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Du 4 au 22 avril 2017, mardi au jeudi 19h30, vendredi 20h30, samedi 16h30
Antigone au printemps
Texte Nathalie Boisvert
Mise en scène Frédéric Sasseville-Painchaud
Avec Xavier Huard, Léane Labrèche-Dor et Frédéric Millaire-Zouvi

Dans un Montréal fictif, les oiseaux meurent ; ils s’amoncellent partout, chauffés par le soleil d’un printemps hâtif. Antigone et ses deux frères, Étéocle et Polynice, se joignent à la révolution populaire qui gronde dans la cité. Chacun choisira son camp : Polynice et Antigone prendront celui des manifestants et du peuple, Étéocle, celui de Créon, qui réprime toute forme de protestation au nom de la prétendue paix sociale. Se reconnaissant lors d’une émeute, les deux frères s’entretuent et le corps de Polynice devient une pièce à conviction servant à incriminer les manifestants. Comment Antigone, malgré tous les obstacles, échappe-t-elle au courroux du pouvoir ? Comment rester entière, debout, intacte ? Voici la cruelle et nécessaire histoire de toutes les révolutions du monde.

Nathalie Boisvert, Frédéric Sasseville-Painchaud et Olivier Sylvestre sont les fondateurs de la compagnie Le Dôme, créations théâtrales. Antigone au printemps est leur première production et le début d’un cycle qui placera l’humain au centre du monde et le monde, ancré dans sa chair.


Conception Mykalle Bielinski, Chantal Labonté, Alexandra Lord Collaboration Alex Gauvin, Olivier Sylvestre, Émily Vallée-Knight
Crédit photo TDP

Mercredis causerie après la représentation - 5-12-19 avril

Durée : 1h10

Une production Le Dôme, créations théâtrales


Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974

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Critique

Pour une histoire vieille de plus de deux millénaires, le mythe d'Antigone vieillit plutôt bien. La figure de cette héroïne entière et indomptable, inflexible face à l’injustice, a traversé les époques et donné naissance à d’autres figures féminines droites, fortes et fières. L’Antigone de Sophocle a connu de nombreuses adaptations sous la plume de grands auteurs comme Anouilh et Brecht. Cette fois, Antigone s’aventure en terres québécoises, à une époque de paix sociale troublée, au printemps 2012.




Crédit photos : Francis Sercia

Antigone au printemps, de la toute jeune compagnie Le dôme, propose en effet une relecture bien personnelle et originale du mythe. La production situe une grande partie de son action en amont de la tragédie d'Antigone et s’intéresse davantage aux deux frères, les fortes têtes Étéocle et Polynice. Les deux garçons, aux visions du monde opposées, et leur jeune sœur Antigone forment une fratrie maudite dès la naissance par l’union accidentelle de leur mère Jocaste et de celui qu’elle ignorait son fils, Œdipe. Si dans cette adaptation, Œdipe ne se crève pas les yeux et Jocaste ne se pend pas avec son châle, les deux parents disparaissent tout de même, laissant seuls leurs enfants.

Dans un environnement aride, sur un lit de gravier qui fait crisser les bottes, Antigone et ses frères remontent pour nous le fil des événements qui ont mené au printemps fatidique, au sort fatal qui les attend tous. Dans cette relecture du mythe, qui intègre à la fois les événements des Sept contre Thèbes et d’Antigone, la figure de l’héroïne insoumise s'efface au profit de ses frères. Antigone se range aux côtés de l’un, le révolté, sans tourner le dos à l’autre, le logique, le prudent. Si elle confronte le pouvoir en place, c'est avant tout poussée par les souvenirs de leurs derniers jours heureux, à la fin d'un été à Rivière-Éternité, qu'elle sauve le corps de Polynice et se sacrifie finalement pour eux deux. La figure de la jeune femme éprise de justice, prête à tous les sacrifices, en écope un peu, cette Antigone au printemps arborant davantage le visage de la petite sœur en quête de nouveaux repères, de la jeunesse en quête d’un idéal.

La transposition moderne proposée par Frédéric Sasseville-Painchaud (à la mise en scène) et par Nathalie Boisvert (à l’écriture) ne manque pas d’intérêt. Recentrer l’histoire sur les relations entre Antigone et ses frères, par exemple, offre un nouveau point de vue sur l’histoire. Resituer la tragédie dans un moment important de l’histoire sociale du Québec ouvre aussi toutes sortes de possibilités, bien que la lecture ne s’attarde pas forcément sur l’aspect politique du récit. L’auteure s’inspire du vent de révolte qui soufflait en 2012 pour imaginer un état totalitaire sous la botte du tyran Créon et de sa milice armée, un Montréal fictif où toute velléité de rébellion est sévèrement réprimée et où on fabrique les héros au même titre que les traîtres.

De fait, le contexte est riche, le texte poétique, l’interprétation inspirée, mais le rendu est un peu moins convaincant, en dépit du talent des trois comédiens (Xavier Huard, Léane Labrèche-Dor et Frédéric Millaire-Zouvi). C’est que les personnages, en se faisant les narrateurs de leur propre histoire, maintiennent, par le ton et le style, une certaine distance avec le public. On assiste à leur triste sort comme en écho et rien ne vient jamais vraiment abolir cette frontière. L’alternance entre dialogue et narration pure se fait peu naturellement.

Antigone au printemps donne néanmoins l’occasion d’apprécier le talent de trois jeunes interprètes et offre un nouvel angle de lecture au mythe. Il est donc dommage que les liens plus critiques entre le portrait d’une famille volant en éclats après la révélation d’un terrible secret et la décomposition sociale d’un régime politique totalitaire soient finalement trop peu développés.

10-04-2017