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Hurlevents
Du 31 janvier au 24 février 2018
Dates publiques : du 1er au 24 février 2018, du jeudi au samedi
(représentations de 20h, samedi 16h + 14 février 19h)

Émilie part demain pour un long voyage. Elle n’a pas vu sa sœur Catherine depuis un moment quand celle-ci surgit, fragilisée, un soir de tempête, avec son amoureux de peu de mots. Mais ce soir-là, Émilie prépare un repas réunissant son bouillant colocataire Édouard, son amie Isa aux prises à son insu dans un piège amoureux, et Marie-Hélène, la professeure de littérature qu’elle adule. À mesure que la soirée avance, que les jeunes idéalistes se noient dans leur soif d’absolu, les échos des personnages du roman Les Hauts de Hurlevent (Emily Brontë) se font de plus en plus insistants. Jusqu’à entrer en eux.

Émilie partira-t-elle avant de se noyer dans les quêtes des autres ? N’est-elle pas un peu responsable de tout ce qui arrive dans la vie de chacun ? Et que peut-elle pour sa sœur ? La tentation de fuir est-elle salvatrice ?

Fouillant attentivement dans les espoirs agités de la jeunesse, Britt signe ici une comédie dramatique, située en plein cœur de la ville, très librement inspirée de l’œuvre d’Emily Brontë.

Fanny Britt, auteure des romans Les maisons, Jane, le renard et moi, Louis parmi les spectres et de l’essai Les tranchées, est aussi réputée pour ses œuvres théâtrales dont les pièces Couche avec moi (c’est l’hiver), Hôtel Pacifique, Cinq à sept, et Bienveillance qui remporte le Prix du gouverneur général en 2013 et que Claude Poissant a mis en scène. C’est lui-même qui, après Cinq visages pour Camille Brunelle, L’orangeraie, On ne badine pas avec l’amour et L’Avare s’aventure avec Hurlevents dans une création qui construit un pont entre la jeunesse de l’ère victorienne et les milléniaux.


Texte Fanny Britt
Mise en scène Claude Poissant
Avec Alex Bergeron, Kim Despatis, Benoît Drouin-Germain, Florence Longpré, Emmanuelle Lussier-Martinez et Catherine Trudeau


Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance Andrée-Anne Garneau
Scénographie Patrice Charbonneau-Brunelle
Costumes Linda Brunelle
Lumières Erwann Bernard
Conception sonore Nicolas Basque
Dramaturgie Alexia Bürger

Durée à venir

Une production Théâtre Denise-Pelletier


Entrevue

Entre doute et bienveillance : entrevue avec Catherine Trudeau pour Hurlevents

Par Olivier Dumas


Crédit photo : Jean-François Brière

Dans la peau d’une pédagogue universitaire, Catherine Trudeau s’imprègne des courants tumultueux du présent et du passé dans Hurlevents

Dans la pièce écrite par Fanny Britt, Catherine Trudeau incarne Marie-Hélène, une professeure d’université dans la quarantaine qui s’apprête à démissionner de son poste après avoir posé un geste radical. Dès les premières lignes, elle interpelle directement ses étudiants au début de leur session automnale. «Qu’est-ce que ça raconte, Les hauts de Hurlevents? Ça raconte une passion ou ça raconte une maladie mentale? Comment on fait la différence entre les deux? L’amour sans la fusion, c’est possible?»
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Critique disponible
            
Critique

Au cœur de la présente saison théâtrale, aucune autre œuvre ne trouve probablement un écho aussi connecté avec les problématiques contemporaines que la pièce Hurlevents écrite par Fanny Britt. Dans la grande salle du Théâtre Denise-Pelletier, le propos a rejoint vivement son auditoire de prédilection.






