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Accueil étranger – France (4 représentations exceptionnelles)
Du 4 au 7 avril 2012
CannibalesCannibales
Texte : Ronan Chéneau
Mise en scène et scénographie : David Bobee
Avec : Yohann Allex, Claire Cordelette-Lourdelle, Eric Fouchet, Alexandre Leclerc, Nicolas Lourdelle, Séverine Ragaigne et Clarisse Texier

Et pourquoi pas, mon amour...
Faisons un geste, un geste fort
Un geste fun et sexy, comme la poésie...
Au moins une fois dans nos vies
Un geste fort, un geste fou...

Lui

Un couple de jeunes amoureux. Ordinaires. Ils ont la trentaine, une bonne situation, un loft branché, des meubles design. Ils ont tout. Ils rentrent à la maison, s’embrassent, se déshabillent, s’enlacent, s’arrosent d’essence, se foutent le feu. Pourquoi?

Spectacle sous forme d’enquête, CANNIBALES raconte ce qui a pu pousser ces jeunes à leur choix définitif. La nécrologie d’un couple, prétexte à un bilan subjectif, politique et intime des trente dernières années.

La Compagnie Rictus, fondée en 1999 par le metteur en scène David Bobee, est l'une des dernières révélations importantes du théâtre français. Ce créateur signe l'arrivée remarquable sur scène d'une génération qui s’interroge sur l‘état du monde, sans peur ni résignation, consciente de la nécessité de porter au-devant d'un large public la question de l'individu face au monde, de la quête de son identité sociale et intime.
Il propose un théâtre d'engagement physique et politique d'une très grande force visuelle. Un théâtre pour tous. Intense et beau. Qui bouscule, croise, mélange les différentes disciplines de la création contemporaine que sont le théâtre, les arts plastiques, le slam, le chant, la danse, les nouvelles technologies et le cirque, pour produire du sens, de l’émotion, du rythme, de la violence, de la sensualité.

L’énergie et la fougue avec laquelle ces jeunes artistes fracassent les mots et bousculent l’espace, de même que l’inventivité et l’imaginaire débridé de la mise en scène démontrent avec éclat que leur génération est tout, sauf résignée. Vraiment, c’est à ne pas manquer!


Section vidéo
Deux vidéos disponibles

   

Lumières : Stéphane Babi Aubert
Son : Jean-Noël Françoise + Frédéric Deslias
Vidéo : José Gherrak
Régie générale : Thomas Turpin
Construction décors : Trambert Regard /Ateliers Akelnom, avec l’aide du CDN de Normandie

Du mercredi au vendredi à 20 h
Et le samedi à 16 h

Une production de la Compagnie Rictus / rictus-davidbobee.net
Une présentation d’ESPACE GO, en complicité avec La TOHU
Réalisée avec le soutien du Service de Coopération et d'Action Culturelle du Consulat Général de France à Québec
En coproduction avec Scène nationale de Petit Quevilly/Mont Saint Aignan, L’Hippodrome, Scène nationale de Douai, Centre Régional des Arts du Cirque de Normandie, La Brèche


Espace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

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 Critique
Critique

par David Lefebvre

(il faut) qu’il se passe enfin quelque chose d’inquiétant, de magistral, d’horrible.

Dernier volet d’un  triptyque engagé, Cannibales s’ouvre sur un couple trentenaire, dans un condo stylisé, qui, lors d’une dernière étreinte, s’immole au milieu de sa chambre à coucher. Qu’est-ce qui peut avoir poussé deux jeunes, à priori heureux, à se suicider ainsi? «Faisons un geste fort, un geste fou… » C’est une réaction face à la morbide réalité, face aux paroles rassurantes mais trompeuses d’une génération de pères qui faisaient miroiter illusions et espoirs. Fini le romantisme, finis les rêves, la vie bohème s’est transformée en précarité. Tout est-il vain?

Mariant et juxtaposant plutôt habilement plusieurs formes d’art, tels l’acrobatie, la danse, le chant, le jeu théâtral, la vidéo – des rues la nuit et les visages en gros plans des acteurs envahissant les murs – , Ronan Chéneau et David Bobee, respectivement auteur et metteur en scène, abordent les sujets de l’ennui, de la liberté, de l’exaltation perdue, des aspirations oubliées, de l’engourdissement mondial qui étouffe, qui consume. Est-ce que l’humain se condamne à se manger tout rond, ou à nourrir la personne qui va le dévorer?

L’espace et le temps ne semblent pas exister dans ce décor d’appartement moderne et classe, «à plusieurs dimensions», comme le souligne l’un des personnages. Le couple se dédouble ; de multiples corps forment Lui et Elle, ou créent des personnages anonymes. Il vit dans ce 80 mètres carré, tout en narrant au public de façon distanciée, grâce à deux microphones, son passé, pour mieux faire comprendre ce geste ultime et brutal.  Ailleurs sur le plateau, un homme fait des figures tout en haut d’un mât alors qu’une femme, assise en dessous, sur le canapé, lui déclare son amour. Un autre marche sur un fil de fer. Un jongleur s’immisce ici et là. Une femme grimpe à une corde juste au-dessus du lit, s’étirant, comme si elle était en apesanteur. Nous sommes, tous et toutes, les acrobates de notre propre vie.

Si la forme est immensément poétique et parfois d’une grande force visuelle, le fond manque de mordant, de fracas, de flamme. Comme si le désabusement qu’on avait voulu nommer avait contaminé la parole, les idées. Le slam provoque peu de remous ; la violence est souvent trop esthétique pour démontrer une réelle révolte, un embrasement soudain. Le côté aseptisé qu’on dénonce durant le spectacle, par le côté léché de la scénographie et les nombreux accessoires de nettoyage, stérilise la critique sociale et la portée du spectacle. Par contre, lorsque Chéneau aborde les questions politiques, les changements de mentalité des 15, voire des 20 ou 30 dernières années, il s’avère lucide, mais aussi nostalgique et défaitiste, comme si, passé 30 ans, on ne pouvait plus changer le monde, pris au travers les engrenages d’une machine qui ne fait qu’avaler.

La trame musicale, toute en anglais, appuie avec justesse les émotions de chaque scène. Souvent, un bruit parasite vient nuire à sa clarté : le bonheur n’est jamais facile à atteindre.

De facture circassienne, Cannibales bouscule le genre théâtral et forme un tout paradoxalement fragmenté, mais d’une belle cohérence, à la technique parfaitement maîtrisée, mais qui n’allume pas de feu, trop altéré par un constat d’échec généralisé d’une génération perdue.

04-04-2012