Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 21 février au 11 mars 2017, mardi au jeudi 19h30, vendredi 20h30, samedi 16h30
L'Enfance de l'art - doigts d'auteur de Marc Favreau
(ENTREVUE) De l’art «estradinaire» : entrevue avec Nicolas Gendron pour «L’enfance de l’art»

Textes Marie-Lise Chouinard, Annie Cloutier, David Leblanc, Anne-Marie Olivier, Nicolas Gendron
Adaptation et mise en scène Nicolas Gendron
Avec Maxime Beauregard-Martin, Isabeau Blanche, Gabriel Dagenais, Nicolas Gendron et Olivia Palacci

Dans une fête à la fois tendre et polissonne, organisée par une jeune génération qui n’a pas grandi avec Sol et Gobelet, l’équipe d’ExLibris célèbre la parole et l’écriture de Marc Favreau. En fouillant les textes riches de sens et de drôlerie du créateur de Sol, Nicolas Gendron et ses joyeux compères s’acoquinent à des auteurs invités pour poursuivre l’art du maniement de la langue vers de nouveaux territoires. L’Enfance de l’art, c’est autant le plaisir et l’intelligence du verbe que l’étonnante cocasserie des situations. Les candides et les exclus célèbrent la pertinence de leurs propos dans ce coup de chapeau esstradinaire à l’auguste clochard.

ExLibris créait avec succès, il y a deux ans, Et au pire, on se mariera d’après le roman de Sophie Bienvenu. Pour son deuxième opus, la compagnie s’inspire d’une icône de la culture québécoise en se penchant sur l’œuvre de Marc Favreau, comédien, auteur et... bibliothèque.


Conception Leticia Hamaoui, Joëlle Harbec, Maxime Auguste et Marilyne Roy
Crédit photo TDP

Mercredis causerie après la représentation - 22 février, 1er eu 8 mars

Durée : 1h30

Une production Exlibris


Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974

Facebook Twitter

 
______________________________________
            
Critique



Crédit photos : Jean-Philippe Baril-Guérard

Jusqu’au 11 mars, la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier présente L’enfance de l’art – Doigts d’auteur, un spectacle festif qui célèbre la parole et l’écriture de ce grand auteur à travers une vingtaine de textes. Douze ans après la mort de Marc Favreau, ses mots résonnent toujours avec autant de pertinence et d’éclat.

Le spectacle commence avec une imitation de Sol par le metteur en scène Nicolas Gendron à travers un texte intitulé « Sol au monde ». S’il arrive sur scène accoutré de l’imperméable caractéristique du plus attachant des clochards québécois, le personnage est rapidement abandonné pour donner toute la place au texte. Gendron enlève son costume pour le hisser symboliquement, tel un drapeau, au sommet d’un poteau au centre de la scène.

Plutôt que d’essayer de faire revivre le clown sur scène, les cinq comédiens s’approprient la langue de Marc Favreau pour en faire ressortir toute la richesse. Dans « L’appel de la carrière », Maxime Beauregard-Martin explique de manière jouissive comment il travaille d’arrache-pied pour enrichir les tas/l’État. Il se démarque également dans son interprétation grotesque d’un ophtalmologiste dans « Médicalmant parlant » ou, sur un ton plus nostalgique, lorsqu’il chante « Le géant ». Isabeau Blanche est aussi très convaincante dans le rôle d’une procureure chargée d’ « interloquer » une femme accusée « domicile involontaire » et d’avoir « enterré le mégot » après avoir été témoin d’un vol.

Nicolas Gendron a aussi demandé à quatre auteurs d’écrire, dans l’esprit de Marc Favreau, des courts textes traitant de l’actualité, cherchant à cerner ce que ce clown aurait pensé de la langue, de l’éducation ou du pouvoir. Toutefois, avec son texte « Je te love en silence », Annie Cloutier est la seule à être arrivée à rester fidèle à la poésie de Favreau, tout en y intégrant sa touche personnelle. Les textes d’Anne-Marie Olivier, de David Leblanc et de Marie-Lise Chouinard, quoiqu’originaux, sont parmi les tableaux les plus faibles de la soirée, sans doute parce qu’ancrés trop ouvertement dans la proche actualité.

Deux surprises de taille permettent à la « magie » du spectacle d’opérer sur les spectateurs. D’abord, le texte « L’électroluxe », interprété par Marcel Sabourin dans une vidéo préenregistrée, rappelle sa participation aux émissions de La boîte à surprises entre 1956 et 1972. Il y interprétait alors le professeur Mandibule de La Ribouldingue alors que Marc Favreau jouait dans Sol et Gobelet au sein de la même émission. Ensuite, la lecture du « Crépuscule des vieux » est confiée à Clémence Desrochers, une des plus grandes monologuistes québécoises appartenant à la même génération que Favreau et Sabourin, ce qui donne à ce texte des résonnances particulièrement fortes. Tout en simplicité, ces deux clins d’œil au parcours de Marc Favreau constituent une belle idée de mise en scène de Nicolas Gendron.

Terminons en soulignant la beauté du décor de Joëlle Harbec, qui a créé une scénographie inventive inspirée de l’univers poétique de Marc Favreau. Côté jardin, des objets s’amoncèlent les uns sur les autres, permettant aux acteurs de s’y assoir par moment, ou encore d’y trouver des accessoires pour bonifier leur jeu : boîtes de conserve, lampe, brouette, escabeau, etc. Puis, une immense corde à linge sur deux étages traverse la scène et permet d’accrocher des draps, servant tour à tour de rideau de scène, de surface de projection ou de théâtre d’ombres. À partir de ces quelques objets très simples, l’équipe de L’enfance de l’art transporte le spectateur dans des univers très différents les uns des autres, puisant aussi bien dans le registre comique que dans le tragique. Car avant d’être l’archétype du clown triste québécois, Sol était avant tout un grand éveilleur de conscience.

24-02-2017