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Du 29 mars au 9 avril 2016, les mardis à 19 h, du mercredi au vendredi à 20 h et les samedis à 16 h
Révolution à Laval
Texte Guillaume Lagarde
Mise en scène Sébastien Dodge
Avec Marc Béland, Philippe Boutin, Kathleen Fortin, Myriam Fournier, Jacques L’Heureux

L’action se passe principalement à Laval, c’est-à-dire Nulle Part, ou peut-être Partout. Roméo est le maire corrompu et insatisfait de Mascouche et sa femme Mercédès le convaincra d’ourdir un complot meurtrier contre le maire de Laval, dans le but de se faire élire maire à sa place. C’est clair et pas tout à fait net.

Voici une comédie de mœurs très librement inspirée d’UBU ROI d’Alfred Jarry, dont le thème principal est, bien entendu, celui de la corruption politique. Mais la pièce, caricaturale, absurde et cinglante s’attaque à la corruption au sens large, à la sempiternelle reconduction du statu quo, à notre odieuse absence de mémoire, au manque de savoir-vivre généralisé et à la consanguinité ambiante du petit monde de la politique municipale.

Il s’agit du deuxième rendez-vous du Théâtre PÀP et de l’auteur des CHAMPS PÉTROLIFÈRES, Guillaume Lagarde, qui explore ici un tout autre registre et montre l’étendue de son talent. Grimpant l’arbre de notre généalogie dramaturgique, il pirate Jarry, valdingue dans le guignol, singe Shakespeare et chaparde Aristophane. Il grossit les traits de notre monde, le regarde avec justesse et humour et l’entache d’une encre rouge, arme ultime d’élévation. Si le trait semble gras, si la charge n’est que frontale, c’est un gros tant mieux et un immense tant pis. Lagarde amuse sérieusement et rembourre franchement les nids de poules de nos consciences.

Sébastien Dodge, qui a quelques fois collaboré avec le Théâtre PÀP à titre de comédien, signera la mise en scène de cette diatribe. Son sens aigu du trop-plein comme du pas assez, sa rigueur et sa précision mécanique des choses conviennent parfaitement à cet univers. Ce sera l’occasion pour lui de dialoguer avec des comédiens de grands talents qui frappent ici le mur du sans bon sens, position salto arrière.


Éclairages : Mathieu Marcil
Musique : Gaétan Paré
Scénographie et costumes : Elen Ewing

Durée à déterminer

Rencontre avec le public
Vendredi 1er avril 2016, après le spectacle

Tarif
Général 37$
65 ans et + 30$
30 ans et - 28$
Forfaits disponibles pour plus d'un spectacle

Une production Théâtre PÀP


Espace Go, salle 2
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

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Critique

Prenons la célèbre pièce d’Alfred Jarry, Ubu Roi, mêlons-y un peu de Macbeth shakespearien. Actualisons-la et transposons-la dans un Québec moderne. Saupoudrons quelques références à de véritables scandales politiques, commissions d’enquête célèbres et personnalités ayant marqué l’imaginaire collectif. Ajoutons-y du burlesque, de la démesure, une folie universelle, une scénographie originale qui voit littéralement rouge, des acteurs de talent qui savent performer et une mise en scène déjantée ; vous aurez une idée de ce qu’est Révolution à Laval.


Crédit photo : Claude Gagnon

Roméo Urbain (l’incomparable Marc Béland) est l’heureux maire de Mascouche jusqu’au jour où sa Lady Macbeth de femme, Mercédès, (interprétée avec brio par la sublime Kathleen Fortin) lui rentre dans la tête qu’il vaudrait beaucoup mieux que cela. Notre grotesque duo planifie alors de tuer le maire de la grandiose ville de Laval, le maire Veilleux (l’excellent Jacques L’Heureux), afin de lui substituer sa place. Plus ça change, plus c’est pareil, dit-on. Le nouveau maire Urbain reprend ainsi le « business de la corruption » ; scandale des compteurs d’eau, relations avec la mafia, installations au pouvoir de membres de la famille, contrats douteux dans le domaine de la construction, enveloppes (rouges) et argent caché dans les bas, enquête de la commission Bonneau… La corruption municipale à son meilleur, jusqu’au moment où une journaliste du Québécois debout (la très polyvalente Myriam Fournier) décide de se battre pour que la vérité éclate et que Belange Desbois (l’énergique Philippe Boutin), surgissant telle une apparition, s’exclame : « Y’a quelque chose de pourri au royaume de Laval » et exhorte le peuple à se révolter (clin d’œil à un des leaders étudiants du Printemps érable).  

Guillaume Lagarde, l’auteur de la pièce, joue avec les mots, tant dans les noms que dans la prononciation, ce qui apporte une couche à la fois ludique, colorée et rafraîchissante au texte. Les divers niveaux de langages se juxtaposent maladroitement dans la bouche des personnages, renforçant leur image de faux-semblant finalement plutôt vulgaire.

La mise en scène éclatée de Sébastien Dodge brise les conventions théâtrales. Les spectateurs, installés de part et d’autre de la scène, sont à la fois observateurs et observés et deviennent en quelque sorte les sujets de cette cour corrompue. Ils sont même parfois pris à témoin ou interpellés directement par les acteurs durant la pièce. Les comportements les plus discourtois de l’humain (défécation, masturbation, consommation de « cocoïne » ou de pilules, baises frustes, courses culottes baissés des élus), présentés sans ménagement, s’alternent avec l’affichage de l’opulence et de symboles de la réussite (bal, tenues chics, petits pas de danse, animation d’émission de télévision) créant une délicieuse dichotomie entre l’image vernie et la réalité de cette politique municipale. Le maire-roi se promène d’ailleurs entre les deux trônes de ces mêmes extrémités ; la Cadillac typique de la chaise moderne, le La-Z-Boy, et le siège universel de la mouscaille, la toilette.

Révolution à Laval ne fait pas dans la dentelle ; elle dresse un portrait grossier et décapant de notre politique québécoise parfois désolante sans la moindre subtilité, donnant dans l’absurde, le cynisme et la scatologie. Âmes sensibles s’abstenir ! Pour tous les autres, précipitez-vous !

02-04-2016