Rabe, qui vient à peine de s'installer en ville, est l'unique témoin de l'accident d'un jeune garçon. Plus les gens tentent de se rapprocher de lui pour comprendre ce qui s'est passé, plus ils réalisent qu'il y a chez cet étranger quelque chose qui cloche.
La vie et les espoirs de huit habitants d'un même quartier s'entrechoquent autour d'un drame qui déclenche une série d'événements troublants. Individuellement, les voix s'étouffent. Nul ne sait que faire de ses sentiments. Sept ans après, chacun s'exprime dans une choralité étrange, loin de tout réalisme, mais à l'intérieur de laquelle raconter devient possible. Avec ses thématiques puissantes et ses personnages ambigus, LE DERNIER FEU éclaire sur la complexité et la fragilité de l'âme humaine et oppose à l'idée de fatalité celle de responsabilité individuelle.
Le chant vibrant de ces âmes seules inspire à Denis Marleau et Stéphanie Jasmin une mise en scène où seront mises en lumière les multiples voix de chacun, dans une proximité des corps qui se rapprochent, se désirent ou se heurtent violemment et dans un univers à l'imagerie enfantine en guise de trame rêvée.
Après avoir fréquenté Thomas Bernhard et découvert Elfriede Jelinek à travers sa pièce JACKIE, le duo poursuit son exploration du théâtre germanique contemporain à travers les mots de Dea Loher. C'est la beauté de son écriture et l'orchestration qu'elle opère en virtuose et de façon bouleversante entre les voix qui se croisent, se confondent ou ne cessent de transmuer entre le « je » et le « nous » qui les ont fascinés. LE DERNIER FEU est une pièce en clair-obscur, qui a la grâce fragile, directe, parfois drôle et essentialiste d'un dessin d'enfant.
Assistance à la mise en scène : Martin Émond
Lumières : Marc Parent
Costumes : Ginette Noiseux
Conception vidéo : Stéphanie Jasmin
Dessins animés : Marie-Pierre Normand
Musique : Jérôme Minière
Montage et staging vidéo : Pierre Laniel
Design sonore : Jules Beaulieu
Accessoires : Stéphane Longpré
Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti
Photo Carl Lessard
Entretiens GO
Jeudi 24 janvier 2013
Denis Marleau + Stéphanie Jasmin + Marie-Christine Lesage (professeure et chercheure)
De 18 h à 19 h, dans le Café-bar d'ESPACE GO
Sandwiches et consommations en vente sur place
Une coproduction ESPACE GO et UBU compagnie de création
par Gabrielle Brassard
Le dernier feu, la plus récente production de UBU, est une pièce très formelle, Marleau s'intéressant beaucoup plus à la structure narrative qu'à l'émotion. En cela, il est allé au bout de cette réflexion dans la pièce de Dea Loher, les personnages livrant les faits d’une histoire somme toute dramatique, mais avec un certain détachement. Mis à part quelques apartés plus humoristiques, livrés par certains personnages comme ceux de Peter Batakliev ou de Noémie Godin-Vigneau, les échanges s’avèrent très neutres. On relate des évènements ou des suppositions remontant à quelques années plus tôt, après l'accident qui bouleversa la vie de chacun des huit personnages en scène, réunis pour recoller les morceaux de ce drame.
Les émotions, s’il y en a, sont transmises par la musique, composée et interprétée en direct par Jérôme Minière, qui s’avère être résolument un meilleur musicien que comédien. Il agit à la fois comme narrateur et passeur des sentiments des autres, le tout chanté, parfois sous forme de rap.
Quelques extraits du texte sont projetés à l’arrière-scène, et d’après ce que l’on peut en juger, il ne semble pas vraiment avoir de personnages prédestinés dans la pièce de Loher. On peut donc supposer que c’est Marleau, dans son interprétation du texte, qui a choisi de donner des fragments de narration de l’histoire à différents personnages. Habile tour de force du metteur en scène et de sa collaboratrice, Stéphanie Jasmin, car les personnages paraissent naturels, malgré leur jeu distant.
La scénographie (Marleau et Jasmin) n’ajoute pas à la chaleur du spectacle, bien au contraire, et l’on imagine que l’effet est voulu. Mais on y retrouve néanmoins quelque chose d’intéressant dans les longues toiles blanches qui recouvrent plancher, mur et plafond. La grande étendue blanche qui constitue le mur en arrière-scène, sur laquelle sont projetés des dessins bleus tout au long de la pièce, semble se « salir » au fil de l'histoire, les souvenirs des personnages venant s'y imprimer les uns sur les autres. Tout ce qu'ils disent y apparait en quelque sorte et y laisse des traces. Vers la fin, c’est une véritable cacophonie visuelle que l’on retrouve sur cette toile, pour redevenir, dans l’épilogue, blanche, comme si les confessions des personnages leur permettaient de recommencer à neuf, de vivre à nouveau, libérés.
Malgré ces quelques éléments scénographiques originaux et les apports colorés de certains personnages, Le dernier feu reste froid, malgré son titre, ce qui peut amener le spectateur à décrocher lors de la pièce, longue par moments. Même le feu en question semble ne jamais s’allumer.
Une belle distribution (excellent Denommée, surprenant Batakliev), des metteurs en scène chevronnés et un texte très cérébral, autant dans son propos que dans la transposition scénique de Marleau. Mais en fin de compte, une pièce qui s’avère peut-être trop détachée, trop froide, trop blanche.