Petit, pour moi, le progrès, c'était qu'un jour, j'allais aller dans l'espace. Un jour, ils auraient trouvé comment y aller, comment monter plus haut que l'air, plus haut que l'attraction de la Terre, me délester de la gravité. Et partir vers les étoiles.
Un homme entre quatre murs, une cellule d'isolement peut-être. À travers une vitre – seule fenêtre sur les bruits du monde extérieur –, trois personnes viennent lui parler et ponctuer ses jours. Elles sont aussi là pour faire la lumière sur son geste, le confronter à ses paroles, provoquer son délire et le faire passer aux aveux. Face à une société impassible vis-à-vis de son évolution, de son progrès et de sa chute, il choisit de crier. Un cri dissident. Mais est-ce celui d'un héros ou d'un monstre?
Un texte politique et poétique, des corps engagés et sensibles, un véritable duel entre la violence et la beauté que l'Homme peut engendrer. Pour la première fois, l'univers sans compromis de Philippe Ducros rencontre celui de l'explorateur formel qu'est Patrice Dubois. Ensemble, ils nous offrent une provocante réflexion sur le mouvement des grandes civilisations et les conséquences de notre soif de progrès.
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Assistance à la mise en scène et régie : Catherine La Frenière
Scénographie : Olivier Landreville
Musique : Benoît Côté
Costumes : Yasmina Giguère
Éclairages : Anne-Marie Rodrigue-Lecours
Accessoires : Fannie Breton-Yockell
Mouvement : Virginie Brunelle
Répétiteur : Mani Soleymanlou
Les mardis à 19 h
Du mercredi au vendredi à 20 h
Et les samedis à 16 h
Le déambulatoire La porte du non-retour est présenté dans le cadre des représentations de Après moi, le déluge et Dissidents
Rencontres
Lundi 27 février à 17h30 — lancement du livre Dissidents, publié à L'Instant Même.
Vendredi 9 mars — rencontre avec l'équipe de création, tout de suite après la représentation.
Vendredi 23 mars — rencontre avec Mathieu Roy, coréalisateur de Surviving Progress, tout de suite après la représentation. - GRATUIT
Le Théâtre PÀP vous invite à une discussion spéciale entourant sa production DISSIDENTS, présentée à Espace Go jusqu’au 31 mars 2012. Cette discussion se fera en présence du réalisateur Mathieu Roy, qui abordera, en compagnie de Patrice Dubois et Claude Poissant, les parallèles à faire entre DISSIDENTS et SURVIVRE AU PROGRÈS, son long métrage documentaire sorti à l’automne 2011.
Une production du Théâtre PÀP
par Daphné Bathalon
Dans un lieu et un pays jamais identifiés, dans une époque jamais clairement située, un homme est emprisonné depuis un mois, refusant de parler malgré les questions inlassablement répétées par ses visiteurs. Il a commis un crime sur la nature duquel flottera un mystère pendant toute la pièce. Lorsqu’il se met enfin à parler, c’est par la rage et la haine qu’il exprime son impuissance et sa frustration contre un monde écrasant qui n’a plus rien d’humain, pas même ses dirigeants.
Le texte de Philippe Ducros contient un souffle puissant chargé de réflexion et de questions sur la société actuelle. Il charroie surtout un discours porteur sur la civilisation et le progrès, sur la dissidence de l’individu par rapport à la masse passive. Cet individu qui s’oppose doit être questionné, remis à zéro, refaçonné… Il n’y a pas de place pour le doute et l’indignation dans ce monde. Ducros met dans la bouche de ses personnages des phrases-chocs qui font mouche, bien que par moment, ce constant regard porté sur le pouvoir politico-économique paraît lourd et dense. Le sentiment d’impuissance se communique au public qui voudrait bien un peu d’air pour respirer dans toute cette pesanteur.
Pendant les longues premières minutes, on observe une constante distance entre les personnages, il n’y a aucun contact autre que visuel entre eux. Une distanciation que l’on ressent aussi dans le public, jusqu’à ce que s’opère un rapprochement, tant entre les personnages qu’entre la scène et la salle. Alors, on se penche enfin pour mieux tendre l’oreille et capter le discours du Dissident, de la Petite et de l’Autre, tortionnaire et TED diagnostiqué souffrant de nombreux tics.
Sébastien Dodge, en antagoniste questionneur, est délicieux d’étrangeté. Une aura inquiétante se dégage de cet Autre, et ses descriptions de torture « moderne et civilisée » sont glaçantes de réalisme, éveillant en chaque conscience des souvenirs récents de guerre en Irak et de Guantanamo. « On ne torture plus comme des barbares… on connaît maintenant en détail les étapes de la destruction de la psyché et du démantèlement total de la personnalité. » Seule la prestation d’Éveline Gélinas détonne. En première partie, son ton n’a pas la justesse de celui de Patrice Dubois, dont la rage contenue est éclatante. Le comédien réussit à nous entraîner dans les méandres du délire et de la souffrance du Dissident. Jusqu’à la toute fin du spectacle, on frémit avec lui lorsqu’entre les différents interrogatoires résonnent les aboiements des chiens dans le noir.
Nu pendant la majorité de la représentation, l’espace scénique se charge rapidement de mots; l’absence de décor permet alors de se concentrer facilement sur les propos du Dissident, sa lente glissade vers le gouffre du doute : il ne sait plus ce qu’il est, ce qu’il a fait… Son identité disparaît derrière le geste qu’il aurait posé. L’apport du décor victorien et du piano pour souligner la perte de repères de l’individu est mineur et détourne l’attention du texte. Leur installation sur scène crée également le plus long noir de la représentation, perturbant le rythme autrement haletant de la mise en scène de Patrice Dubois.
À la sortie de la salle au soir de la première, les avis étaient fortement partagés : les uns avaient adoré, les autres détesté et d’autres encore gardaient un silence songeur. Le principal problème de Dissidents est la lourdeur qui se dégage de l’ensemble, seule la Petite, incarnée par Marilyn Castonguay, apporte un éclat de lumière bien vite soufflé. Ce qui est sûr, c’est que Dissidents n’est pas le type de pièces qui laissent le spectateur s’enfoncer confortablement dans son siège : elle distille un certain malaise, instille un questionnement sur le rapport qu’on entretient avec la société et sur notre relative passivité.