Du 14 octobre au 8 novembre 2008
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Ceux que l'on porteCeux que l'on porte

Texte : Andrew Dainoff
Traduction : David Laurin
Mise en scène : Vincent-Guillaume Otis
Avec Félix Beaulieu-Duchesneau, Anne-Élizabeth Bossé, Philippe Brault, Simon Cloutier

Après sa rencontre avec Sally, David quitte Los Angeles pour New York, cité du rêve possible. Quand deux avions fracassent les tours jumelles et perdent Sally dans la cendre, David, seul et halluciné, s’engage sur la route de sa rédemption.

Ceux que l’on porte est la première pièce d’un jeune auteur américain qui ose aborder le 11 septembre et les cicatrices béantes laissées dans la ville de New York et dans l’âme de l’humanité. Quand David prend connaissance du choc et qu’il émerge de la cendre des tours et de son amour, la cendre de ses illusions et de sa jeunesse déroutées, il prend la mesure personnelle du nouvel ordre du monde. Le jazz, ses souvenirs, le pont de Brooklyn, une fuite à Rome, l’amour malade et les groupes de soutien aux victimes marqueront son parcours.

La pièce d'Andrew Dainoff révèle une facette des effets de l'Amérique sur le comportement humain que le PÀP n'avait pas encore abordée. Ni Le traitement, ni Abraham Lincoln va au théâtre, ni Everybody’s Welle pour tous ne mettaient à l'affiche la pudeur des sentiments.

Décor, costumes et accessoires : Marc Senécal
Éclairages : Erwann Bernard
Musique : Philippe Brault
Maquillages : Angelo Barsetti
Assistance à la mise en scène et régie : Stéphanie Capistran-Lalonde
Direction technique : Simon Cloutier

Une production du Théâtre PÀP

Espace GO
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

par Daphné Bathalon

Pendant que les larmes coulaient

Il y a de ces pièces qui nous emportent dans une histoire sans qu’on ait notre mot à dire. Ceux que l’on porte (All We Can Handle) fait partie de cette catégorie. C’est aussi la première pièce abordant le thème du 11 septembre montée sur la scène montréalaise. Le texte semi-autobiographique du jeune auteur américain Andrew Dainoff est présenté à l’Espace Go dans une traduction colorée de David Laurin.

L’histoire racontée, l’accent et le vocabulaire employés, tout nous ramène à un univers familier. Bien que l’action prenne place à New York, ce pourrait tout aussi bien être à Montréal. On y croirait, s’il n’y avait pas ces longs panneaux de fer en guise de décor. Ils viennent habilement nous rappeler les structures des tours jumelles que l’on a vues et revues en boucle à la télévision. De l’abstraction de ces images télévisées et photographiques, on passe au drame personnel.

Afin de se rapprocher de sa nouvelle petite amie, David, un guitariste, vient s’installer à New York quelques jours avant le fatidique 11 septembre 2001. Si les attentats new-yorkais servent de toile de fond, ils donnent surtout le ton au récit de l’homme. On s’attache aux pas du guitariste, on le suit, depuis un sombre jazz-bar où il joue sa musique avec un batteur déconnecté de la réalité, jusqu’aux 106e et 107e étages du World Trade Center, au resto Windows on the World. Véritable fenêtre sur l’âme de David, Ceux que l’on porte nous confie surtout les émotions et les déchirements de quelqu’un qui perd l’un après l’autre trois amis, tous victimes de mort brutale : attentat, assassinat, maladie, et pour qui la disparition des tours de Manhattan est surtout celle de nombreux points de repère.

Vincent-Guillaume Otis signe une mise en scène axée sur la musique et son importance dans la vie de David. À travers la musique composée par Philippe Brault est exprimé tout ce qui ne peut être formulé autrement. Elle remplace également les paysages car, par une économie de moyens, les panneaux de fer et la structure à l’arrière-scène évoquent les lieux visités, de Central Park à Manhattan en passant par le Chinatown et… Rome. Des amplificateurs pour tout mobilier, rien de plus n’est nécessaire pour imaginer la désolation dans le petit monde déconstruit de David.

Après avoir remporté un Masque pour son interprétation du chauffeur aveugle dans Le traitement, Félix Beaulieu-Duscheneau épate à nouveau dans le rôle du narrateur. Son personnage en est un pour lequel on ressent, dès le départ et jusqu’à la toute fin, de l’affection et de l’empathie. David porte ses morts, littéralement, car tour à tour, ils s’expriment par sa voix. Parfois bafouillant, mais toujours dans un rythme soutenu par la musique, Beaulieu-Duchesneau effectue une superbe plongée dans les émotions de son personnage. À certains moments, la musique monte et les paroles se bousculent, alors on ne distingue plus très bien ce qui se dit. Qu’importe, on demeure accroché au récit. Quant aux rôles féminins, notamment celui de Sally, ils surgissent du récit de David et s’incarnent grâce à la voix caméléon d’Anne-Élizabeth Bossé.

Ceux que l’on porte, monologue devenu texte à trois voix (comédiens et musique), évoque une ville et la tragédie qui en a modifié le visage. La pièce aborde surtout les bouleversements qu’un nuage de cendres a entraîné dans la vie d’un seul homme. Il est cependant bien dommage que toute la publicité entourant cette nouvelle production du Théâtre PÀP ait porté sur la tragédie du W.T.C., car la pièce ne fait vibrer aucune corde patriotique, ne critique ni n’analyse. Elle prouve avec efficacité et sensibilité qu’il n’y a pas besoin d’un brûlot politique pour montrer de quelle façon la guerre éclabousse la vie.

20-10-2008

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