Du 4 au 22 mai 2010
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Buffet chinoisBuffet chinois, All you can eat

Texte  Nathalie Boisvert
Mise en scène  Jean-Frédéric Messier
Avec  Nathalie Claude, Benoît Dagenais, Stéphane Demers, Dominique Leduc, Émilie St-Germain

Ma, Pa, Tatane et Choupette sont une famille typiquement américaine et absolument charmante. Cet été, ils se sont offert un forfait vacances hors du commun: assister en direct à la fin du monde sur une plage des plus formidables. Ils ne craignent rien! Après tout, leur VUS monte la garde, monstre rutilant, invincible et à l'épreuve de la mort. De plus, le buffet chinois est juste à côté. Une aubaine! Que demander de plus?

Fable qui jette un regard cru sur la famille, l'apocalypse et la disparition éventuelle de l'humanité, BUFFET CHINOIS permet à Nathalie Boisvert de remporter, en 2007, le prix Gratien-Gélinas. Le jury souligne alors la qualité et l'usage original et cinglant de la langue. Une langue alerte, précise, qui se joue d'elle-même et qui devient l'objet même du texte, les personnages se servant du langage pour reconstruire le monde.

Un vent de mystère entoure la présentation des textes dramatiques de Nathalie Boisvert parce qu’ils sont joués surtout en Europe. En 1997, sa première pièce, L’HISTOIRE SORDIDE DE CONRAD B., est présentée au Festival de Spa, en Belgique avant d’être reprise et primée à Bruxelles, en 1999. Son texte L’ÉTÉ DES MARTIENS est publié chez Lasman Éditeur en 1999 et créé simultanément au Québec et en France, avant d’être produit à Berlin et à Toronto. En 2006, sa pièce VIE ET MORT D’UN VILLAGE fut lauréate des Journées de Lyon, en France.

Décor  Geoff Levine
Costumes  Sharon Scott
Éclairages Michel Beaulieu
Musique Stéfan Boucher
Assistance mise en scène Émilie St-Germain

Une production de Momentum

Espace GO
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

par Marie-Pierre Bouchard


Crédit photo : Paul-Antoine Taillefer

Pour créer cette fable apocalyptique, Nathalie Boisvert, qui vit aux États-Unis depuis quelques années, s’est inspiré des années Bush et de l’état de décadence, de déni généralisé qui y régnait, notamment autour de la guerre en Irak et de la situation environnementale. Dans Buffet chinois, All you can eat, Momentum présente un sombre tableau de ces Américains qui ne pensent qu’à consommer dans le confort, malgré les enjeux majeurs qui se jouent à l’échelle planétaire.

L’auteure a ainsi imaginé cette famille typique - conformiste, superficielle et déconnectée - qui s’offre des vacances au soleil dans l’attente imminente de la fin du monde, à laquelle ils assisteront en direct des premières loges. Pa, Ma et Tatane (Benoît Dagenais, Dominique Leduc et Stéphane Demers) se complaisent dans la farniente balnéaire, près du buffet chinois à volonté, tandis que la cadette, Choupette (Nathalie Claude), les dénigre avec une lucidité qui les dépasse. Puisqu’elle refuse farouchement de se conformer aux dogmes du dictionnaire, sa famille tentera de l’anéantir avant que ne survienne la vague fatale. Cette allégorie dantesque est rendue avec un traitement dramaturgique absurde, une mise en scène surréaliste et une ambiance glaciale malgré le climat tropical des lieux évoqués.

Le propos est pertinent. Le sujet est criant d’actualité. L’ère Bush, mercantile, obscurantiste et réactionnaire, y est dépeinte avec une implacable acuité. Toutefois, le spectacle dans son ensemble s’enlise parfois dans les longueurs et dans l’hermétisme, malgré un texte pourtant remarquable d’un point de vue littéraire et poétique. Les personnages, bien qu’ils soient défendus avec brio par des comédiens d’expérience, que l’on sent profondément investis dans leurs rôles et performances, touchent peu. Si l’on s’attache davantage à l’ado rebelle et perspicace incarnée par l’excellente et vibrante Nathalie Claude, l’on est tout de même en droit de s’interroger sur la pertinence d’avoir choisi des comédiens dans la quarantaine pour interpréter des jeunes de moins de vingt ans (le personnage joué par Stéphane Demers a 17 ans...).

Buffet chinois, All you can eat atteint néanmoins sa cible et transmet son propos avec fracas. Si l’indigeste menu se mange froid, c’est qu’il est incontestablement à l’image de cette Amérique du début du 21e siècle.

10-05-2010