Créé à l’occasion des 30 ans du Théâtre PÀP, Abraham Lincoln va au théâtre, tragédie comique faite de coïncidences, de crises identitaires et de personnages mythiques, et de multiples niveaux de théâtralité, propose une réflexion décapante sur l’Amérique.
Un duo renommé
La première collaboration de Claude Poissant et Larry Tremblay, Le Ventriloque, avait remporté le
Masque de la production Montréal en 2002. Cette fois encore, l’inventivité du metteur en scène viendra appuyer
le regard tantôt fantaisiste, tantôt lucide, de l’auteur.
Teaser saison 2010-2011 du Théâtre PÀP sur Vimeo.
Assistance à la mise en scène et régie Stéphanie Capistran-Lalonde
Scénographe Jean Bard
Costumes Marc Senécal
Éclairages Martin
Labrecque
Conception sonore Nicolas Basque
Mouvement Caroline Laurin-Beaucage
Maquillages Florence Cornet
Perruques Rachel Tremblay et Chantal McClean
Direction de production Catherine La Frenière
Direction technique Alexandre Brunet
En tournée au Québec et en Ontario
Du 5 au 17 octobre 2010 // Théâtre du Périscope, Québec
Mardi 19 octobre 2010 // Théâtre La Rubrique, Jonquière > 418 542.5521
Jeudi 21 octobre 2010 // Théâtre de Baie-Comeau > 418 295-2000
Samedi 23 octobre 2010 // Salle Jean-Marc Dion, Sept-Îles > 418 962-0100
Mardi 26 octobre 2010 // Centre culturel, Université de Sherbrooke > 819 820-1000
Vendredi 29 octobre // Maison des arts, Laval > 450.662.4440 ou Admission - 514 790-1245
Mercredi 10 novembre 2010 // FAIT, Festival de Théâtre à l'Assomption > 450 589-9798 poste 5
Dimanche 14 novembre 2010 // Salle Jean-Grimaldi, Lasalle > 514 367-6373 # 1
Mardi 16 novembre 2010 // Auditorium de Gaspé
Jeudi 18 novembre 2010 // Centre culturel de Rivière-du-Loup > 418 867-8008
Vendredi 19 novembre 2010 // Spect'art Rimouski, Salle Telus-Desjardins > 418 725-4990
Du 24 au 28 novembre 2010 // Théâtre français de Toronto > 416 534-6604
Une création du Théâtre PàP - lien vers la page de la pièce
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Dates antérieures (entre autres)
Du 22 avril au 17 mai 2008 - Espace Go
par Daphné Bathalon
Au Ford’s Theatre de Washington, un Vendredi saint de 1865, Abraham Lincoln assiste à une représentation de Our American Cousin en compagnie de sa femme quand John Wilkes Booth, un acteur de 26 ans, surgit dans leur loge et abat le Président d’une balle dans la tête. Intéressante prémisse et prétexte parfait pour un auteur dramatique : en tuant un président, l’acteur Booth devient la première méga vedette de l’histoire de l’Amérique!
On reconnaît les pièces de Larry Tremblay à la multiplication habile des mises en abyme. Abraham Lincoln va au théâtre pousse particulièrement loin ce jeu d’emboîtement et de pièce à l’intérieur d’une autre pièce. Grâce à l’écriture fluide et aux différents tableaux qui composent cette production du Théâtre PàP, on apprivoise une à une les couches, les découvrant au fil de la pièce. Rapidement, on les voit se fondre les unes dans les autres pour devenir un exercice ludique et pertinent sur le mensonge dans la représentation. « Théâtre, théâtre et théâtre. Où s’arrête-t-il et où, dans ce fait sanglant, débute la tragédie nationale? » se questionne l’auteur. La première couche apparente est celle de deux mauvais acteurs qui nous racontent le travail fait avec Marc Killman, le « célèbre metteur en scène » au nom prédestiné, avant qu’il ne meure. Dans ce spectacle qu’ils répètent, ils jouent le rôle de Laurel et Hardy incarnant le meurtrier d’Abraham Lincoln et un membre de la troupe qui jouait sur scène le soir de l’assassinat du 16e président américain.
Ce que nous propose le metteur en scène Claude Poissant est une véritable plongée dans la crise identitaire américaine, crise qui refait surface à chaque nouveau drame comme l’a si douloureusement illustré le « 11 septembre ». En fait, sans être une pièce documentaire, la création du Théâtre PàP nous initie, par le biais du métier d’acteur, au côté grandiloquent et théâtral de l’Amérique. Dans quelle proportion fait-elle du spectacle sa réalité? Le visage d’un comédien se cache-t-il vraiment sous le masque du personnage ou y a-t-il encore d’autres personnages dissimulés? Sur scène comme dans le texte, il y a constamment ce jeu du réel et du joué, jusqu’aux coulisses que l’on peut épier à quelques occasions durant la représentation.
Grâce à un juste équilibre des gestes, des expressions et des jeux de regard, Maxime Gaudette et Patrice Dubois incarnent les tristes comédiens d’un seul succès, une série télé populaire. Ils ne savent pas pourquoi ils se plient à toutes les exigences d’un metteur en scène excentrique. Ils ne savent pas ce qu’ils font et s’aveuglent volontairement sur ce qu’ils sont. Pathétique duo, ils font rire la salle par leurs grimaces autant que par leurs réflexions d’abord un peu superficielles tandis qu’ils tentent d’expliquer au public leur travail avec Killman, puis plus sincères quand ils tournent leurs regards vers eux-mêmes : la vérité est insoutenable et le comique vire finalement au tragique. De son côté, Benoît Gouin incarne toute la rigidité de la statue de cire d’Abraham Lincoln et le fanatisme d’un comédien pour son travail d’interprétation et de direction d’acteurs.
