Floyd, un homme qui a perdu beaucoup d’illusions et qui noie autant ses souvenirs que son ennui dans l’alcool, retrouve jour après jour son ami d’enfance, Mooch, à la taverne du village de l’autre côté de la rivière. Il reçoit un jour une lettre de sa fille qui lui a été enlevée par les services sociaux et qui fut mise en adoption. Celle-ci, élevée en ville et curieuse de son héritage, aimerait faire sa connaissance et renouer avec ses racines oubliées. Soudainement, deux décennies de fuite et de déni se préparent à le rattraper.
L’œuvre de Loring ouvre la mémoire des pensionnats qui vivent toujours au plus profond de l’âme de ceux qui y ont passé leur jeunesse. Avec Where The Blood Mixes, le metteur en scène Charles Bender pénètre sans complaisance dans l’intimité quotidienne de ces gens qui n’ont que leur humanité comme ressource pour trouver la résilience.
« Prendre le thé ensemble, se dire les vraies choses dans le plaisir et la bonne humeur» est exactement ce que les Productions Menuentakuan se sont donné comme mandat. Muliats, leur premier spectacle présenté à Fred-Barry en 2016, est en tournée au Québec après avoir voyagé en Haïti.
Texte Kevin Loring
Traduction et mise en scène Charles Bender
Avec Marco Collin, Mohsen El Gharbi, Xavier Huard, Tania Kontoyanni et Soleil Launière
Crédits supplémentaires et autres informations
Concepteurs Quinn Bonnell, Moe Clark, Jean-Christian Gagnon, Geoff Levine, Xavier Mary, Liz Valdez, Travis Mercredi, Musique nomade, Laura Niquay et Élaine Normandeau
Du mardi au jeudi 19h30, vendredi 20h30, samedi 16h30
Durée 1h35 sans entracte
Une production Menuentakuan en collaboration avec le Théâtre Teesri Duniya en codiffusion avec le Théâtre Denise-Pelletier et la participation de Musique nomade à titre de producteur musical
Traduction française de The Blood Mixes de Kevin Loring, la pièce Là où le sang se mêle est présentée à la salle Fred-Barry du théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 3 février 2018. Fruit d’une collaboration entre les productions Menuentakuan et Teesri Duniya Theatre, ce drame offre un savoureux mélange de rires et de pleurs à déguster en toute sérénité malgré le goût amer des propos. Accueillis par un Xavier Huard visiblement content de se présenter en arborant son t-shirt de bénévole, les spectateurs sont invités à prendre place afin d’entourer l’espace de jeu. Intégrant le cercle quelque temps avant le début de la représentation, les comédiens renforcent agréablement le caractère intime du spectacle en rappelant avec simplicité la configuration d’une thérapie de groupe. Ainsi, le metteur en scène Charles Bender réussit à favoriser un certain climat propice à la confession sans alourdir l’atmosphère des lieux. Quelle belle façon d’honorer le mandat de Menuentakuan qui, à travers ses projets, souhaite « dire les vraies choses dans le plaisir et la bonne humeur »!
C’est, donc, dans cette même ligne de pensée que les interprètes nous livrent des personnages d’une authenticité remarquable. À la fois drôles et touchants, ceux-ci nuancent agréablement leur jeu allégeant la tension souvent très poignante. Le lourd passé des peuples autochtones est, alors, raconté à travers les discussions de Floyd, un ivrogne d’origine autochtone personnifié par le solide Marco Collin, avec son entourage. Sous des airs assez naïfs, Mohsen El Gharbi s’attire la sympathie de tous en alliant de façon fort attachante l’insouciance comique du personnage de « Quêteux », un ami du protagoniste, avec la lucidité crève-cœur de ce dernier. Quant à Tania Kontoyanni, elle incarne la femme de « Quêteux » empreinte d’une grande intensité. À voir couler les larmes sur ses joues durant le spectacle, il est clair que son jeu ne peut laisser indifférent. Soleil Launière, comédienne qui joue la fille biologique de Floyd curieuse de découvrir ses racines, rayonne malgré sa plus brève apparition. Même si elle semble manquer un peu d’aplomb par rapport à ses partenaires de jeu, celle-ci est d’une émouvante complicité avec Collin lors de leur dernière scène ensemble. Xavier Huard complète la distribution occupant le rôle de Georges, le barman de la place qui fait le lien entre chacun. Sans voler la vedette à ses collègues, le comédien demeure à l’écoute prêt à intervenir pour alléger l’ambiance. Voilà une générosité grandement appréciée !
Les concepteurs semblent avoir aussi misé sur la discrétion. Utilisant uniquement une table en bois aisément déplaçable pour figurer les différents lieux dramatiques, Xavier Mary met les acteurs à l’avant-plan. Leur faisant porter des vêtements qui se confondent avec ceux du public, ceux-ci n’ont que des accessoires pour aider à la compréhension de celui-ci. Ces choix judicieux apportent quelques situations cocasses, pour le plaisir de tous, sans altérer le sérieux des propos tenus. Subtilement audible en trame de fond, la musique de Quinn Bonnell, Moe Clark et Lara Niquay représente magnifiquement bien la culture nomade alors que l’éclairage de Geoff Levine permet un enchaînement clair entre passé et présent. Alors, devant un travail aussi harmonieux et facile d’approche, Charles Bender et son équipe peuvent se féliciter d’avoir fait de Là où le sang se mêle bien plus qu’une occasion de « prendre le thé ensemble » !
Salle Fred-Barry, Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974