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Du 17 septembre au 12 octobre 2013, mardis à 19 h, du mercredi au samedi à 20 h, samedis à 16 h
Villa DolorosaVilla Dolorosa
Texte : Rebekka Kricheldorf
Traduction : Sarah Berthiaume et Frank Weigand
Mise en scène : Martin Faucher
Avec Geneviève Alarie, Anne-Élisabeth Bossé, Luc Bourgeois, David Boutin, Marilyn Castonguay et Léane Labrèche-Dor

Trois ans après l’accident de leurs parents, les enfants Freudenbach espèrent toujours le début d’une nouvelle vie au cœur de la villa familiale. Aujourd’hui, c’est le 28e anniversaire d’Irina. On sort le tourne-disque et les vieux vinyles. Entre conversations absurdes et philosophiques, les vapeurs d’alcool n’arrivent pas à masquer l’ennui. Un an plus tard, c'est de nouveau l’anniversaire d’Irina. Et la fête est ratée, comme toujours. Pas grave, on se reprendra l'année prochaine.

VILLA DOLOROSA est un drame contemporain aux allures de vaudeville existentiel d’une lucidité redoutable, d’une saine et joyeuse férocité. Trois sœurs… et un frère, eh oui, comme dans la pièce de Tchekhov, sont orphelins et dérivent dans la belle et grosse maison familiale, trop pauvres qu’ils sont pour entretenir son faste et sa splendeur passée. Amours ratées, études qui ne mènent nulle part, travail abrutissant et temps qui file trop vite, voilà l’essentiel des obsessions de ces éternels adolescents que sont ces Olga, Irina, Mascha et Andrej des temps modernes. Avec une langue mordante qui peut choquer, mais qui provoque à coup sûr le rire, la pièce décrit une réalité sociale qui nous concerne drôlement. À quelle élévation d’âme pouvons-nous aspirer alors que la médiocrité ambiante triomphe?

Née en 1974, l'Allemande Rebekka Kricheldorf est, depuis 2009, dramaturge, auteure en résidence et membre de la direction artistique à la Theaterhaus de la ville d'Iéna. Elle a écrit une vingtaine de pièces, dont LA BALLADE DU TUEUR DE CONIFÈRES, GOTHAM CITY I, PRINCESSE NICOLETTA, LA TESTOSTÉRONE, des titres intrigants inspirés très librement de différents mythes littéraires, auteurs et personnages aussi divers que Dom Juan, Dracula, Batman, Louis XV, Shakespeare, Brückner, Nick Cave et les frères Grimm. Ses pièces dressent avec humour le portrait d'une génération de trentenaires qui, loin de la chute du mur de Berlin et du début de la mondialisation, est en manque d'idéaux et de tabous à briser.


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Assistance à la mise en scène : Emanuelle Kirouac-S.
Décor : Max-Otto Fauteux
Costumes : Denis Lavoie
Lumières : Marc Parent
Accessoires : Normand Blais
Maquillages : Angelo Barsetti

Tarif :
Régulier 35$
30 ans et moins 27$
65 ans et plus 28$

Rencontre avant le spectacle
Jeudi 19 septembre
Martin Faucher, metteur en scène
Jessie Mill, conseillère aux projets internationaux au Centre des auteurs dramatiques (CEAD), enseignante à l’École supérieure de théâtre, UQAM

Une production d'ESPACE GO


Espace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Caroline Laberge

L’Allemande Rebekka Kricheldorf, auteure de plus d’une vingtaine de pièces depuis sa sortie du Hochschule der Künste de Berlin en 2002, et, depuis, récipiendaire de nombreux prix, s’inspire, ou plutôt s’attaque, dans sa singulière dramaturgie, à des figures mythiques de la culture occidentale. Notons, au passage, les personnages des frères Grimm, Dom Juan (dans La ballade du tueur de conifères), Dracula ou même Batman (dans Gotham City 1). Par ces figures légendaires, Kricheldorf explore les tribulations, l’amertume et les désillusions de sa propre génération.

L’Espace Go offre au public montréalais, en ce tout début de saison 2013-2014, de découvrir l’écriture de cette auteure grâce à Villa Dolorosa, un des plus récents textes de Kricheldorf, monté pour la toute première fois au Theaterhaus d'Iéna en 2009.

