En 1922, à la résidence d’étudiants de Madrid, trois jeunes hommes se rencontrent : ils s’appellent Salvador Dali, Federico Garcia Lorca et Luis Buñuel. Leur passage à cet endroit marquera une étape décisive dans leur évolution, ils s’y influenceront mutuellement et deviendront plus tard trois figures incontournables du surréalisme. Luis Buñuel (François Bernier) sera un cinéaste réputé, Salvador Dali (Simon Lacroix), un artiste génial et excentrique, et Federico Garcia Lorca (Renaud Lacelle-Bourdon), un poète et dramaturge dont l’œuvre est saluée à travers le monde. À cette époque, à peine sortis de l’adolescence, les trois créateurs font la rencontre de Lolita (Isabelle Blais), une chanteuse de cabaret révolutionnaire qui les guidera sur les chemins de l’imprudence de l'insoumission.
Basée sur des faits réels, la pièce enchaîne des tableaux réjouissants qui éclairent l’amitié naissante de ces artistes. Ces jeunes étudiants entrent ainsi en contact avec les mouvements de l’avant-garde espagnole grâce à Lolita, personnage fictif, qui incarne une artiste, une muse, une anarchiste, une figure traversée d’une conscience politique qu’ils n’ont pas encore.
Concepteurs Stéphanie Capistran-Lalonde, Julie Charland, Geneviève Lizotte, Alexandre Pilon-Guay et Francis Rossignol
Samedi 13 février après le spectacle: Rencontre avec les artistes
Durée : 2h10 avec entracte
Une production Théâtre Denise-Pelletier avec la complicité du Théâtre Sortie de secours en codiffusion avec MONTRÉAL EN LUMIÈRE
Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974
À la recherche du duende
Début des années vingt, Madrid. À la veille de la guerre civile, la ville est en pleine effervescence et bouillonnement culturel. Dans une résidence pour étudiants se rencontrent Federico, Salvador et Luis, qui seront plus tard les grands Garcia Lorca, Dali et Buñuel. On les suit pendant environ trois ans, alors qu’ils font connaissance puis deviennent amis. Ils ont vingt ans, comme le texte de Philippe Soldevila et Simone Chartrand, et ils vivent une amitié passionnée, parfois amoureuse, intense et jalouse.
Si on connaît les oeuvres des artistes espagnols, on découvre ici leur facette intime, leurs peurs et doutes, leurs ambitions débordantes, leurs défauts… Pour écrire les répliques de ces monstres sacrés, les auteurs se sont appuyés sur des faits réels et se sont pour le reste inspirés de lettres, conférences et témoignages sur les trois amis. Soldevila et Chartrand ont aussi pris la liberté d’inventer un personnage, Lolita, une chanteuse de cabaret aux discours révolutionnaires qui pose des bombes.
Interprétée par Isabelle Blais, Lolita amène une touche (très) féminine au trio masculin et pousse les amis à évoluer dans leur art, à se débarrasser des conventions en tendant vers le mouvement ultraïste. La pièce est agrémentée de quelques passages chantés et dansés très twenties, qui nous plongent avec délices dans l’ambiance de l’époque. Le décor n’est pas en reste : excepté quelques libertés (un éléphant qui se dresse derrière le bar, clin d’oeil à Dali), le plateau nous emmène directement dans les années folles et l’entre-deux-guerres.
Les costumes sont fidèles à l’époque, des coiffures aux cravates de velours. Les trois comédiens se glissent à merveille dans la peau des artistes : Renaud Lacelle-Bourdon campe un Garcia Lorca charmeur et féminin, Simon Lacroix est hilarant en Dali excentrique et François Bernier interprète un Buñuel gouailleur aux allures de Lino Ventura. Dans cette excellente mise en scène signée Catherine Vidal, le jeu est très théâtral, le trait forcé dans la gestuelle et le verbe – avec, parfois, un fond de batterie accompagnant une réplique drôle.
On rit d’ailleurs beaucoup au long de cette pièce où l’humour est toujours sous-jacent. Le miel est plus doux que le sang - qui emprunte son titre à une toile de Dali -, nous fait suivre ces trois personnalités qui s’affinent et se définissent personnellement et artistiquement, tout en vivant le duende de l’artiste. La pièce dure 1h40 sans entracte, mais on ne voit pas passer le temps, dans la salle Denise-Pelletier toute de dorures, lourd rideau de velours, colonnes et hauts plafonds, qui offre un magnifique écrin à ce bijou de théâtre.