Crédit photos : Gunther Gamper

Claude Poissant orchestre pour une troisième fois l’univers de la dramaturge après Honey Pie et Bienveillance (l’une des meilleures réalisations de la dramaturge originaire d’Amos, également romancière et traductrice). Pendant une heure et demie sans entracte, la production prend librement son inspiration du roman emblématique Les Hauts du Hurlevent d’Emily Brönte (sœur de Charlotte et Anne). Mais ses protagonistes, sauf l’enseignante, sont des milléniaux plus aptes à s’envoyer des textos ou encore à enchevêtrer des concepts «intellectuels» dans une conversation que de se lancer dans de longues tirades lyriques. À l’exception de la première scène dans la salle de cours de Marie-Hélène (Catherine Trudeau), l’action se déroule dans l’appartement de deux de ses étudiants en littérature. Émilie (Florence Longpré) doit partir bientôt pour un voyage à l’étranger, tandis qu’Édouard (Benoit Drouin-Germain) est un homme féministe qui éprouve de la difficulté à exprimer clairement et simplement ses sentiments à la gent féminine. Le tandem a invité à souper une consœur et amie, Isa (Emmanuelle Lussier-Martinez), qui vit une idylle controversée avec l’un de leurs enseignants, ainsi que Marie-Hélène, mêlée à une autre polémique autour du même homme. Or, surgit à l’improviste la sœur d’Émilie arrivant tout droit de Kamouraska (évocation subtile à Anne Hébert), Catherine (Kim Despatis), suivie plus tard par son chum Sam Falaise (Alex Bergeron). Ironie ou non du hasard, à l’exception des échanges autour de quelques verres de vin, aucune nourriture ne sera mangée tout au long de la soirée. Et à l’extérieur, des vents violents se font entendre, entraînant chacun des individus à s’interroger sur ses relations affectives. Contrairement au texte de Brönte, la sérénité ne triomphe pas ici de la douleur, bien au contraire.   

L’un des principaux intérêts de la production réside dans la langue de Fanny Britt, à la fois très réaliste dans ses expressions franglaises et ses slogans qui envahissent les réseaux sociaux (présents à quelques reprises durant les échanges). Mais ce sont les réparties que se lancent à la figure les personnages qui étonnent par leur acuité. Les premières répliques entre Édouard et Isa entraînent quelques sourires, notamment lorsque cette dernière revendique le droit de vivre sa sexualité telle qu’elle l’entend («et qu’une personne féministe ne peut dire en aucun temps le contraire»). Son interlocuteur semble quant à lui éprouver quelques difficultés à conjuguer ses principes universitaires d’égalité et de fraternité entre les sexes avec des expériences amoureuses concluantes. Parmi les moments les plus forts, mentionnons ceux avec le personnage Catherine, dont l’esprit plus pragmatique crée une opposition alerte avec sa frangine et son entourage, un milieu plus imprégné par une certaine rectitude.

La dramaturge parvient également à susciter de nombreuses pointes d’interrogation sur des thèmes brûlants des années 2010, notamment autour du consentement sexuel, des rapports de séduction et des liens charnels entre élèves et enseignants. En plus de nager dans certaines contradictions, les personnages ne laissent pas découvrir au premier regard, surtout Catherine et Marie-Hélène. La sœur d’Émilie manifeste d’abord un caractère rude avant de dévoiler certaines failles et vulnérables, surtout concernant un geste lourd de conséquences. Lorsque l’enseignante surgit avec une tache de peinture au visage, l’acte posé par elle nous questionne sur la légitimité ou non de prendre des décisions concernant la vie d'autrui, tout comme sur la pertinence de défier la loi en l’absence de preuves tangibles. Auteure d’un court essai sur les liens ambigus entre le féminisme et la maternité, Fanny Britt distille une réflexion éthique dans ce monde poétique.

Comme toujours, le travail de Claude Poissant s’avère d’une pertinence indéniable, autant dans sa direction d’actrices et d’acteurs que dans sa conception visuelle. Il s’inscrit dans la continuité de sa Nuit du 4 au 5 de Rachel Graton, une proposition encore plus forte que celle-ci. Les éclairages extrêmement soignés d’Erwann Bernard apportent une chaleur et une gravité aux nombreux drames qui défilent sous nos yeux. Quelques instants avec la fin, la scène où la quasi-totalité de la distribution est assise sur le divan évoque même, par son sens de la lumière, certains peintres de l’époque où ont vécu les sœurs Brönte, dont Dante Gabriel Rossetti et Fernand Khnopff. La conception sonore de Nicolas Basque accentue les tensions de l’histoire avec ses bruits de tempête et ses brefs extraits musicaux morcelés. La distribution démontre presque toujours un aplomb perceptible, surtout Kim Despatis (excellente dans cette composition), Emmanuelle Lussier-Martinez en fille caractérielle et Benoit Drouin-Germain en amant malchanceux plein de bonne volonté.  

Le public, composé principalement d’adolescentes et d’adolescents lors de notre passage, a réservé à la troupe une ovation bruyante, à l’image des tourments internes de ces êtres qui habitent la partition d’Hurlevents.   

21-02-2018
 

Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974

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