Des comédies ; voilà ce que Tchekhov disait, selon certains, à propos de ses pièces. Si ce cher Anton T. était notre contemporain, Villa Dolorosa serait incontestablement le texte qui se rapprocherait le plus de la plume de notre Russe favori, et Rebekka Kricheldorf en serait certainement honorée. Car Villa Dolorosa est plus que « librement inspirée » de l’œuvre générale de Tchekhov (ou plus précisément ici des Trois sœurs), mais une réactualisation féroce, ironique, voire une transposition moderne parfaite des motifs et de l’univers tchékhoviens.

Trois sœurs et un frère, donc, aux noms très ruskov - merci aux parents amants de la littérature russe -, habitent une villa qui tombe en ruine, aux murs garnis de cadres sans peinture, image de leur propre vie plus ou moins en suspend. Irina, éternelle étudiante qui ne trouve aucun intérêt particulier à son avenir ou même à l'amour, « vedge » dans son lit jusqu’à midi, puis hante les pièces de la maison jusqu’à 3 heures en buvant du café. Olga, la plus vieille, la seule qui contribue au maintien financier de la famille, se plaint de son travail d’enseignante et de la possibilité de devenir directrice, étant la seule à mériter le poste, même si elle n’en veut absolument pas. Mascha, lasse d’un mariage qui ne la satisfait plus, désire briser son ennui en trouvant un vrai travail, sans pour autant en chercher. Andrej, lui, est obsédé par  le concept d’un roman qui n’aboutit jamais. Ce commun niveau intellectuel, au-dessus de la moyenne et don empoisonné de leurs parents, sera un éternel sujet de raillerie et d’accablement chez les membres de cette famille orpheline. Leur vie sera chamboulée par l’arrivée de Stefan, à l’épouse suicidaire – tentatives malheureuses pour emprisonner son mari auprès d’elle - qui s’entiche de Mascha, et de Karine, jeune femme pauvre du portefeuille comme de l’esprit, qui saura malgré tout charmer Andrej - et porter ses enfants.


Crédit photo : Caroline Laberge

Trois anniversaires d’Irina, entre 28 et 30 ans, tous aussi ratés les uns que les autres, forment les trois actes de cette comédie tout aussi truculente que cynique. Villa Dolorosa, traduite par Sarah Berthiaume (dont on reconnait le style lors de quelques scènes) et Frank Weigand, s’avère un morceau théâtral mordant, qui ne craint ni les envolées littéraires pompeuses, mais d’une redoutable agilité, toujours teintées d’une morosité palpable, ni les répliques assassines et vulgaires farouchement drôles. L’utilisation de la répétition au cœur des trois actes, autant dans les dialogues que dans la narration scénique, vient créer des cercles vicieux au sein du récit et des vies des personnages, desquels ils n’arrivent pas à s’extirper. On nage ici en pleine médiocrité assumée, celle qui noie une génération désabusée, abrutie, tout aussi désespérée que désespérante. L’adolescence n’a pas encore quitté ces personnages, aux nombreuses crises ou aux laisser-aller de diva misérable, typique et foncièrement comique. Anne-Élisabeth Bossé est particulièrement irrésistible dans son personnage d’Irina ; Marilyn Castonguay, aux superbes bouclettes blondes, charme par sa seule présence. Geneviève Alarie (Olga), Luc Bourgeois (Stefan), David Boutin (Andrej) et Léane Labrèche-Dor (Karine) sont tout aussi justes qu’éclatés, soufflant à leur personnage la dose parfaite de folie. Si certains échanges, très individualistes, manquaient de fluidité lors de la première, quelques représentations sauront rapidement contrer ce léger défaut.

La mise en scène de Martin Faucher, quoiqu’efficace et colorée, n’est malheureusement pas la plus éclatante ou la plus originale de sa carrière, surtout après le Blanche Neige de Jelinek, présenté dans les mêmes murs en 2011. Cela dit, il réussit à diriger brillamment les comédiens, modelant chaque personnage de manière à ce qu’ils représentent totalement cet ennui lourd et ce désespoir mou, omniprésents au cœur du récit, qui deviennent les objets que l’on ridiculise. Car, comme le dit si bien Irina, « le bonheur, le bonheur… c’est surestimé ».

19-09-2013