchard, à l’amusante La fausse malade du Théâtre Advienne que pourra, sans oublier le jubilatoire Il Campiello qui a amorcé avec fougue le cycle italien de l’Opsis.

Plusieurs parcours de musiciens dont Mozart (Amadeus), David Helfgott (Le prodige), ou Tchaïkovski (The Music Lovers de Ken Russel) ont inspiré des biographies scéniques ou cinématographiques. Les dramaturges comme Molière, Shakespeare, Marlowe et Garcia Lorca, ainsi que les peintres Frida Khalo, Renoir ou Pollock ont également servi de matériau à des productions relevées. Par souci de transmission et désir d’ajouter une pierre dans la mémoire collective, le parcours d’un auteur aussi emblématique que Carlo Goldoni méritait bien d’être le sujet d’une pièce. La démarche de l’Opsis témoigne ici de sa grande pertinence depuis le début du cycle italien qui a su conjuguer le passé et le présent, l’intime et le collectif, le politique, la tradition, la découverte, le drame et l’humour.

Malheureusement, l’écriture de Pierre-Yves Lemieux n’évite pas les écueils, les facilités et les clichés susceptibles de se retrouver dans ce genre d’exercice. Entrecoupée d’un entracte, la production de deux heures trente minutes paraît très longue, surtout la première heure. Ses intrigues et conflits ressemblent par moment à un feuilleton télévisé d'époque avec son ton à l'eau de rose. Le dédoublement de la figure de Goldoni demeure une idée intéressante, mais encore faut-il qu’elle soit mieux exploitée et mieux approfondie. L’effet miroir crée, sans le vouloir, une distanciation d’avec les enjeux et dilemmes vécus par le protagoniste et souligne à grands traits les péripéties. Ce procédé dramatique de démonstration entraîne une certaine redondance et donne l'impression d'entendre un commentaire sur les aventures de Goldoni plutôt que d'apporter un éclairage sur ses sentiments sous-jacents.  


Crédit photo : Marie-Claude Hamel

La succession de saynètes, surtout lors de la première moitié de Commedia, défile sans réellement susciter d’engouement, malgré les thèmes abordés (la marchandisation de l’art déjà présente à cette époque, les rivalités avec Pietro Chiari et Carlo Gozzi, les jalousies, la passion pour les actrices, ici plutôt cocottes et superficielles). Après le retour de l’entracte, la production devient plus agréable et plus émouvante, malgré un dénouement peu percutant.

Luce Pelletier réussit encore une fois avec ses acteurs et actrices, fidèles depuis le début du cycle, à harmoniser une direction rigoureuse, sensible par rapport au texte, aussi mince soit-il. Elle permet à tous et toutes de briller de leur plein potentiel grâce, entre autres, à une élocution irréprochable et une souplesse corporelle qui fait toujours plaisir à voir. La scénographie ingénieuse et la conception sonore apportent également une grande richesse à cette création.

Dans la présentation de Commedia, il est question de la puissance du théâtre et des forces de l’émerveillement. C’est justement la présence de ces flammes, ces emballements et ces instants de folie qui manque à cette pièce trop conventionnelle pour embrasser les innombrables potentialités de son sujet. 

18-03-2014