Larry Tremblay a une écriture puissante qui, en quelques traits, brosse le portrait d’une humanité déséquilibrée tout en mettant en lumière ses blessures et ses doutes. Avec Poissant à la mise en scène, à qui l’on doit le magnifique Ventriloque et la récente reprise de Dragonfly of Chicoutimi, des œuvres de Tremblay, on ne peut qu’admirer, une fois de plus, le mariage de leurs deux univers. Sur le plateau de jeu, espace de répétition où l’on n’hésite pas à reprendre une scène en offrant sur elle un nouveau point de vue, le jeu des vérités s’expose pièce après pièce dans une mécanique d’horloger. On entre plus précisément dans l’intimité de l’acteur : sa quête identitaire passe après tout par sa connaissance du personnage.
La scène de folie, à la fin du spectacle, est à l’image de l’Amérique : excessive, absurde et éclectique. Puis, le spectateur médusé est laissé à lui-même. Il doit comprendre seul jusqu’où le spectacle continue, déterminer si John Wilkes Booth a tué Lincoln par conviction ou pour faire du théâtre, car, si aucune réponse n’est offerte par Larry Tremblay, Abraham Lincoln va au théâtre ouvre pour nous une boîte de Pandore identitaire impossible à refermer.
par David Lefebvre (2008)
Assister à un spectacle de l'auteur Larry Tremblay, c'est plonger à chaque fois dans une œuvre fascinante et inusitée. Prenez, par exemple, Le ventriloque, en 2001, mis en scène par Claude Poissant, ou plus récemment Panda Panda (2005, pièce pour jeune public) ou La hache (2006). Abraham Lincoln va au théâtre est l'histoire d'un metteur en scène craint et admiré, appelé Marc Killerman, qui entreprend la création d’une pièce sur l'assassinat du 16e président des États-Unis, pendant, faut-il le rappeler, une représentation théâtrale, à Washington, en 1865. Il fait appel à deux comédiens qui ont le mandat d'incarner le duo burlesque par excellence, Laurel et Hardy, qui tuera un Lincoln en cire. Utiliser le divertissement pour faire passer un message, une vision beaucoup plus grave, grotesque. Mais au final, que cherche vraiment à exprimer le metteur en scène dans ce spectacle?
En tentant de faire la lumière sur la ou les raisons qui ont poussé l'acteur John Wilkes Booth, la première superstar des États-Unis, à assassiner Lincoln, Tremblay fait le procès ludique d'une Amérique schizophrène, ou plutôt de la façon d'être américaine. Une Amérique qui nous assujettit consciemment, au caractère dichotomique, où le meilleur et le pire peuvent naître de la même branche. Où l'on retrouve à la même source la maigreur et la grosseur, le sadisme et le masochisme. Tremblay s'amuse à semer les fausses pistes et maîtrise ici parfaitement l'art de la mise en abyme qu'il affectionne; chaque information peut être infirmée, chaque personnage en cache un autre, puis un autre. Pièce de théâtre au théâtre, dans un théâtre au théâtre, le texte est savoureux, caustique, ouvrant la porte sur un univers éclaté aux maintes significations. Même un peu trop : sans s'y perdre, les réalités s'enchaînent rapidement et on ne peut qu'encaisser les surprises. C'est en sortant de la salle qu'on arrive à apprécier à sa juste valeur l'écriture tentaculaire de Tremblay.
Pour mettre en scène ce texte complexe, Claude Poissant, qui décrit la pièce comme une thérapie intime et collective, choisit, pour la plus grande partie du spectacle, la sobriété. Scène nue, rideau en arrière-plan (sur lequel on diffuse dès le départ une séquence du film Dog Day Afternoon), une table et quelques chaises en accessoires, c'est au niveau de la direction d'acteurs que tout se passe. Patrice Dubois et Maxim Gaudette incarnent les "Laurel et Hardy", deux personnages qui en dissimulent d'autres, comme des matriochkas vivantes. Ils nous parlent directement, sur le ton de la confidence publique, puis jouent quelques scènes - on a l'impression d'avoir pénétré dans une salle de répétition. Derrière leurs expressions faciales prononcées, leur imitation du duo où fusent les claques, se cachent un autre monde, plus personnel, et la fissure finit par faire paraître les vraies émotions. Benoît Gouin joue Marc Killerman, puis un acteur de soutien qui viendra prendre la place de Killerman, les deux sous la cire et la barbiche de Lincoln. Le trio est captivant, offrant des personnages troublés, en crise identitaire. Tout comme l'Amérique. En fait, le spectacle est une crise identitaire en soi, se transformant d'instant en instant.
Casse-tête intelligent, tragicomédie à la finale des plus absurdes et surprenantes - on s'écroule de rire ou on reste totalement stupéfait -, Abraham Lincoln va au théâtre est un spectacle tout aussi étrange qu’éloquent, où la réalité devient le théâtre de la fiction.