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Du 29 mars au 23 avril 2011, mardi 19h, mercredi au samedi 20h, matinée samedis 16h
MedeaManhattan Medea
Texte : Dea Loher
Traduction : Olivier Balagna et Laurent Muhleisen
Mise en scène : Denise Guilbault
Avec : Paul Ahmarani, Geneviève Alarie, Alexandre Goyette, Germain Houde, Didier Lucien

Rêvant d’un avenir meilleur, Médée et Jason décident de fuir ensemble leur pays en ruine. Arrivés à
Manhattan, ils vont d’hôtel en hôtel, là où « l’air pue, te ronge les poumons ». Ils doivent composer avec
la réalité des clandestins et avec leur fils, né à leur arrivée. Sept ans plus tard, Jason, toujours en quête
de son « rêve américain », délaisse Médée pour séduire Claire, la fille de Sweatshop-Boss, un riche
fabricant de vêtements chez qui il s’installe. Médée se présente à la maison de la 5e Avenue pour
retrouver « S on homme » et récupérer son fils. Jason ne veut pas la suivre. Trahie, désespérée, elle
demande qu’on lui laisse l’enfant. Sweatshop-Boss refuse et la chasse. Médée n’aura plus d’autre choix
que d’appliquer sa propre loi et de se faire justice.

Vingt-cinq siècles après Euripide, Dea Loher redonne vie au mythe de Médée et à sa tragédie de l'Amour et de l'Exil. MANHATTAN MEDEA est un conte moderne mettant en situation deux jeunes adultes qui tentent de trouver leur place dans une mégapole corrompue par l'argent et marquée par l'inégalité des rapports sociaux. Est-il possible d'échapper à son sort? Bien que les grands thèmes propres aux tragédies grecques soient présents dans la pièce, le destin des hommes et des femmes n'est plus ici l'affaire des dieux. L'auteure oppose à l'idée de fatalité celles du libre arbitre et de la responsabilité individuelle.

Assistance à la mise en scène et régie : Stéphanie Capistran-Lalonde
Décor : Max-Otto Fauteux
Lumière : Caroline Ross
Musique : Catherine Gadouas
Costumes : Mérédith Caron, assistée de Pierre-Guy Lapointe
Vidéo : Valérie Leduc
Accessoires : Normand Blais
Maquillages : Jean Bégin

Une production ESPACE GO

Espace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890
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 Critique
Critique
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par Oliier Dumas


Crédit photo : Caroline Laberge

Par le passé, Denise Guilbaut a su apporter un éclairage percutant témoignant d'une ferveur actuelle pour les mythes anciens. En 2007, elle avait proposé une brillante et vibrante mise en scène d'Électre ou la chute des masques de Marguerite Yourcenar au Théâtre du Trident à Québec. Ces jours-ci à l'Espace Go, elle s'attaque à Manhattan Medea, une relecture contemporaine de cette figure tragique écrite à la fin des années 1990 par l'Allemande Dea Loher. Malgré la beauté esthétique de la scénographie et de la fougue d'acteurs talentueux, la pièce dégage principalement un décevant sentiment de froideur.

Dramaturge importante de la scène européenne avec plus d'une quinzaine de textes à son actif (Barbe bleue, espoir des femmes), Dea Loher demeure pratiquement inconnue pour le public québécois. En transposant le personnage antique de Médée, qui avait inspiré Euripide et Sénèque, dans le cadre moderne d'une cité new-yorkaise déshumanisée, elle tend le miroir cruel d'une société corrompue par l'argent, le pouvoir et les rapports sociaux. Dans la version de Loher, Médée a fui un pays ruiné pour l'Amérique afin de retrouver son amant Jason. Or ce dernier s'est amouraché de la fille d'un homme d'affaires, un Sweatshop boss, pour s’affranchir de sa condition d'immigrant clandestin. Trahie et brisée, l’orgueilleuse Médée prépare une vengeance terrible.

Dans cette critique au vitriol du rêve américain, l'auteure a concentré l'action principalement sur le couple pulvérisé par l'ambition. Dans son périple, nous croisons un travesti noir d'une touchante drôlerie, un portier généreux et le beau-père de Jason, un véreux financier. Au lever du rideau, l'ingénieuse scénographie crée un effet saisissant dans sa représentation d'une cité monstrueuse avec ses indices boursiers, ses classes sociales d’une flagrante inégalité, ses gratte-ciels, son fleuve (qui aurait gagné tout de même à être mieux exploité). La musique apporte une atmosphère d'épouvante et d'étrangeté qui confère au spectacle une dimension visuelle et sonore très réussie.

Malheureusement, de son siège, Manhattan Medea paraît d'une grande froideur alors que les sentiments aussi passionnels et démesurés soient-ils ne parviennent pas à nous ébranler ou à nous faire chavirer. L'une des principales faiblesses demeure donc le texte où plusieurs phrases semblent surlignées au marqueur. Trop précipitées, les scènes se succèdent sans exploiter à fond la tragédie anticipée. Par ailleurs, la finale où Médée tue son enfant paraît expéditive en comparaison avec la barbarie de l’acte en lui-même. Lors des représentations en France dans la langue de Molière, la pièce durait une heure trente. À l'Espace Go, elle totalise à peine une heure et des poussières, expliquant probablement pourquoi les enjeux dramatiques et les personnages trouvent difficilement un point d'ancrage susceptible de faire éclater la colère grondante de l’héroïne.  

Dynamique, la direction d'acteurs de Denise Guilbault ne rend pas toutes les nuances attendues. Sa fougueuse Médée martèle ses répliques avec éclat comme une mitraillette, alors que des nuances auraient conféré une dimension plus émouvante à ce mythe intemporel du théâtre. Pourtant, on ne peut qu'applaudir au talent et à l'intensité de Geneviève Alarie qui porte la pièce sur ses épaules. Le Jason d'Alexandre Goyette se révèle remarquablement puissant et d'une enlevante séduction animale. Très justes, Paul Ahmarani, Didier Lucien et Germain Houde souffrent toutefois de personnages trop stéréotypés, mais apportent tout de même une dimension plus humaine à l'histoire.

Plus cérébral qu’émouvant, Manhattan Medea ne répond pas à toutes les attentes. Heureusement, ses artistes sont consumés d'une flamme qui sauve la pièce d'une glaciale exécution.

03-04-2011
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