Quitter son monde pour connaître ailleurs une vie meilleure, voilà ce à quoi aspire le berger Mireno. Il abandonne ses montagnes pour aller vers la ville, accompagné de son ami Tarso. Mais lors du périple, un certain Lorenzo, poursuivi par la milice pour une affaire de fraude, croise Mireno et lui prend ses habits de berger en échange des siens. Très vite, le naïf Mireno est appréhendé et emmené au palais du Duc pour y être jugé.
Là, il rencontre les deux filles du Duc, la rêveuse Séraphina et sa sœur cadette, la déterminée Magdalena, dont il tombe amoureux. Mais le paysan Mireno est plus timide que fraudeur. Comment alors déclarer ses sentiments et conquérir Magdalena ?
Écrite en 1611, cinq ans après le Don Quichotte de Cervantes, Le Timide à la cour est une des œuvres importantes du Siècle d’or espagnol. Cette comédie d’intrigue étonne par sa vivacité d’esprit, ses retournements imprévus, mais aussi parce que ses personnages féminins sont faits de chair, d’audace et d’impétuosité. De Molina, créateur du personnage de Don Juan, questionne le pouvoir et oppose les valeurs d’âme aux conflits qui règnent entre la cour, la noblesse et le peuple.
Le metteur en scène Alexandre Fecteau (Le NoShow, Les Fées ont soif) dirige les comédiens de La Banquette arrière (La Fête sauvage, Les Mutants, Damnatio memoriae) qui fêtent avec cette joyeuse allégorie les 15 ans de leur compagnie.
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Scénographie Olivier Landreville
Costumes Marc Senécal
Lumières André Rioux
Conception sonore Éric Forget
Assistance Adèle Saint-Amand
Régie Dominique Cuerrier
Crédit photo TDP
Durée : 2h20 avec un entracte (durée exacte à déterminer)
Rencontre avec les artistes après la représentation : 8 octobre
Coproduction Théâtre Denise-Pelletier et Le Théâtre de la Banquette arrière
Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974
Malgré son appartenance au répertoire classique, on ne peut pas dire que Tirso de Molina fasse partie du club sélect des Molière, Shakespeare, Goldoni et autres Marivaux, tant il est peu monté sur nos scènes. Son texte Le timide à la cour, une comédie romantique où tout le monde trompe tout le monde sur ses intentions, ses pensées ou son identité, recèle pourtant un esprit vif et beaucoup de mordant. La mise en scène d’Alexandre Fecteau sert la pièce avec une grande justesse.
Mireno, un jeune berger ayant des rêves de grandeur, décide de partir à la ville avec un ami en se faisant passer pour un noble pour se glisser parmi la cour. Là, il rencontre l’une des filles du duc d’Aveiro et en tombe éperdument amoureux… mais pas moyen de se déclarer, tant il est muselé par la timidité!
Le jeune metteur en scène, qui animait justement deux soirées sous le thème Vendre ou rénover? au festival du Jamais lu l’an dernier, a pris le parti de rénover (et de dépoussiérer, il faut le dire) Le timide à la cour. Écrite dans les mêmes années que le Don Quichotte de Cervantès, ce texte revisité par le Théâtre de la Banquette arrière s’inscrit néanmoins tout naturellement dans la programmation de Denise-Pelletier en abordant d’emblée la question du féminisme, et ce, avant même le début du spectacle.
La femme est en effet au cœur de la production : d’abord la sœur outragée (autrement dit violée) du secrétaire du duc, puis les deux filles du duc que celui-ci s’apprête à donner en mariage. Sous les propos souvent misogynes tenus par les personnages, du père au futur mari, en passant par le frère et le cousin, toujours en position d’autorité, cette relecture de la pièce soulève de nombreuses questions féministes qui alimentent les discussions post-représentation. Entre la marchandisation des femmes, la remise en question de l’existence du viol (un personnage suggérant même qu’une femme qui tiendrait à sa vertu saurait la défendre), et l’indépendance de cœur que l’on refuse à Séraphina, la plus désirable, mais aussi la plus rétive des deux filles du duc, il y a de quoi débattre!
Comme le souligne en aparté la comédienne Sophie Cadieux (qui tient à quelques reprises, comme certains personnages masculins, à se détacher des propos tenus par son personnage), le portrait que l’on dresse aujourd’hui de la femme à cette époque nous vient presque exclusivement de ce qu’en ont dit des auteurs hommes. Par quelques apartés, regards ou grimaces au public du même ordre, la production parvient à faire rire et réfléchir. Elle pose un regard critique sur le texte de De Molina tout en le remettant en perspective.
Ainsi, sans chercher à moderniser la pièce, mais avec tout de même quelques touches de modernité, dont les costumes qui se déparent morceau par morceau de leurs apparats d’époque, le metteur en scène ancre joliment sa production dans le monde contemporain. Le spectacle est également porté par toute l’équipe de la Banquette arrière, qui célèbre son 15e anniversaire, et par une distribution inspirée. Dans la peau des deux amoureux autour duquel tourne l’histoire, Sophie Cadieux (Magdalena) et Renaud Lacelle-Bourdon (Mireno) déclenchent chaque fois les rires en plus de se révéler drôlement attachants. Leur jeu, très physique tandis qu’ils plongent dans les affres de l’amour, y est pour beaucoup.
Parions que cet irrévérencieux Timide à la cour saura séduire le public du Denise-Pelletier, quel que soit son âge.