À la veille des élections, le ministre de la Sécurité publique exerce des pressions sur Solange Speilmann, éditorialiste au journal L’État, dans l’espoir de faire mentir les sondages défavorables au gouvernement en place. En coulisse de l’information, un duel s’engage entre Solange et le rédacteur en chef, autrefois son amoureux. Faut-il céder au chantage ou se muer en kamikaze de la vérité ? Existerait-il un terrorisme nécessaire ?
Basée à Saguenay, La Rubrique renouvelle ici, pour son 40e anniversaire, son engagement envers la dramaturgie québécoise
en opérant les retrouvailles de Normand Canac-Marquis et Martine Beaulne, deux artistes au parcours éclairé d’un constant et nécessaire dialogue entre la clameur et le murmure.
Texte Normand Canac-Marquis
Mise en scène Martine Beaulne
Avec Josée Gagnon, Monique Gauvin, Robert Lalonde et Louise Laprade
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Manon Bouchard
Scénographie Serge Lapierre
Costumes Hélène Soucy
Éclairages et vidéo Alexandre Nadeau
Musique Silvy Grenier
Direction de production Aimie Tremblay
Direction artistique Benoît Lagrandeur
Durée à venir
Rencontre avec les artistes après la représentation - 2 octobre
Régulier *60 ans et + *30 ans et - **MHM |
44,00 $ 32,00 $ 30,00 $ 29,00 $ |
36,00 $ 32,00 $ 30,00 $ 26,00 $ |
* Pièce d'identité requise
** Pour les résidents de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Preuve de résidence requise.
Forfait Premier Regard
Ce forfait 2 pour 1, au tarif exceptionnel de 36 $ pour
deux billets d’un même spectacle présenté en soirée
à la Salle Fred-Barry, est disponible du mercredi au
samedi de la première semaine de représentations.
Une économie de 50 % sur le prix régulier à la carte.
Billets ni transférables ni remboursables. Le Scriptarium 2019 exclu.
NOUVEAU -
SORTIE ADULTE-ADO À LA SALLE FRED-BARRY
Pour une sortie en famille, certaines soirées sont réservées au même tarif que le forfait Premier Regard, soit 36 $ pour 2 billets.
Le poids des fourmis 29 et 30 novembre, 6 et 7 décembre.
Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire 28 et 29 février, 6 et 7 mars.
Le Scriptarium 2020 30 avril, 1er mai, 7 et 8 mai.
Une production Théâtre La Rubrique
Toute vérité est-elle bonne à révéler publiquement, même un demi-siècle plus tard ? À l’ère des fake news et des dénonciations, pouvons-nous espérer réveiller la conscience ? Est-il légitime de défaire un gouvernement avec un potentiel scandale à quelques jours d’une élection ? Est-ce possible à une époque où le paysage médiatique subit de nombreuses transformations et fragmentations ? Une œuvre comme L’État de Normand Canac-Marquis trouve ainsi un contexte sociopolitique aussi en phase avec son sujet. Malgré une exécution scénique parfois timide et certains choix dramaturgiques plus discutables, celle-ci parvient à résonner avec ses questionnements nécessaires.
Présentée à la Salle Fred-Barry, la production du Théâtre la Rubrique de Jonquière expose une actualité brûlante. Durant 70 minutes, l’histoire se déroule à quelques jours de la Fête nationale des Québécoises et Québécois. Le journal L’État (comme le titre) connait ses derniers moments en format papier alors que des élections provinciales auront lieu le 27 juin. Le parti au pouvoir (sans référence claire à une formation précise) menace Solange Speilmann (Louise Laprade), l’éditorialiste, de révéler sa liaison passée (au moment, curieux hasard, de la Crise d’octobre) avec le chef de l’opposition alors en tête dans les sondages. Cette controverse suscite un affrontement entre elle et le rédacteur en chef, François Speilmann (Robert Lalonde), également son ancien mari. Le média doit-il publier ou non un éditorial en réponse à la menace de la sécurité publique? Entre le pouvoir et les émotions, où se trouve la « ligne juste » (expression à la mode dans les années 1970) ? Deux autres intrigues s’enchevêtrent à la principale, avec Maude Gagnon (Josée Gagnon), une poétesse-romancière décédée qui fut l’ancienne flamme de François, Maude Veil (jouée par la même actrice), une peintre-restauratrice, ainsi que Roxane (Monique Gauvin), la réceptionniste du journal.
