Fragilisée par la récente perte du domaine familial, Blanche DuBois débarque chez sa sœur Stella. Elle découvre alors avec stupeur la misère dans laquelle celle-ci s'enlise auprès de son mari, Stanley Kowalski, un bel ouvrier d'origine polonaise au caractère bouillant.
Ce qui ne devait être qu'une halte de quelques jours se transforme en un long séjour qui n'en finit plus. L'intrusion de Blanche dans l'intimité du jeune couple crée une tension de plus en plus difficile à contenir. Déchirée entre son idéal de pureté et son incessant désir de plaire, Blanche dérange. Convaincu que le passé de sa belle-soeur n'est pas aussi glorieux qu'elle le prétend, Stanley est déterminé à percer ses secrets.
Après l'admirable CHRISTINE, LA REINE-GARÇON en 2012, le metteur en scène de renom Serge Denoncourt et la comédienne Céline Bonnier avaient scellé un pacte : travailler à nouveau ensemble sur le thème du désir. Pour fouiller les effets de cette pulsion violente qui agit sur l'âme et la chair, Serge Denoncourt lui a proposé une réflexion sur le personnage de Blanche DuBois. S’inspirant de la célèbre pièce Un tramway nommé désir de Tennessee Williams, il choisit d’explorer les rapports charnels entre les personnages principaux, avec un regard dépouillé de la censure de l’époque. Ce faisant, il en révélera les secrets intimes et la moiteur.
Section vidéo
Assistance à la mise en scène : Suzanne Crocker
Décor et accessoires : Julie Measroch
Lumière : Martin Labrecque
Costumes : Pierre-Guy Lapointe
Musique : Nicolas Basque
Maquillages : Amélie Bruneau-Longpré
Photo Leda & St.Jacques | Conception Cossette
Rencontre avec le public
Jeudi 14 janvier 2016,
à 18 h 30
Tarif : 44$
Durée : 2 h 40, incluant un entracte
Dates antérieures (entre autres)
Du 20 janvier au 14 février 2015 - Espace GO
critique publiée lors de la création, en janvier 2015
Jusqu’à la mi-février 2015, l’Espace GO présente Un tramway nommé Désir, de Tennessee Williams, encore considérée aujourd’hui comme un chef d’œuvre de la littérature américaine. En plus d’avoir valu à son auteur le prix Pullitzer en 1948, l’adaptation cinématographique d’Elia Kazan, créée trois années plus tard, a permis à l’œuvre de bénéficier d’un rayonnement international.
La proposition de Serge Denoncourt invite à découvrir l’œuvre de Williams sous un nouveau jour. Le metteur en scène évoque avec brio l’Amérique pauvre de la fin des années 40. Dans un appartement glauque de la Nouvelle-Orléans, Blanche DuBois rend visite à sa sœur Stella et à son mari Stanley. Rapidement, les valeurs prolétaires de Stanley, un ouvrier polonais violent et mal dégrossi, se heurtent aux allures faussement distinguées de Blanche dont le séjour s’éternise. Un tramway nommé Désir raconte le rêve déchu d’une femme fragilisée par un amour tragiquement perdu, qui flotte au gré de ses pulsions et de ses goûts de luxe.
Céline Bonnier offre une performance aussi forte que troublante dans le rôle de Blanche DuBois, un personnage qui rappelle les grandes héroïnes tragiques comme Hécube et Antigone, mais également des figures d’écrivaines féminines tourmentées comme Nelly Arcan ou Sylvia Plath. La comédienne arrive à rendre avec justesse la complexité du personnage de Blanche, à la fois mythomane et nymphomane. La femme, malheureusement trop libre pour son temps, est coincée dans une Amérique d’après-guerre qui demeure très patriarcale. Prise entre ses pulsions sexuelles inassouvies et la peur de se dévoiler, Blanche cherche sans cesse à contrôler l’image qu’elle projette en s’enfermant dans une mise en scène d’elle-même qu’elle peine à maintenir.
En plus d’avoir resserré l’histoire autour des quatre personnages principaux du Tramway (Blanche, Stella, Stanley et Mitch), Serge Denoncourt choisit de faire figurer l’auteur lui-même dans sa pièce (excellent Dany Boudreault). Tout comme sa Blanche DuBois, Tennessee Williams avait des problèmes d’alcool, venait du sud des États-Unis, avait une sexualité débridée et a été interné. Selon Serge Denoncourt, le personnage de Stanley constitue à la fois le modèle masculin idéal de Blanche, mais aussi celui de Williams, ce dernier vivant par procuration la réalisation de son fantasme homosexuel grâce à son héroïne.
La scénographie imposante de Julie Measroch et les éclairages de Martin Labrecque recréent magnifiquement l’atmosphère poisseuse et sale évoquée dans la pièce et qui fait dire à Blanche que « seul le grand Edgar Allan Poe pourrait rendre justice à un endroit comme ça. » Deux murs de bois laissent passer la lumière, dont celle produite par le passage du tramway à différents moments du spectacle. Au fond de la scène trône une immense affiche un peu défraichie du film culte d’Elia Kazan sorti en 1951. Les vidéos de Gabriel Coutu-Dumont, juxtaposition d’images d’archives et d’extraits de films, accentuent davantage la filiation dans laquelle s’inscrit Denoncourt. La musique jazzée de Nicolas Basque, convoquant Nina Simone, Judy Garland et Soap & Skin (magnifique version de la chanson Voyage, voyage), ajoutent une atmosphère angoissante et sulfureuse.
À cause de la nudité et de la sexualité présentes dans la pièce, la mise en scène de Denoncourt s’adresse à un public de 16 ans et plus. Pourtant, même les scènes sexuelles les plus explicites sont traitées avec pudeur. C’est surtout la violence reliée au non-dit des personnages qui rend la pièce choquante, notamment à travers la domination de Stanley sur Stella, qui même après avoir été violentée par son mari, revient inlassablement vers lui.
On peut finalement se questionner sur le choix d’avoir conservé des enregistrements de conversations entre les membres de l’équipe du spectacle à propos du rapport des personnages au désir. Ces captations, présentées au début de la représentation et au retour de l’entrace, avaient été prises pour le projet initial de Denoncourt, qui visait plutôt une réécriture à partir d’Un tramway nommé Désir qu’une mise en scène fidèle à l’œuvre originale. Sans être dénuées d’intérêt, ces réflexions sonnaient creux et n’apportaient rien de plus à la pièce. Ce léger bémol n’enlève toutefois rien à la qualité du spectacle qui figure à coup sûr parmi les immanquables de la saison.