Une maison de banlieue à l’image des catalogues. Une famille (presque) parfaite. Barbara, Bernard et Bruno forment ce triangle où chacun se délecte de ses propres obsessions matérielles. Prisonnier d’un monde qu’il n’a pas choisi, le fils déverse sa colère sur ses parents. La mère, femme chargée d’amertume, s’essaie à ajouter du piquant dans sa vie, tandis que le père, homme apathique, s’occupe à épier les voisins.
Jusqu’au jour où une jeune fille de la ville entre dans ce jardin verdoyant. En faisant irruption dans leur quotidien, Blanche bouleverse leurs codes et leurs manières et se transforme, à ses dépens, en un jouet à leur service. Tour à tour sosie juvénile, objet de convoitise ou modèle bourgeois, elle devient étrangement l’élément fondateur de nouveaux liens familiaux.
Portrait d’une certaine schizophrénie sociale, LES CHAMPS PÉTROLIFÈRES décrit avec justesse et humour noir les perversions morales de notre monde actuel. Un univers où le désir d’opulence se reflète dans nos rapports à autrui et où les personnages parviennent à leurs fins au détriment de leur entourage.
Pour Guillaume Lagarde, « la famille est un territoire propice à l’exploration des névroses collectives et du narcissisme ambiant ». Cet auteur autodidacte, dont les textes riches et porteurs se taillent progressivement une place dans le milieu théâtral, a consacré dix ans de travail en huis clos à ce texte. La pièce LES CHAMPS PÉTROLIFÈRES, présentée en lecture pendant la semaine de la dramaturgie du CEAD, a reçu une mention spéciale au prix Gratien-Gélinas 2012. Toujours à l’affût de projets qui questionnent les formes établies, le metteur en scène Patrice Dubois a décidé de porter à la scène cette dramaturgie trouble.
Assistance à la mise en scène : Cynthia Bouchard-Gosselin
Scénographie : Geneviève Lizotte
Éclairages : Erwann Bernard
Musique : Larsen Lupin
Costumes : Cynthia St-Gelais
Photo : Maxime Leduc
Tarif :
Régulier 35$
30 ans
et moins 27$
65 ans et plus 28$
Rencontre après le spectacle
Vendredi 22 novembre 2013
Une production Théâtre PàP
par Geneviève Germain
La toute première pièce de Guillaume Lagarde, mise en scène par Patrice Dubois, nous fait vivre une étrange incursion dans la vie en apparence tranquille d’une famille mononucléaire. Alors que Bruno (Guillaume Cyr) est victime d’un malaise vasovagal en pleine rue Saint-Laurent, il prend sous son aile Blanche (Marilyn Castonguay), une adolescente qui est la seule à lui venir en aide. Vêtu de son monopièce rouge, il la ramène en moto dans sa maison de banlieue où elle deviendra non seulement l’objet des convoitises de Bruno, mais aussi des obsessions de ses parents, Barbara (Annette Garand) et Bernard (Jacques Girard).
Le décor de la pièce est prometteur dès notre entrée en salle : on nous fait passer par le garage de cette maison de banlieue et on doit fouler le très beige tapis de cette demeure. Les quelques meubles et accessoires présents contribuent à l’ambiance glaciale qui s’impose peu à peu. Dès les premiers dialogues, un malaise s’installe dans la salle et sera présent jusqu’à la toute fin. Les répliques s’enchaînent et pourtant ne se répondent pas toujours, nous contraignant à assister à un dialogue de sourds où chaque personnage se complait dans ses propres névroses.
Dans un univers où le père de famille se plait à épier les voisines par la fenêtre, où sa femme parle aussi librement des cours du pétrole que de son formidable amant Rocco et où leur fils est un mal nécessaire, on peine à comprendre pourquoi cette jeune fugueuse se colle à leur existence. La mère, d’abord dominante et opposée à l’arrivée de Blanche, finit par en faire une parfaite petite bourgeoise qui exige de faramineux cadeaux. Les deux hommes se partagent également la présence de la jeune fille pour assouvir leurs perversions sans aucune contrainte. Tous les personnages semblent désincarnés et vides, contribuant à l’incongruité de la pièce, car on se demande ce qui est son véritable objet. Les propos arides de chacun nous bousculent, tout comme les transitions abruptes entre chacune des scènes où le public est plongé dans un noir total avec une musique assourdissante.
Dans une entrevue accordée à mon collègue Olivier Dumas, l’auteur de Les champs pétrolifères affirme vouloir laisser «beaucoup de place à l’interprétation, à l’ambiguïté». Si tel était son but, c’est réussi. Toutefois, on demeure sous l’impression d’avoir été malmenés pendant une heure et trente minutes et contraints d’assister à un portait de famille très peu reluisant. Il faut néanmoins souligner l’excellent jeu des quatre acteurs qui nous réconforte un peu face au récit tordu qui nous est servi.