Dans la revue de théâtre Jeu, Carole Fréchette écrivait en 1988 que « Le Syndrome de Cézanne (de Normand Canac-Marquis) fait entendre une voix différente, une voix de métal » et que cette écriture comprenait « un beau mélange de pudeur et d’impudeur ». Trente ans plus tard, des observations similaires résument en grande partie L’État, avec son habileté pour esquisser toute la violence d’une société qui semble à l’abri du tumulte extérieur. S’insèrent des allusions à des attentats en Inde, au FLQ, tout comme un registre varié de mots à connotation « guerrière » (kamikaze, en mitraille, bombe). Ce portrait dur n’exclut pas des pointes sarcastiques (dont la savoureuse « Pourquoi pas un film de Marguerite Duras sous-titré en mandarin avec ça tant qu’à y être? »). Dans une perspective plus globale, L’État traite avec pertinence des failles d’un système démocratique qui craquèle de jour en jour. Parmi les passages les plus éloquents, soulignons l’antagonisme entre Solange et François sur la responsabilité de divulguer ou non des informations sur la vie privée (même si le privé reste politique) qui entraîneraient de possibles conséquences sur la prochaine carte électorale.
L’intérêt repose en grande partie sur les interprètes, malgré une trop grande linéarité dans la direction d’actrices et d’acteur. Louise Laprade démontre une superbe intensité et s’impose. Avec sa longue chevelure blanche et sa voix profonde, elle insuffle une rage longtemps refoulée à cette « guerrière d’un monde ancien »...
Cependant, les révélations autour de l’ancienne idylle mystérieuse du rédacteur en chef restent trop vagues pour apporter un éclairage significatif au reste de la proposition artistique. Quelques doutes surgissent aussi sur la place de la relation qui se développe entre Maude Veil et Roxanne. Sa présence dans le texte ne possède pas le même potentiel dramatique que la confrontation des deux protagonistes.
L’intérêt repose en grande partie sur les interprètes, malgré une trop grande linéarité dans la direction d’actrices et d’acteur. Louise Laprade démontre une superbe intensité et s’impose. Avec sa longue chevelure blanche et sa voix profonde, elle insuffle une rage longtemps refoulée à cette « guerrière d’un monde ancien » (qui n’aurait pas évolué depuis les années 1970, selon Roxanne) et amoureuse plus d’une fois trompée par ses amants. Son ex-conjoint est incarné par un Robert Lalonde sobre et élégant (qui avait participé au marquant Syndrome de Cézanne du dramaturge dans les années 1980). L’un des seuls bémols de sa prestation concerne ses sacres lancés avec trop de timidité. Dans des rôles plus anecdotiques et moins marquants, leurs deux partenaires de scène jouent sans fausses notes.
La pièce bénéficie de la scénographie habile de Serge Lapierre, répartie sur différents paliers, en écho à l’escalier que Solange monte et descend infatigablement. Ce traitement visuel témoigne ainsi de la solitude et de l’isolement vécus par les différents personnages. L’enveloppe sonore de Silvy Grenier, notamment par ses couleurs de jazz, évoque d’une belle manière les climats en demi-teintes de cet univers en perte de repères (autant sur les plans personnels que socioéconomiques). Soulignons également les éclairages d’Alexandre Nadeau qui accentuent l’atmosphère clair-obscur de l’ensemble.
Sobre, la mise en scène de Martine Beaulne aurait gagné à donner à l’occasion plus de poigne et de force lors des échanges décisifs entre l’ancien couple opposé sur le plan éthique, et dont la séparation affective reste encore douloureuse. Une progression mieux élaborée aurait rendu plus adéquatement la souffrance humaine et l’acuité de cet État, qui continue toutefois de nous interpeller sur notre société après notre départ du théâtre.Salle Fred-Barry, Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974