Les acteurs qui sont là jouent la pièce qui est là/
La pièce qui est là conte l'histoire des acteurs qui sont dans la pièce/
Les acteurs qui sont dans la pièce n'arrivent pas à jouer la pièce qui est dans la pièce/
La pièce qui est dans la pièce ne conte pas l'histoire des acteurs qui sont là
OULIPO SHOW se déroule dans le dénuement le plus total afin que le verbe et la contrainte puissent prendre leur envol. Véritable chorégraphie du langage, ce spectacle repose sur un collage de textes d'auteurs, dont les célèbres EXERCICES DE STYLES dans lesquels l'auteur Raymond Queneau propose quatre-vingt-dix-neuf versions différentes d'une même histoire. C'est dans la « potentialité » que réside cet exercice littéraire : multiplier, métamorphoser, produire de la singularité, jouer. Le même récit, complètement trituré, devient autre. Une grande fête des mots! Un spectacle-performance qui appelle la virtuosité chez les comédiens dont l'art d'interprétation entraînera immanquablement le vertige et la jubilation chez le spectateur.
Assistance à la mise en scène : Martin Émond
Costumes : Isabelle Larivière
Éclairages : Dominique Gagnon
Bande sonore : Gaétan Leboeuf
Maquillages : Angelo Barsetti
Création à Montréal, salle Fred-Barry, NCT, avril 1988
Une production de UBU Compagnie de création
par Daphné Bathalon
Ouliquoi? C’est la question qui spontanément vient aux lèvres des gens à qui l’on parle du spectacle. OuLiPo pour Ouvroir de Littérature Potentiel, un groupe littéraire formé en 1960 par un mathématicien, François Le Lionnais, et un écrivain, Raymond Queneau, dans le but avoué de faire de l’écriture un jeu.
Afin de souligner en grand le 30e anniversaire du Théâtre UBU, Espace Go présente, jusqu’au 12 novembre et pratiquement dans sa version d’origine, l’Oulipo show créé par Denis Marleau en 1988. Une belle occasion pour la jeune génération de redécouvrir le théâtre ubuesque dans tout ce qu’il a d’absurde, de délirant et de délectable!
Car il faut bien les goûter ces mots, tantôt offerts en jeux et en bouquets, tantôt mitraillés ou zozotés. Carl Béchard, Pierre Chagnon, Bernard Meney et Danièle Panneton, tous de la distribution d'origine, se sont remis les mots en bouche comme si les vingt-trois dernières années n’avaient été qu’une courte interruption dans ce spectacle hors de l’ordinaire. Lors de la première, pas un faux pas, pas une fausse note n’a perturbé le rythme étourdissant de cette adaptation des textes de l’OuLiPo, pourtant pas des plus faciles à mémoriser ni à articuler. Épenthèse, animisme, homéotéleute, lipogramme, syncope… même les noms que portent ces exercices de style sonnent à l’oreille comme une langue étrangère.
Le chœur polyglotte et polyphone formé des quatre comédiens se tient raide sur la scène nue. Marleau a tout misé sur le texte et ses interprètes, ils sont à eux seuls à la fois l’univers et l’action. Le design sonore de Jean-François Gélinas vient habiller le chœur avec quelques notes de musique classique tandis que les éclairages sobres de Dominique Gagnon mettent les mots en lumière.
Vestons, cravates, lunettes de soleil noires, les personnages offrent d’abord un visage très sérieux jusqu’à ce que l’on remarque leurs culottes courtes, clin d’œil certain au côté ludique assumé par l’Oulipo. Vêtus de gris de la tête aux pieds, les comédiens semblent par moment statufiés. Immobiles sous l’éclairage, ils se déplacent à peine et toujours de manière synchronisée, un ballet simple, mais contrôlé dans lequel on reconnaît bien la touche de Denis Marleau. Leurs gestes sont mécaniques et sans émotion, c’est la parole, matière vivante, qui vibre.
Courte l’heure que dure l’Oulipo show? Oui, puisque le temps file à la vitesse de l’éclair, le public est captivé par les jeux de langage qu’on lui propose. Mais c’est la juste durée qu’il fallait pour éviter le mal de tête. De fait, le spectacle requiert toute l’attention des spectateurs pour décortiquer les mots et leur poésie intrinsèque.
Denis Marleau a visiblement pris un grand plaisir à créer ce spectacle il y a quelques années, un plaisir demeuré intact en 2011.