Texte David Paquet
Mise en scène Patrice Dubois
Avec Antoine Bertrand, Jean-Pascal Fournier, Marika Lhoumeau, Dominique Quesnel, Geneviève Schmidt
C’est le jour de l’anniversaire de Cassandre. Ça devrait être une fête, mais ça ne l’est pas. Alors elle s’invente des surprises. C’est l’amour entre Théodore et Noémie. Ça devrait être une idylle, mais ça ne l’est pas. Alors ils font semblant de vouloir des enfants. C’est le jour où Sylvain va en thérapie. Ça devrait aller mieux, mais ça ne s’améliore pas. Alors il rêve de changer de vie. Mettez ensemble toutes ces déprimes. Ça devrait être triste, et pourtant, c’est drôle, drôle, drôle.
Depuis sa sortie de l'École nationale de théâtre du Canada en 2006, David Paquet voit sa pièce PORC-ÉPIC créée en de nombreux lieux : à Montréal, ainsi qu’en Belgique (décembre 2009), en Allemagne, au Mexique et en Autriche. Il a participé en juillet 2008 au Séminaire international d'auteurs émergents de la Sala Beckett, à Barcelone. Lauréate de la 6e édition du concours Le Théâtre jeune public et la relève, sa pièce pour adolescents 2 H 14 AM/FM sera créée sur les planches de la Maison Théâtre en janvier 2010, dans une mise en scène de Claude Poissant.
Assistance à la mise en scène et régie Catherine La Frenière
Décor Nathalie Trépanier
Costumes Julie Breton
Musique Pascal Robitaille
Maquillages Florence Cornet
10 mars 2010, soirée-bénéfice au profit du Théâtre PàP
Une production du Théâtre PÀP
par Olivier Dumas
Comme en amour, les premières impressions artistiques peuvent être trompeuses. Dans une récente critique, nous faisions état, sur MonTheatre, d'un certain manque de personnalité à la pièce 2 H 14 AM/FM de David Paquet, malgré une plume habile. Voilà que dans Porc-épic, pièce que l’on peut découvrir ces jours-ci à l’Espace Go après de nombreuses productions à travers le monde, l’écriture de David Paquet se révèle d’une incomparable qualité. Avec une distribution étincelante, une dynamique mise en scène de Patrice Dubois et le décor très imaginatif de Nathalie Trépanier, cette nouvelle création du théâtre PÀP constitue un tour de force.
Porc-épic raconte à priori des destins tragiques, mais l’absurde comique du dramaturge donne un ton plus amusant que véritablement sombre. C’est l’histoire de cinq personnages broyés par la vie. L’action se déroule le jour du «supposé» anniversaire de Cassandre (une extraordinaire Marika Lhoumeau). Théodore (Antoine Bertrand) et Noémie (Geneviève Schmidt) forment un couple où la passion s’est dissipée, alors que celle-ci se bute à l’indifférent de son conjoint lorsqu’elle lui parle de son désir d’avoir un enfant. Propriétaire d’un dépanneur, Sylvain (Jean-Pascal Fournier) suit une thérapie dans l’espoir de corriger une vie ratée, existence à l’image de celle de sa collègue de travail (Dominique Quesnel), une femme enceinte totalement désabusée.
Le spectateur doit tout de même attendre un premier quart d’heure pour se sentir transporté par cet univers étrange qui regroupe autant le réalisme pathétique de Michel Tremblay, le ton et les couleurs flamboyantes d’émissions jeunesses comme La boîte à surprise, que l’absurde de Ionesco. Par la suite, nous nous retrouvons dans un feu roulant de péripéties rarement prévisibles dans une succession de scènes qui alternent entre le cocasse, le constat d’existences vides, et même des frissons d’horreur.
L’une des grandes forces de l’écriture de David Paquet demeure sa facilité à passer au tordeur les travers de ses semblables avec la précision chirurgicale d’un scalpel. Des vertus des teintures de cheveux aux thérapies régressives qui donnent l’illusion du bonheur, en passant par les mensonges de la psychologie populaire, le portrait d’un tel microcosme n’est guère reluisant. Heureusement, l’auteur sort toujours la réplique qui désamorce ou qui fait grincer des dents.
La mise en scène ne comprend aucun temps mort dans ce marathon de 90 minutes. Avec ingéniosité dans sa structure pyramidale, le décor renferme les différents lieux où se déroule l’action. Tout est fluidité dans les déplacements d’un endroit à l’autre. Bon directeur d’acteurs, Patrice Dubois sait mettre en valeur une distribution de haut niveau. Marika Lhoumeau se démarque par son mélange de naïveté et de cruauté, de solitude et d’empathie. Dominique Quesnel démontre encore une fois son incommensurable talent de tragédienne du quotidien. Antoine Bertrand, Geneviève Schmidt et Jean-Pascal Fournier font également preuve d’une indéniable justesse. Le choix des intermèdes musicaux, entre autres du Bach, est toujours en harmonie avec l’action.
La seule réserve se situe au niveau de l’emploi de la métaphore, qui, vers la tombée de rideau, conduit à l’excès du procédé d’écriture. À cet effet, le dénouement déçoit par son moralisme trop appuyé et son désir de faire sortir les personnages de leur solitude. On se serait passé de cette conclusion illustrant un idéal de bons sentiments qui tranche avec un propos autrement plus heureux dans son mariage entre le rire, le sarcasme et les larmes.
Spectacle au plaisir contagieux, Porc-épic saura combler les curieux et tracer son chemin parmi les autres créations québécoises de grande qualité proposées depuis le début de l’hiver. Du piquant qui réconforte!